Dans L'Homme nouveau, Raphaëlle Lespinas aborde le problème de l'objection de conscience chez les sages-femmes :
"En 1945, le général De Gaulle confiait à plusieurs Ordres professionnels le soin d’exercer eux-mêmes un contrôle sur l’accès à certaines professions et sur leurs conditions d’exercice. Notamment sur trois principaux points : une compétence sanctionnée par un titre ou un diplôme, le respect des droits autant que des règles de déontologie, une relation entre patient et professionnel reposant sur la confiance. Ainsi, l’Ordre national des sages-femmes se fait fort depuis maintenant plus de 65 ans de faire valoir ces exigences. Conformément aux articles L.2212-2 et L.2213-2 du Code de la santé publique, l’interruption volontaire de grossesse médicale ou chirurgicale ne peut être pratiquée que par un médecin mais les articles L.2212-8 et R.4127-324 du Code de la santé publique précisent qu’une sage-femme est libre d’y participer autant que de refuser. «Aucune sage-femme, aucun infirmier ou infirmière, aucun auxiliaire médical quel qu’il soit, n’est tenu de concourir à une interruption de grossesse», une liberté qui est aussi affirmée par l’article 28 du Code de déontologie de l’Ordre des sages-femmes.
Si ce droit est maintenu, depuis 1993, la loi Neiertz punit le délit d’entrave à l’IVG. Comment donc s’articulent ces différents aspects de la loi ? La question n’est pas simple, d’autant que s’il est souvent possible pour les sages-femmes de refuser de participer à une IVG, le cas de l’IMG (interruption médicale de grossesse) est quant à lui bien plus complexe. Bien des sages-femmes évoquent ces situations extrêmes où il faut agir rapidement, où la pression est telle que refuser de participer à l’IMG semble impossible. Plus fréquents sont ces cas de sages-femmes confrontées au diagnostic prénatal et à l’avortement quasi systématique, dans certains établissements, des enfants handicapés et qui n’osent rien dire de peur des représailles. […]
La question de l’objection de conscience est problématique non pas en absolu mais dans chaque cas concret, dans ceux-là même où refuser un avortement peut coûter une place ou au moins ternir durablement les relations avec le reste du corps médical. […] Reste à savoir pourquoi il est explicitement formulé dans le Code de santé publique que l’avortement est l’un des sujets (avec la stérilisation à visée contraceptive) sur lequel le personnel médical garde la liberté de la clause morale. N’est-ce pas là reconnaître justement que cet acte est problématique, qu’il n’est pas un acte chirurgical anodin ? Pour la présidente de l’Ordre, «c’est comme ça, c’est marqué dans le Code. Ce n’est pas un acte problématique, c’est juste que nous sommes libres de ne pas le faire.» Une réponse on ne peut plus évasive."