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France : Société

L’intransigeance des libertaires

L’intransigeance des libertaires

Le réalisateur du dernier OSS 117 a été condamné le mardi 22 octobre à un an de prison, dont six mois avec sursis, pour des faits d’agression sexuelle : à savoir un baiser dans le cou en état d’ivresse. Son avocate a immédiatement fait savoir que son client ferait appel. Commentaire du père Danziec dans Valeurs Actuelles :

La célébrité apporte avec elle son lot d’obligations et de renoncements. De solitude également. N’est pas donnée à tout le monde la capacité de porter le poids de la renommée. La noblesse oblige ? En vérité, la notoriété aussi. Vécue sans exigences, elle voue l’homme public à faire la une de la presse à scandales.

Les agissements auxquels Nicolas Bedos s’est livré peuvent offusquer ou prêter à sourire. Bien-sûr on pourrait souligner l’irresponsabilité d’un homme de cinéma qui se comporte encore, en fin de soirée, comme un adolescent mal dégrossi. Néanmoins, au-delà des avis ou des postures, une question se pose. Cette décision de justice, objectivement sévère selon les commentateurs des salles de procès, dit, d’abord et surtout, beaucoup d’une hypocrisie morale règnant impunément. « Aujourd’hui nous vivons dans une société où pour un baiser dans le cou et une main posée sur un jean au milieu d’une boîte de nuit, on se retrouve condamné à porter un bracelet électronique pour une durée de six mois. » : c’est par ces paroles sans ambages que l’avocate de Nicolas Bedos, Maître Julia Minkowski, s’est exprimé au sortir du délibéré.

L’hypocrisie morale du progressisme

Montherlant a beau constater dans son roman de Port-Royal qu’« il y a de tout dans certaines âmes, et parfois même au même moment », l’inquisition woke se moque de ce principe de réalité. A force de récuser et les principes prudentiels et la fragilité humaine dans nombre de domaines, les nouveaux censeurs se montrent à la fois souverainement libéraux et terriblement exigeants. Sans mise en garde tout autant que sans pitié. Le drame du “en même temps” ne touche pas que la politique, il gangrène jusqu’à nos espaces de sociabilité. Eloignée de l’Evangile, l’atmosphère n’est plus au « Va et ne pèche plus » mais aux pointages du doigt qui ont valeur de lapidation médiatique.

Nicolas Bedos, certainement surpris lui-même de passer si vite des marches du tapis rouge de Cannes à celle du tribunal de Paris, réalise à ses dépens combien un baiser dans le cou, en fin de soirée et en discothèque, peut recevoir différentes qualifications en 2024. Le tsunami Me Too semble charrier avec lui un esprit de revanche, incisif et disproportionné, contre tout ce qui est mâle blanc, hétérosexuel, de plus de 40 ans… La féministe de gauche et militante LGBT, Caroline Fourest, dans un récent essai Le vertige Me Too (Grasset), a entrepris courageusement de trier le bon grain de la libération de la parole des femmes et l’ivraie de la dénonciation calomnieuse d’une génération victimaire et radicale. Sur un sujet aussi électrique, est-il en effet envisageable d’avoir un avis nuancé ?

Nicolas Bedos, depuis les accusations dont il fait l’objet, ne sort plus de chez lui et profiterait de cette mise en retrait pour s’introspecter. Il rédigerait un livre témoignant du bouleversement de sa vie depuis un an et la tourmente judicaire dans laquelle il se trouve : « Je suis terrorisé par ma situation. Je suis en colère de l’impact » dira-t-il à la barre du tribunal.

« Deux qualités consubstantielles au maintien paisible d’une société : la justice et le pardon. »

Le progressisme, apôtre de toutes les permissivités, se révèle de la sorte d’une intransigeance sans borne et d’une disgrâce sans limite. Bienvenue dans l’impasse spirituelle des temps présents. La banalisation du mal, qui est l’autre nom de la barbarie, finit pourtant toujours par écorner deux qualités consubstantielles au maintien paisible d’une société : la justice et le pardon. Ces deux vertus, lorsqu’elles sont vécues à l’école du Christ, s’expriment à l’inverse exact du spectacle offert par une forme de tyrannie bienpensante. Non, en toute justice, selon la loi morale que Dieu a placée dans le cœur des hommes, il n’est pas louable de draguer lourdement. Oui, en toute miséricorde, l’homme, traversé par la faiblesse de ses passions, se trouve hélas en mesure de chuter. La justice chrétienne ne consiste aucunement à tomber à bras raccourcis sur les fautifs mais à leur rappeler fermement, envers et contre tout, les vérités élémentaires d’une conduite probe. Le pardon chrétien ne consiste aucunement à proclamer l’indifférence quant aux fautes morales mais à exprimer miséricorde et humanité à l’endroit des coupables repentants. A eux ensuite de réparer.

« Seul Dieu sonde les reins et les cœurs ». Parce qu’en chaque homme se trouve un lot de contradictions insoupçonnées qui cohabitent péniblement avec des combats intérieurs, on ne peut réduire une personne à l’une ou l’autre de ses actions. Pour lui garantir justice et possible miséricorde, il s’agit de la prendre dans sa totalité, et sa complexité. Et non pour faire un exemple. Il y a du drôle dans les attentes de la société postmoderne. Quand l’enseignement ascétique chrétien invite à la haine du péché et à la compassion pour le pécheur, le progressisme affiche quant à lui sa complicité avec le péché et sa haine du coupable. Caractérisé par une crainte instinctive de la transcendance et un refus de repères moraux, notre monde ne cesse dans le même temps de manifester son besoin impérieux de modèles de perfection.

Bossuet, dans sa déclaration liminaire à son Discours sur l’Histoire universelle, rédigé pour l’instruction du grand Dauphin, donnait cette précision : « Quand l’histoire serait inutile aux autres hommes, il faudrait la faire lire aux Princes. Il n’y a pas de meilleur moyen de leur faire découvrir ce que peuvent les passions et les intérêts, le temps et les conjectures, les bons et les mauvais conseils ». J’ignore si Nicolas Bedos a lu cet ouvrage et bénéficié de ses précieuses recommandations. Reconnaitre ses faiblesses, admettre que l’on puisse se tromper, chuter parfois n’empêchent en rien de pouvoir se relever. Au contraire, c’est même à cette persévérance que l’on reconnaît les héros, les chefs ou les saints. Et c’est ce que l’on peut souhaiter à son prochain. D’où qu’il vienne.

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