C'est une thèse de droit de plus de 400 pages accessible en ligne, soutenue le 7 décembre 2016 à l'Université Paris II par Diane-Marie Palacio-Russo. Dans son résumé, elle écrit :
"Les lois relatives à la contraception, à l’interruption volontaire de grossesse ou encore, plus récemment, à la bioéthique ou à l’interdiction du voile intégral sont pourtant toutes réputées avoir reçu le soutien de la franc-maçonnerie. De la pure et simple rédaction dans des loges d’un texte voté ultérieurement, à la fameuse coalition parlementaire, sans oublier les innombrables ministres réputés maçons, l’influence des obédiences prendrait des formes diverses.
Ce travail a pour objet de démontrer la réalité de cette influence tout en en déterminant les spécificités : son identité, son fonctionnement, mais aussi son but et certaines de ses techniques la distinguent des autres auteurs d’influence. Ensuite, cette recherche s’attache à vérifier l’adéquation de la qualification de groupe d’intérêt que revendique la maçonnerie. La démarche adoptée emprunte aux outils proposés par la sociologie juridique, l’influence de la maçonnerie apparaissant comme un phénomène social, comptant parmi les causes de ces lois. En outre, le recours aux données statistiques, comparatives, historiques, à l’entretien, ainsi qu’à la légistique a permis de pallier les lacunes qu’auraient laissées les seules recherches bibliographiques."
Et en voici la conclusion :
"La première question à laquelle notre étude nous imposait de répondre était celle de la réalité de l’influence maçonnique. Ainsi, après avoir identifié la maçonnerie comme un véritable auteur de pressions, disposant d’outils uniques mais non moins efficaces, nous avons démontré la cohérence de son œuvre législative. Celle-ci apparaît entièrement dévouée au service de la promotion de l’idéologie du progrès. Ensuite, une analyse des travaux préparatoires des principaux textes auxquelles elle a contribué, a permis de distinguer ses techniques spécifiques d’influence.
Ensuite, se posait la question de la qualification de cette influence dont la réalité ne pouvait plus être contestée. A cet égard, nous avons pu constater qu’elle revendiquait elle- même la qualification de lobby. Les causes de cette revendication résident essentiellement dans l’évolution qu’a connue cette pratique, passant d’un statut ingrat, teinté de suspicion, à un véritable facteur de légitimité de la présence d’acteurs externes aux côtés du législateur. La justification d’une telle affirmation devait donc être vérifiée. Nos développements nous ont permis de déterminer que si la maçonnerie n’apparaissait pas comme un auteur « classique » de pressions, elle appartenait néanmoins à la catégorie, croissante dans son importance, des lobbyistes idéologiques. L’enjeu de cette qualification aurait pu paraître dérisoire il y a quelques années, mais le besoin, toujours plus pressant, de transparence a donné naissance à un corps de règles applicables aux auteurs d’influence. Néanmoins, l’analyse qui précède aura permis de mettre en exergue, outre son caractère embryonnaire, l’inadéquation de ce régime à cette pratique particulière du lobbying.
La démonstration de la réalité d’une influence de la maçonnerie sous la Vème République et de son rattachement à la catégorie des groupes de pression à caractère idéologique gagne en intérêt si celle-ci ne fait pas que s’inscrire dans l’histoire. Or c’est là une question que soulève l’intérêt que la maçonnerie s’est toujours attachée à défendre. Une fois les grands chantiers qu’ont représenté la libéralisation sexuelle, les lois de bioéthique ou encore l’interdiction du port des signes religieux à l’école achevés, quelles conquêtes s’ouvrent encore à la maçonnerie ? En réalité, il apparaît que le législateur n’a pas toujours, sur ces points, totalement satisfait les maçons. En effet, alors que la question de la fin de vie est à nouveau débattue devant les assemblées, la maçonnerie souhaiterait que des dispositions plus libérales soient adoptées. La laïcité, également, ne semble pas totalement achevée. Certains territoires constituent des enjeux avoués de la maçonnerie actuelle, à l’instar de l’Alsace-Moselle, soumise aujourd’hui encore au Concordat, ou de Mayotte, où, comme l’écrit le professeur Michel VERPEAUX, « La départementalisation […] organisée sur une longue période de vingt à trente ans […] ne peut être assimilée à une sorte de coup de baguette magique qui transformerait la citrouille en carrosse. Des efforts d’adaptation sont nécessaires, qu’il s’agisse de l’établissement d’un état civil fiable, de l’extinction de l’activité judiciaire des cadis, de l’enseignement et de la maîtrise de la langue française […] et de la place de la femme dans la société mahoraise. ». Pour arriver à ses fins, elle devra surmonter un obstacle majeur, sa diversité, qui l’a parfois empêchée d’adopter une position unique, comme lors du débat relatif au mariage pour tous. En effet, bien qu’elle se vante de pouvoir livrer une réflexion échappant aux contingences politiques (immédiateté, fidélité à la ligne d’un parti…), elle est parfois rattrapée par ses clivages."