Dans L'Espérance comme horizon, Francis Mahiout raconte comment, après avoir été clochard à Paris, puis légionnaire, il a réussi à s'intégrer dans la vie professionnelle, allant jusqu'à créer une société florissante. Non sans mal, puisqu'il a eu affaire avec un vérificateur fiscal trop zélé pour lequel les gens qui gagnent de l'argent sont soupçonnables :
"Convaincu de la bonne-tenue de mes comptes, rassuré par mon expert-comptable qui m'intima de ne pas m'en faire, je laissai entamer le processus sans réticence. Un point cependant commença à me préoccuper : la jeunesse et l'entêtement de l'inspecteur chargé de l'expertise. Novice parce qu'il venait tout juste d'être promu à ce poste. Et enragé car il exerçait envers moi un véritable acharnement.
Présent dans les locaux dès le lundi matin, téléphonant le mardi avant de réapparaître le mercredi et ainsi de suite jusqu'au samedi matin même où il exigeait que je lui rassemble telle ou telle partie des pièces pour le début de la semaine suivante, son attitude était ahurissante. Plus qu'une pression c'était devenu une insupportable chasse à l'homme.
Huit mois de poursuites incessantes, alors qu'un contrôle fiscal normal n'excédait pas les trois mois, jusqu'à ce que sur le conseil de mon avocat, un détective ne découvre les raisons d'un tel entêtement. Le contrôle provenait d'une lettre anonyme et l'inspecteur, certain d'avoir à démanteler l'affaire du siècle, n'avait qu'une obsession, celle de faire un carton.
Voilà où en était réduite l'administration fiscale française ! Intervenir par délation comme aux pires moments de la France de Vichy. Et donner carte blanche à des sous-fifres occupés davantage à jouer les justiciers qu'à s'en tenir aux prérogatives de leurs fonctions.
Bien évidemment, étayée par la fameuse lettre anonyme de dénonciation, c'était l'importance du chiffre d'affaires qui avait déclenché l'étincelle. Comme s'il était malvenu qu'une entreprise gagne de l'argent ! Et c'est sous prétexte d'une lutte des classes que ce vérificateur d'opérette mettait obstinément la pression.
"Est-ce normal qu'en ayant fait bien plus d'études que vous, je ne gagne qu'un tiers de votre salaire ?", s'était-il permis de me dire un jour pour justifier son obstination.
"Mon diplôme qui fait toute la différence", lui avais-je rétorqué, "c'est celui d'une caution solidaire et indivisible auprès des banques pour les dettes de l'entreprise. Si vous tenez à augmenter votre paye, libre à vous de créer une société en signant une caution bancaire qu'il vous faudra rembourser toute votre vie en cas d'échec commercial"."
A noter que le directeur de l'administration a annulé ce redressement fiscal.