Leonor Tamayo Colomina est coordinatrice de la campagne espagnole contre l’ « Education pour la citoyenneté » (première partie de l’entretien). Elle explique :
"Il
fallait d’abord faire comprendre aux parents l’amplitude du problème.
Ce qui était en jeu n’était ni personnel, ni isolé, mais concernait la
liberté de tous, le droit des parents à choisir la formation morale de
leurs enfants. L’Etat prétendait imposer une « morale », indépendamment
de l’école ou du professeur.Nous devions expliquer ensuite que le meilleur moyen de défendre les droits des parents était l’objection de conscience à l’EpC (Éducation pour la Citoyenneté) qui comprenait des
enseignements idéologiques. L’objection supposait que l’élève n’assiste
pas au cours.C’est alors que commencèrent les
difficultés. Pour les parents, c’était très clair. Ils étaient prêts. En
revanche, les écoles et les administrations s’y opposèrent, à quelques
exceptions près. Il y eut des pressions, y compris physiques, pour que
les enfants assistent à ces cours, des menaces, des mensonges, etc.
Cependant, nous pouvons dire avec fierté que l’immense majorité des
parents resta ferme face aux directeurs d’école, à l’administration et à
l’inspection de l’ Éducation. Il y eut aussi des écoles qui firent «
objection » en masse : 100 % des parents et des professeurs refusèrent
de recevoir ou d’assurer les cours d’EpC. Il y eut des lieux où les cas
d’objection se comptèrent par dizaines et par centaines. Des groupes de
parents firent circuler l’information dans les écoles et les paroisses
et on compta jusqu’à 50 000 cas d’objection de conscience face à l’EpC.Et le gouvernement fut sur le point de renoncer.
C’est alors que la Cour suprême rendit une décision : il ne reconnaissait pas le droit des parents à
objecter l’EpC. Après quelques jours de confusion, de désorientation et
de doutes, ce sont les parents eux-mêmes qui une fois de plus nous
indiquèrent la voie : la liberté de conscience était au-dessus du
tribunal. Personne ne pouvait nous dire ce qu’en conscience je devais
faire. Nous avons poursuivi notre action, les enfants sortant de cours,
avec les répercussions académiques que cela supposait. […]Et ainsi, comme nous l’avions promis aux
parents, les combats juridiques nous menèrent jusqu’à Strasbourg. Un
groupe de 40 parents et élèves représentant 300 personnes fit le voyage à
Strasbourg pour déposer une plainte devant la Cour européenne des
droits de l’homme (affaire Ramos Bejarano et Autres c. Espagne, n°
15976/10). La couverture médiatique fut assurée par tous les journaux nationaux. […]"