De Bruno de Seguins Pazzis :
Le rocher de la grotte de Lourdes est caressé par des dizaines de millions de personnes qui y ont laissé l’empreinte de leurs rêves, leurs attentes, leurs espoirs et leurs peines. A Lourdes convergent toutes les fragilités, toutes les pauvretés. Le sanctuaire est un refuge pour les pèlerins qui se mettent à nu, au propre – dans les piscines où ils se plongent dévêtus – comme au figuré – dans ce rapport direct, presque charnel à la Vierge.
Documentaire écrit par Jeanne Aptekman, Sixtine Leon-Dufou, Thierry Demaizière et Alban Teurlai. Directeur de la photographie : Alban Teurlai.
Au cœur de Lourdes… Précisons tout de suite que la communication organisée pour la sortie de ce documentaire l’annonce comme étant le premier documentaire sur Lourdes, ce qui est une erreur. En effet, en 1955, soit plus d’un demi-siècle avant Thierry Demaizière et Alban Teurlay, le talentueux documentariste Georges Rouquier réalise Lourdes et ses miracles qui offre une description de la cité et de ses aspects pittoresques, décrit également la journée lourdaise type du pèlerin valide ou malade (messe, piscine, rosaire, procession du Saint-Sacrement l’après-midi, procession aux flambeaux le soir) et s’intéresse à trois cas de guérisons dont deux ont pu être filmés avant leurs guérisons. Un témoignage fort et très remarqué à l’époque. Ayant rendu à César ce qui appartient à César, avouons que nous n’attendions pas Thierry Demaizière et Alban Teurlai sur un tel sujet après qu’associés au sein de la société de production Falabracks qu’ils créent en 2009, ils aient réalisé en 2016 un documentaire Rocco sur l’acteur, réalisateur et producteur de films pornographiques Rocco Siffredi…Thierry Demaizière explique dans un entretien ce qui les a motivé à consacrer un documentaire à cette personnalité du porno : « (…) C’est un personnage très complexe. Il va raconter sa vie pour la première fois, on a voulu savoir ce qui se cachait derrière cet acteur de pornographie. Pourquoi est-il le seul à avoir tenu si longtemps dans le métier, trente ans, c’est du jamais vu (…) »
Est-ce la singularité et la complexité de Lourdes qui ont attiré les documentaristes ? Quoiqu’il en soit, sur la forme, Lourdes ne présente aucun intérêt cinématographique particulier. L’écriture utilise un procédé éculé qui consiste à choisir plusieurs personnages (ici essentiellement des pèlerins malades) et à alterner la présentation de leur parcours dans le déroulement du documentaire. Lourdes retrace ainsi l’itinéraire d’une dizaine de pèlerins malades, gitans, militaires ou hospitaliers : les préparatifs du pèlerinage, le départ et le transport, l’accueil à Lourdes, le quotidien sur place avec la toilette, les repas, mais aussi la participation de ceux-ci aux offices (messes, processions, chemin de croix…), leurs manifestations individuelles de prières devant la vierge de Lourdes et même leurs confidences.
C’est à ce stade où, si le film qui répétons-le ne présente aucun intérêt particulier sur le plan cinématographique, les réalisateurs réussissent sans l’ajout d’un quelconque commentaire à rentrer avec une pudeur remarquable dans l’intimité de ces êtres blessés par la vie. C’est là, que les réalisateurs parviennent à saisir le spectateur, à l’émouvoir par la vérité, la sincérité de la douleur qu’ils donnent à montrer mais aussi la foi, l’espérance et la charité qu’ils manifestent jusque dans ce qui est une des plus belles images du film, celle de ce petit garçon malade de six ans, accompagné par son père, et qui durant une messe prend la main d’une dame âgée malade et lui demande si elle va bien ! Dans une succession de plans serrés qui rapprochent le spectateur du malade mais qui respecte avec une grande délicatesse l’intimité de celui-ci, c’est bien la vérité de Lourdes qui affleure à l’écran, celle qui donne toute sa place aux malades qui nous sont présentés. De sorte que ceux qui connaissent Lourdes retrouvent avec joie ce qu’ils ont ressentis à Lourdes et que ceux qui n’ont pas eu l’occasion de s’approcher encore de la grotte peuvent être touchés. Au point que même la presse a salué avec respect ce qui dans ce documentaire, au-delà peut-être de la volonté initial des réalisateurs, dépasse la simple leçon d’humanité pour devenir une leçon d’amour. Il n’y a bien que Vincent Ostria dans « L’Humanité » pour se distinguer et même s’en inquiéter :« (…) Cette vision de la souffrance humaine a beau émouvoir, l’accumulation des exemples édifiants produit un peu l’effet inverse : une forme d’écœurement et d’aquoibonisme. Jésus, reviens ! (…) » Emouvant et même quelquefois bouleversant.