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L’oeuvre d’art ajourne le tragique de la condition humaine

L’oeuvre d’art ajourne le tragique de la condition humaine

Très bel article de Jérôme Serri (ancien collaborateur parlementaire et journaliste littéraire) dans Causeur sur l’art:

Dans une civilisation chrétienne en voie de déchristianisation progressive depuis au moins le XVIIIème siècle, dans une civilisation où le matérialisme historique crut remplacer avantageusement le finalisme religieux, dans une civilisation où le développement des sciences et du machinisme n’a fait qu’étendre à l’infini le domaine de ce qu’autrefois l’on appelait la tentation, dans une civilisation où la « mort de Dieu » a vidé l’espoir de toute perspective secourable et où l’homme demeure cependant aux prises avec l’inévitable question du sens de sa vie, la seule manière de rester debout et ne pas trop se laisser accabler par « l’horrible fardeau du Temps qui brise [nos] épaules et [nous] penche vers la terre », la seule façon d’oublier, au moins momentanément, le destin aveugle qui nous mit sur terre et qui, après la vaine alternance des rires et des larmes, nous mettra en terre, le seul moyen de vivre face à ce que Baudelaire et Malraux appellent ensemble l’ « Irrémédiable », le seul « anti-destin », pour reprendre l’expression de l’auteur des Voix du silence, c’est la présence d’œuvres qui nous bouleversent avec une force de révélation. La présence n’est pas une catégorie du temps ; elle est au contraire ce qui fait que des œuvres du passé ne sont pas des œuvres passées. Elle est ce qui, dans la suite irrémédiable des siècles, leur a mystérieusement échappé. La Bethsabée de Rembrandt, n’est pas un meuble hollandais du XVIIème siècle ; si elle appartient, comme lui, à son époque, elle lui échappe précisément par cette présence qui en fait notre contemporaine. Si le passé, le présent et le futur sont trois catégories du temps, la présence est l’unique catégorie de l’intemporel. Suspendant le vol du temps, elle ajourne le tragique de notre condition.

On comprend mieux le terrible effondrement de l’art occidental: n’ayant plus aucune vie spirituelle, les “artistes” et, plus encore, ceux qui, au ministère si mal nommé de la “Culture”, balancent les deniers publics par les fenêtres pour financer des oeuvres ordurières, sont devenus tout simplement incapables de saisir la notion même de beauté ou d’oeuvre d’art!

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1 commentaire

  1. Lire à ce sujet l’excellent recueil de textes de Benoit XVI “l’esprit de la musique”
    La description de l’effondrement de l’art et de ses raisons est magistrale

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