Extrait du numéro 56 de la Petite Feuille Verte :
"Contrairement à une idée répandue, selon laquelle l’islam serait indistinctement « religion et régime politique » (dîn wa-dawla), R. Brague montre que cette formule, adoptée par le mouvement islamiste des Frères musulmans, fondé en Egypte en 1928, ne se réfère qu’à une situation éphémère : les dix années (622-632) durant lesquelles une seule et même personnalité, Mahomet, a détenu à la fois les pouvoirs temporel et religieux. Autrement dit, « le principat et le pontificat », selon la formule d’Abdelwahab Meddeb (1946-2014). Même si ce précédent nourrit la nostalgie des djihadistes actuels, ceux-ci ne peuvent se référer à aucun texte sacré de l’islam (Coran, Sunna, Sîra) pour imposer une forme particulière de régime (monarchie, république, dictature, démocratie), le califat lui-même, institué par les successeurs de Mahomet, n’ayant été qu’une sorte de décalque des empires orientaux et européens.
En revanche, l’islam est une religion vouée au service d’un projet politique universel : soumettre le monde entier à Allah et à sa Loi.
- N’obéis pas à celui dont Nous avons rendu le cœur insouciant envers notre Rappel « de la vraie religion » (Coran 18, 28) ;
- L’islam domine et ne saurait être dominé (sentence de Mahomet, contenue dans la Sunna).
De là résulte la confessionnalité qui caractérise l’organisation de l’Etat, quelle qu’en soit la forme, dans tout pays où les musulmans sont majoritaires, à l’exception du Liban. […] L’islam est un messianisme temporel et non pas spirituel. Cette conception résulte de l’absence de salut : le Coran occulte le péché originel et ses conséquences néfastes sur le dessein initial de Dieu, sur toute la création, et donc la nécessité d’une rédemption. […]"