Mgr Jeanbart, archevêque d'Alep en Syrie, répond au Figaro. extraits :
"Nous sommes très préoccupés par les conséquences d'un renversement du régime, qui pousserait beaucoup de nos fidèles à émigrer, comme en Irak depuis la chute de Saddam Hussein. Les chrétiens n'ont pas confiance dans un pouvoir sunnite extrémiste. Nous redoutons la domination de Frères musulmans dogmatiques.
Mais que pèsent-ils: 15 % à l'intérieur?
Même pas. Mais c'est précisément parce qu'ils ne pèsent pas lourd que les islamistes veulent aller vite pour renverser le régime. C'est également pour cette raison qu'ils sont aussi actifs dans les rangs de l'opposition à l'extérieur du pays et qu'ils refusent tout dialogue avec le pouvoir. Les Frères musulmans ne peuvent renaître que dans le cadre d'un renversement brutal auquel ils prétendront avoir participé depuis l'étranger, grâce à leurs appuis turcs et des monarchies du Golfe. Comme en Libye.
Comment éviter ce scénario?
Il faut une transition démocratique dans le cadre de réformes que le pouvoir doit engager. C'est encore possible. Bachar el-Assad est en train de persuader le parti Baas d'accepter les réformes. Des avancées ont été enregistrées. On le perçoit à travers les médias officiels, qui encouragent ces progrès et qui contrairement au passé disent maintenant que le parti est contaminé et peuplé d'arrivistes. Une nouvelle Constitution sera annoncée le mois prochain, avec des points intéressants en matière de maintien de la laïcité, par exemple. Il sera stipulé qu'aucun parti ne pourra être fondé sur une base confessionnelle. Le président ne pourra pas non plus être élu plus de deux fois, et l'article 8, qui garantissait l'hégémonie du Baas, sera supprimé. Malgré les violences, il faut encore donner sa chance à Assad. Nous devons absolument nous donner le temps de créer des partis non confessionnels pour absorber le vote sunnite, et le détourner des Frères musulmans.
[…] Les alaouites sont environ 12-13 % et ils soutiennent intégralement le président, car les menaces proférées par les Frères musulmans ont uni la communauté dans la peur des règlements de comptes. Les chrétiens sont 10 % environ, avec 90 % d'entre eux derrière le régime ; les Kurdes, les druzes et les ismaéliens dans la même proportion. Et il ne faut pas oublier les 2,5 millions de baasistes qui ont, eux aussi, un intérêt à ce que le régime survive. Si vous y ajoutez les commerçants sunnites de Damas et d'Alep, vous dépassez probablement les 50 % derrière Bachar. Et les attentats terroristes sont en train de regrouper d'autres Syriens autour du pouvoir. Nous avons peur. Nous avons toujours vécu dans un pays sûr. On ne veut pas ressembler à l'Irak. Et puis l'évolution des transitions en Libye et en Égypte ne nous rassure pas. Tout cela renforce le pouvoir, même s'il réprime beaucoup trop. […]"
nemo
Monseigneur Jeanbart est certainement trop prudent pour montrer la responsabilité l’aveuglement et la lacheté criminelles des états occidentaux (USA, France, GB et bien d’autres) dans la dérive islamiste du magrheb et des pays du moyen orient .
Saddam Hussein, Khadafi, Moubarrak et Ben Ali n’étaient certainement pas des modèles de vertu mais avec eux les chrétiens étaient dans l’ensemble respectés .
Les gouvernements qui leur succèdent sont bien pires …
Michèle
Oui, les gouvernements issus des “printemps arabes” sont bien pire que les dictateurs dénoncés par notre ” intellocrassie” véreuse et sans vergogne, qui met en danger sans aucun scrupule chrétiens et musulmans, en proférant des torrents d’âneries et de mensonges qui devraient leur valoir une place d’honneur dans l’enfer de Dante.
Montcalm
“Saddam Hussein, Khadafi, Moubarrak et Ben Ali n’étaient certainement pas des modèles de vertu mais avec eux les chrétiens étaient dans l’ensemble respectés”
Attention aux simplifications. Je me rappelle des affiches d’un groupusucule d’étudiants aux idées et aux cheveux courts: “Saddam avait raison”.
La dictature irakienne était une dictature. Qui se convertissait au christianisme était emprisonné ; Joseph Fadelle en parle assez dans son livre.
Mais, c’est vrai, les non-musulmans étaient tolérés, dans la mesure où ils n’évangélisaient pas, et où ils se soumettaient à l’ordre établi.
Kadhafi avait persécuté les chrétiens, puis s’était calmé, jusqu’à les ménager dans les dernières années de son règne.
Quant à Moubarak, nous avions un rare exemple de perversité: d’un côté, son discours officiel était de protéger les chrétiens, de l’autre, il laissait les sbires de son régime plastiquer les églises, pour attiser les violences et le faire apparaître comme le garant de la paix religieuse…
Quoi qu’il en soit, Mgr Jeanbart livre au Figaro une interview équilibrée et lucide sur les évènements en Syrie.
hypemc
eh bien..!
ce n’est pas parce qu’un régime est sûr pour les chrétiens qu’on doit soutenir encore une fois le maintien d’une dictature
Et encore faire confiance à Bachar qui roule les occidentaux comme les Nord-Coréens et les Iraniens (sans même devoir faire appel aux horreurs perpétrées par son père)
aveuglement
Michèle
Il ne s’agit pas de soutenir le maintien d’une dictature @hypemc, mais de ne pas promouvoir l’avènement d’un régime islamiste, bien pire que le précédent : ce qui se passe actuellement en Irak, en Egypte, en Lybie ne suffit-il pas à prendre la mesure des choses?