Le général (2S) Jean-Paul Thonier explique en quoi l'opération Sentinelle est ce grain de sable qui désorganise le fonctionnement jusque ici bien rodé de l'Armée française, qui alternait entre entraînement et opérations :
"[…] SENTINELLE est destructrice parce cette opération "consomme" des femmes et des hommes qui devraient se former, s’entraîner ou se reposer avant un nouvel engagement. Rogner sur un de ces aspects consubstantiel au maintien en condition d’un soldat et à la capacité opérationnelle d’une unité, c’est scier le pied du tabouret. Quel que soit l’aspect sauvegardé ou sacrifié la bombe est à retardement avec des effets qui peuvent être dévastateurs. Sur le terrain d’abord où nos théâtres d’engagement notamment africain exigent un haut degré de préparation individuel et la maitrise de savoir-faire collectifs compliqués. Une faiblesse dans ce registre, c’est au mieux être incapable d’audace tactique et au pire accepter les pertes humaines. Sur le potentiel humain ensuite avec le non renouvellement du premier contrat ou le départ anticipé de jeunes cadres confrontés à l’impossibilité de conjuguer vie professionnelle et vie sociale ou familiale. Les chefs militaires et j’ai été de ceux-là, ont toujours eu beaucoup de pudeur à insister sur la nécessité de garantir des phases de détente et de récupération et pourtant je sais aussi par expérience qu’elles conditionnent le bon moral d’une troupe, facteur multiplicateur d’efficacité ou à contrario élément fondateur du renoncement ou de la révolte.
[…] j’estime qu’aujourd’hui, la place des cadres et des soldats, aviateurs et marins de nos armées professionnelles est à l’instruction dans les cantonnements, en formation dans les écoles et centres spécialisés, à l’entrainement dans les camps de manœuvre ou à la mer, au repos pour profiter d’une aération auxquels ils ont droit ou en projection sur les exigeants théâtres d’opération mais certainement pas à arpenter dans ces conditions le bitume de nos cités.