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L'Eglise : Le Vatican

L’injustice des rigueurs de Rome dépasse largement le cadre traditionaliste

L’injustice des rigueurs de Rome dépasse largement le cadre traditionaliste

A propos des ordinations tant attendues des séminaristes des Missionnaires de la Miséricorde divine, Christophe Geffroy dénonce dans La Nef “un acharnement contre un institut pourtant exemplaire”. Il écrit notamment :

Le caractère injuste de la situation est d’autant plus choquant que la rigueur de Rome s’exerce prioritairement sur les instituts « traditionalistes » qui lui sont le plus fidèles, ceux qui acceptent la messe de Paul VI et qui recherchent le plus activement l’intégration dans les diocèses. Tant mieux si le pape François a été d’une surprenante générosité avec la Fraternité Saint-Pie X (FSPX), qui rejette pourtant fermement la réforme liturgique, Vatican II et le magistère pontifical, en lui accordant à peu près tout ce qu’il pouvait (validité des confessions, des mariages…) ; mais la sévérité concomitante à l’égard des « traditionalistes » demeurés dans la pleine communion ecclésiale pourrait être interprétée comme une stratégie visant à les pousser vers la FSPX, pour les parquer dans une réserve en marge de l’Église où ils auraient la paix sans gêner personne. Évidemment, je ne crois pas que ce soit réellement le dessein de Rome, mais avouons qu’il y aurait de quoi le penser.

L’auteur oublie que Rome ne persécute pas uniquement les traditionalistes. Le séminaire diocésain de San Rafael en Argentine, fermé en 2020, et la Fraternité des Saints Apôtres en Belgique, dissoute, étaient aussi bien intégrés dans les diocèses… Il semble que la problématique dépasse largement le seul cas des traditionalistes. Bon nombre de prêtres diocésains sont actuellement persécuté car ils n’entrent pas dans le cadre de la nouvelle pastorale, qui va de la communion aux couples adultères à la bénédiction des pratiques homosexuelles.

Sur le site de Renaissance catholique, Jean-Pierre Maugendre écrit :

[…] Doctrinalement, on se permettra d’observer que c’est une marotte du pape François, devenue par voie de conséquence un tic chez ses laudateurs, que de dénoncer tout attachement un peu ferme à la doctrine comme une dérive de la foi vers « l’idéologie ». Or, ce ne sont pas les traditionalistes qui ont inventé, par raideur intellectuelle et froideur d’âme le fait que dans l’Eglise catholique, les dogmes soient inchangeables, que les papes eux-mêmes leur soient soumis, et que la liturgie qui les exprime et les met en pratique ne peut donc être touchée et réformée que d’une main tremblante.

Le malheur des temps, et les divisions qui leurs sont inhérentes ont en revanche fait apparaitre parmi eux, depuis l’avènement du pape François, deux écoles, avec des nuances et des variantes qui cohabitent ou s’affrontent selon les cas.

Certains affirment en effet qu’il est indispensable de faire des concessions aussi bien pratiques que doctrinales avec les réformes issues de Vatican II. L’herméneutique de continuité n’est plus, pour eux, une démonstration à faire sur chaque sujet litigieux, une réinterprétation à proposer, comme avait tenté de le faire par exemple Benoit XVI sur le Subsistit in de Lumen Gentium (Que voulait dire la formulation selon laquelle l’Eglise de Dieu « subsistait » dans l’Eglise catholique ? Comment l’interpréter sans remettre en cause le dogme selon lequel l’Eglise de Dieu « est » l’Eglise catholique ?), mais un super dogme d’où devaient découler la réinterprétation de la Tradition de l’Eglise à la lumière de Vatican II et l’obéissance aveugle à tous les commandements que la hiérarchie en place édicte en son nom. Christophe Geffroy appartient sans conteste à cette école.

Le problème est que cette stratégie rend difficile toute analyse critique de certains textes du Concile Vatican II et de certaines innovations postconciliaires, comme la réunion d’Assise, la bénédiction des couples homosexuels, l’ouverture progressive au sacerdoce des femmes, l’anarchie doctrinale ou la synodalisation de la liturgie. Elle conduit donc à mettre les questions épineuses sous le tapis, par refus de « dialectiser les échanges », tout débat doctrinal risquant d’être qualifié de « querelle idéologique ». La soumission à la volonté du pape devient pour ses tenants « l’ultima ratio », exercice extrêmement délicat quand les actes du pape ne paraissent pas d’une logique cartésienne implacable, celui-ci, « en même temps », promulguant Traditionis custodes et confortant la Fraternité Saint Pierre et l’Institut du Christ-Roi dans leurs entreprises. D’autres, parmi lesquels se range l’auteur de ces lignes, estiment que l’imbroglio dans lequel se trouve l’Eglise exige une grande prudence et circonspection dans l’acceptation des réformes issues du Concile Vatican II. Cela d’autant plus que l’enseignement post- conciliaire évolue à une vitesse vertigineuse. Nous en sommes ainsi, en moins de cinquante ans, à la troisième version de la traduction du Pater en français et également à la troisième rédaction du paragraphe du Catéchisme de l’Eglise Catholique sur la peine de mort.

Au fond, le drame de Christophe Geffroy est qu’il arrive trop tard dans un monde trop vieux. Il était fait pour être zouave pontifical, courageux et brave soldat au service de Pie IX, animé par la certitude chevillée au corps que, comme il l’écrit, « l’obéissance dans l’Eglise est toujours porteuse de fruits ». Belle maxime qui claque comme un étendard mais qui fait l’impasse sur le fait que l’obéissance « perinde ac cadaver » est parfois un refuge contre les responsabilités et les décisions personnelles, un oubli qu’elle est une vertu virile associée à la vertu cardinale de justice, et non une servilité.

Il n’est en effet pas certain que Mgr Touvet soit lui-même toujours enthousiasmé par toutes les déclarations du Saint-Père et les directives qui lui sont transmises par Mgr Migliore, nonce à Paris. Son drame est de les appliquer par un sens dévoyé de l’obéissance qui fait du caporalisme une vertu, et néglige le fait que le salut des âmes soit le critère ultime du discernement.    Le sort réservé aux Missionnaires de la Miséricorde Divine apparaît, dans ce contexte, comme le révélateur de la tragédie de l’Eglise. Il témoigne d’abord que si idéologie il y a, elle est l’apanage des fonctionnaires ecclésiastiques qui président à ses destinées et qui persistent, contre vents et marées, à appliquer des recettes qui depuis soixante années ont fait la preuve de leur inefficacité alors que chaque jour sont plus évidents les fruits, visibles, de l’utilisation des pédagogies traditionnelles de la foi.

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