Les territoires conquis de l’islamisme sous la direction de Bernard Rougier, nous plongent au cœur de la crise que connaît aujourd’hui l‘Occident. L’ouvrage est analysé sur Alliance pour la France :
Les Territoires conquis de l’islamisme montrent la création de l’écosystème islamiste et qui résulte du croisement de plusieurs phénomènes.
Le foyer est bien connu. C’est un changement sociologique et ethnique : désindustrialisation, construction de cités de type soviétique ou de cités « radieuses », immigration massive regroupée dans ces cités à loyer modéré, départ du peuple ouvrier, employé ou retraité vers la France périphérique, reconstruction d’une identité communautaire autour de mœurs allogènes, de la religion islamique. L’islamisation des cités est un long processus de remplacement inauguré par l’immigration de travail puis par le regroupement familial entré définitivement dans le droit français par l’arrêt GISTI du Conseil d’État le 8 décembre 1978.
Les politiques publiques ont relayé et servi avec zèle ce multiculturalisme nouveau qui rompait avec la politique assimilationniste : fascination pour le modèle multiculturel anglo-saxon, clientélisme ethno-religieux des mairies, marchandage de voix par des aides aux associations des Frères musulmans ou permis de construction d’écoles ou de mosquées salafistes. Le progressisme social, on le sait, a laissé s’installer cette défrancisation en peau de panthère de la France. La sécession identitaire est préparée par une sécession culturelle, morale dont le mouvement décolonial est le plus actuel stimulateur : selon ce mouvement dit « indigéniste » la France a une « créance » à l’égard des pays arabo-musulmans et africains dont le remplacement, la contre-colonisation inavouée – de plus en plus avouée d’ailleurs – est une sorte de remboursement.
L’identité communautaire doit être affirmée et ce, de manière visible. L’obsession de la visibilité est un trait transversal du livre. C’est là que les pouvoirs se font berner car ils ont une représentation républicaine de la foi religieuse qui peut investir l’espace privé sans se manifester dans l’espace public, la fameuse laïcité sauce républicaine. Or, pour l’Islam, c’est tout le contraire : les vêtements islamiques sont comme les drapeaux, des étendards destinés à marquer le territoire communautaire : le jilbab (vêtement féminin cachant tous le corps sauf le rond du visage) ne tombe par sous le coup de la loi n°2010-1192 du 11 octobre 2010 interdisant la dissimulation du visage dans l’espace public (applicable simplement à la burqa et au niqab). Porter le jilbab, on le sent dans de nombreux témoignages, est le moment de transition personnelle vers l’affirmation de la foi et le basculement vers une totale fusion entre l’être social et l’être intérieur que l’idéal républicain s’attache pourtant à séparer.
Le changement de géographie urbaine – la halalisation des quartiers – est caractérisé par une série de marqueurs qui ont insensiblement changé l’environnement culturel des villes investies : boutiques de vêtements religieux, épiceries halal, restaurants kebab, multiplication de l’écriture arabe. Ce changement d’environnement était déjà sensible à la fin des années 1990 avec la prolifération des paraboles dans les cités d’immigration qui représentaient un lien télévisuel mais aussi symbolique avec le pays d’origine comme si le pays d’origine, sa langue, ses images venaient s’inviter de force sur le territoire français. L’halalisation des quartiers est désormais la transformation du paysage français en paysage étranger. C’est une colonisation scripturale, olfactive, visuelle, culturelle et spirituelle qui ne dit pas son nom. Il s’agit pour les imams de construire un « espace public islamiste » avec des réseaux de solidarité, des réseaux économiques (l’ « économie halal ») souvent alimentés par la délinquance, des réseaux religieux.
