Tel est le titre d'un article de Causeur. François Taillandier, bien que favorable à la contraception et à l'avortement, écrit :
"Cyril Bennasar invoque le spectre d’un « ordre moral », que des phalanges ensoutanées voudraient nous imposer à grands coups de goupillon. Fantasme assez commode, en effet, pour qui ne veut pas ouvrir les yeux sur le nouvel ordre sexuel que la société moderne est en train de mettre en place (qu’on ne voie pas là une thèse complotiste : comme toujours, il n’y a besoin de complot), et que je n’appellerai pas ordre moral, car il est d’une autre nature, qu’il nous faut précisément chercher à nommer.
Ce qui me déplaît dans cette histoire de « pass » (ouvrira-t-on bientôt des hôtels de pass ? Nos adolescents, souvent, ne savent pas où aller…), ce n’est pas que les jeunes filles puissent prendre la pilule, c’est que j’y vois un nouveau symptôme d’un mal à la fois rampant et galopant : l’immixtion de la collectivité dans la vie individuelle, avec toujours un bon prétexte, certes, de prévention en sensibilisation, de législation en réglementation, d’incitation en interdiction. (Au fait, qu’est devenue dans cette affaire l’autorité parentale ? Je croyais que selon la loi elle s’appliquait jusque à 18 ans ?) Or, cette immixtion n’est pas neutre. Elle véhicule une conception des choses, une philosophie ou plutôt une idéologie. En matière de sexualité, […] la vision qui s’impose dans notre société de façon diffuse et multiple (et pas seulement avec le « pass ») ne me semble pas être libératrice au sens où l’entend Cyril Bennasar, mais sinistrement pragmatique, platement utilitaire : le sexe est considéré comme une fonctionnalité parmi d’autres, quand ce n’est pas comme un élément de confort domestique. Nous ne sommes plus censés avoir des désirs, mais des besoins. On n’a plus à rechercher un enthousiasme, juste à obtenir sa ration. La « jolie pomme défendue » se mue en cinq fruits et légumes par jour. Nous relevons de la gestion. Le sanitarisme s’en mêle […]. Voilà du discours triste ; voilà ce qui arrive quand le Conseil régional se mêle des amours, ou quand les autorités de santé s’inquiètent des baisers. Moi je dis : faites l’amour, pas l’espérance de vie ! Aimerdésirer plutôt que mangerbouger !"