Henri Pourrat, écrivain auvergnat, est mort le 16 juillet 1959. A l’occasion des 60 ans de son décès, le quotidien Présent a publié une série d’articles en hommage à cet écrivain. Dans le numéro du 13 juillet, Samuel Martin écrit :
« Ce n’est pas un système philosophique que le Christ est venu nous apporter, comme livre de vérité : ce sont des histoires. Et le monde n’est pas un système : il est une histoire », écrit Pourrat qui rapporte peu ou prou des paroles de son ami Charlier (Le Secret des compagnons, 1937, p. 237). L’art est une parabole, et Pourrat fait sien ce constat que rien ne sera mieux dit qu’en racontant une histoire, qu’en donnant les apparences les plus simples de la vie quotidienne et terrienne aux grandes vérités.
Et dans celui du 19 juillet :
Le mot d’amitié revient cent fois dans les écrits de Pourrat. C’est chez lui tour à tour l’amour de Dieu, l’amour du prochain, mais aussi l’entente avec les animaux et le respect de la nature, jusqu’aux égards qu’a le sabotier pour le bois qu’il travaille (« connaître ce bois avec une forme d’amitié pour savoir ce qu’il peut lui demander », Le Secret des compagnons, p. 176) – toutes les formes diverses d’attention, de la plus haute charité au respect des formes inférieures de la Création, englobées sous le terme unique d’amitié. Trois citations donneront un aperçu de la richesse que Pourrat prête au mot :
— « Naturel, surnaturel, le monde est un, et à sens unique. Sur le plan humain, la sainteté fait reculer la misère et le diable et elle est civilisation. Sur le plan mystique elle est amitié faite avec Dieu » (Toucher terre, p. 281).
— « Il ne s’agit pas de tourtes distribuées, de bois défrichés, d’églises relevées : il s’agit de la grande idée d’amitié. Mise en œuvre, elle apporte tout » (La Mai- son-Dieu, p. 54).
— « Trop d’hommes parmi ceux qui ont la tête la mieux meublée négligent ainsi trop d’amitiés avec les saisons, les arbres, les bêtes des champs, tout l’œuvre enfin des sept jours. C’est un monde qui s’éloigne, celui de la vieille civilisation terrienne » (La Cité per- due, p. 118).
Et plus l’écrivain nous parle de la vie paysanne, plus il semble nous parler à nous, les urbains, les connectés d’un univers dont il ne pouvait pas prévoir la profonde inimitié.
Denys Perrin
« Pourrat a fait l’Auvergne. Il l’a trouvée comme un vieux sou romain oublié là par les Gaulois, dans un sillon, toute couverte de vert-de-gris ; il l’a frottée, il l’a polie, il en a fait revivre la tête, il en a fait briller le profil. Bref, après l’avoir découverte, il l’a créée, il l’a même retouchée, au besoin il l’a inventée. » …
« Henri Pourrat est mort le 16 juillet à 22 h 30. Et c’est un peu comme si Virgile venait de mourir… Il laissera la grande trace d’un conteur, d’un épique et d’un vrai poète. Un maître : car sa voix ne fut jamais qu’à lui… Toute son œuvre est une impatience d’aider l’homme et de le hausser. Elle le prend par la main et elle lui montre l’aube. »
Alexandre Vialatte, grand auteur et chroniqueur auvergnat, grand ami de Pourrat.
à lire aussi, de Pourrat : ‘La bienheureuse Passion’
sivolc
Merci d’associer A.Vialatte à cet hommage. Je ne connais pas d’écrivain ou assimilé (journalistes, politicards, causeurs en tout genre etc…) ayant un style du niveau de celui de Vialatte qui m’enchante, quel que soit le sujet traité. Hommage à Pourrat.