Un des principes de l’Islam, salafiste notamment, est l’Alliance et le Désaveu conçu par le petit-fils de Mohammed ‘Abd Al-Wahhab (wahabbisme) au XIXème siècle. Sans renoncer aux séductions de la mécréance que représente l’Occident, on ne peut s’allier à Allah ou plutôt se rallier : pour l’Islam toute conversion est une « reconversion » – on retrouve Allah plutôt qu’on ne le trouve. L’Occident est donc perçu comme un espace de perdition. Un des hadiths est clair sur ce point : « Celui qui imite un peuple devient membre de ce peuple » et donc épouse sa mécréance. De fait, la création d’un nouvel entre-soi est une nécessité religieuse qui explique d’ailleurs la « retraditionalisation » de ces sociétés autonomes qui n’ont plus rien en commun avec le Demos français et ses codes. On voit apparaître même une fracture religieuse entre les chibanis « ringardisés », vieux travailleurs émigrés mêlés au Tabligh ou à la mécréance et les jeunes qui adoptent des codes salafistes et souhaitent briser les passerelles d’intégration avec la société mécréante.
La question de la délinquance est fondamentale. Une vulgate de gauche a tendance à vouloir découpler délinquance et religiosité, montrant que le délinquant représente l’impur alors que l’islam salafiste est justement obsédé par la pureté comportementale, corporelle (les ablutions interminables…). Or, à travers la figure de Mohamed Merah, auteur des attentats à Toulouse en mars 2012, ou de Sabri Essid, on voit réapparaître la figure du « salafo-délinquant ». La prédication salafiste est sur ce point très claire : « La vente de stupéfiants aux mécréants (kuffar) est licite (halal) tant qu’elle affaiblit l’ennemi et au besoin finance la cause » !
Il s’agit de créer un environnement « islamiquement pur » par tous les moyens. Fabien Clain dans l’entourage de Mohamed Merah le dit clairement : « structurer l’islam » localement en inscrivant sa forme salafiste dans les activités quotidiennes de la population. On croirait entendre les politiques naïfs ou déjà vendus qui veulent structurer un Islam de France.
Derrière le mythe post-moderne du « vivre ensemble » qui s’adresse essentiellement à la population musulmane, se cache le désir assumé et revendiqué de vivre séparé justement. La question de la solubilité de l’Islam dans la République est un mythe agité par les politiques remplacistes. Le cheikh al-Salwi affirme l’illicéité islamique de la participation électorale. Le raisonnement est simple et exprimé avec netteté par Aya, une jeune femme arrêtée pour faits de terrorisme : « Comment une créature peut-elle se mettre au-dessus de son Créateur et légiférer à sa place alors qu’Il est le Législateur ? ».
La république est haram si l’on pousse le raisonnement. Il existe bien une « Fraternité » dans la conception musulmane. Il s’agit de celle de l’Oumma (« mon frère », les « Frères musulmans ») mais qui n’a strictement rien à voir avec la fraternité républicaine. La fraternité islamique est réunie autour d’un père Allah, la fraternité républicaine est celle construite autour du deuil du Père.
L’Islam demeure une orthopraxie et une théocratie, la seule incarnation politique en phase avec les textes fondateurs. Cette unité réside dans le principe du Tawhîd, affirmation de l’unicité de Dieu (tawhîd al-rubûbiyya) qui doit être mise en actes par l’unicité d’action (tawhîd al-alûhiyya) d’où le continuum absolu entre Allah et la cité, d’où la relation fusionnelle aussi entre la foi et le droit. Au contraire du Tawhîd, le Taghût, l’adoration, en dehors d’Allah, des idoles, des images, d’où le rejet de la télévision, de la musique, de la représentation, de l’Incarnation, de tout ce qui finalement constitue l’essence de la culture occidentale. Les 10 Annulatifs de l’Islam de Mohammed ‘Abd Al-Wahhab au XVIIIème siècle énoncent les principes de cette spiritualité et place une frontière nette entre le monothéïsme supposément unique de l’Islam et le « polythéïsme » de l’Occident, impur parce que pluriel.