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France : Société

L’intérêt des corps intermédiaires

De Benjamin Guillemaind dans L'Homme nouveau :

"Pour réagir au dogme libre-échangiste, on dénonce volontiers l’ultralibéralisme, comme si un libéralisme modéré ou le simple droit d’entreprendre serait acceptable. C’est ignorer que le libéralisme économique est un système global qui se fonde sur l’individualisme. Il faut le redire : ce n’est pas une question de degré entre l’individualisme libéral et le collectivisme socialiste, mais une différence de nature entre une société centrée sur des individus et une société centrée sur de petites unités intermédiaires, qui intègrent des personnes. Que sont donc ces corps dits intermédiaires que l’on identifie parfois à la société civile face à la société politique, l’État en ses fonctions régaliennes ? Celle-ci s’articule en classes qui souvent s’opposent : classe ouvrière contre classe patronale, classe populaire et classes moyennes, groupes d’intérêts (ex : Medef) ; on parle de « peuple » et de classe dirigeante ; de partis politiques ou de groupes hors normes : homosexuels,… Ainsi on raisonne toujours en termes d’opposition et non d’association. Toutes ces contrefaçons de corps naturels faussent la vraie démocratie, qui considère « le peuple », mais le peuple organisé « en ses états ». Il est dommage que le Catéchisme (Compendium) de la doctrine sociale chrétienne, par souci de valoriser le concept de la personne, ait atténué leur sens primordial : le principe associatif ou mutualliste, où les gens se groupent selon leur état social naturel, qu’il soit scolaire, économique, local…

A Comment rebâtir ces structures intermédiaires ? Chesterton, Schumacher et l’école distributiste anglo-saxonne, Soljenitsyne avec la démocratie des petits espaces, sans oublier en France la Tour du Pin, Albert de Mun (photo) et l’école corporatiste, en ont brossé les grands principes : leur taille ; leur référence à un état de vie ; l’appartenance à un groupe naturel, comme la famille ; l’autonomie de gestion, d’organisation, de financement ; l’unité de leurs membres, quelle que soit la position hiérarchique interne que chacun y occupe, comme salarié ou patron dans la profession… Ainsi une école libre ou une université sont les cas types du corps intermédiaire en vue du bien commun spécifique : l’éducation des enfants. Elles groupent parents et enseignants, qui élaborent ensemble leur projet éducatif, établissent leurs programmes, décernent leurs diplômes, s’autogèrent. Côté syndicats, s’ils furent une étape pour limiter les dégâts du libéralisme, c’est l’échec du syndicalisme de classe, qui a négligé le bien commun de la profession : l’union de ses membres pour assurer à tous un emploi et un salaire décent. A contrario, à partir de la formation professionnelle, le Compagnonnage constitue un modèle. Son titre dit tout : c’est une Association ouvrière des Compagnons. Dépassant la hiérarchie des grades, ils se retrouvent en Collège des métiers sans distinction d’état (salarié ou patron), pour parler de technique et dégager des solidarités professionnelles. Quelques grandes écoles pratiquent cet esprit mutualliste. […] Il faut retrouver le rôle prépondérant du métier ou de la profession qui unit et du corps intermédiaire qui relie, alors que les classes, issues du libéralisme, opposent."

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