Emmanuel Todd est interrogé sur Herodote, à propos de la construction européenne. Extraits :
"[E]n 1995, dans la préface à la réédition de L’Invention de l’Europe, vous vous décrivez comme un européiste qui, après avoir découvert l’exceptionnelle diversité anthropologique de l’Europe, en est venu à douter de la viabilité de la construction européenne.
Emmanuel Todd : Oui, j’ai longuement hésité en 1992 avant de finalement voter Non au traité de Maastricht. J’avais compris que prolonger la Communauté européenne née du traité de Rome par une union monétaire ne pouvait mener qu’à l’impasse ou à la «jungle». Ma conviction dérive très directement de ma connaissance de l’anthropologie et de l’histoire du continent. Chaque État ou grande région de l’Europe continue en effet de vivre sans en avoir conscience selon les modèles politiques hérités de ses structures familiales. Telle société, par exemple l’Allemagne luthérienne, dominée par la famille souche autoritaire, accepte plus facilement des injonctions gouvernementales relatives à la rigueur ou au travail que telle autre société comme la France du bassin parisien, dominée par la famille nucléaire égalitaire.
Le projet européen n’en est pas moins porteur d’un message de paix et de progrès.
Oui, comme le marxisme-léninisme en son temps ! Je vois en effet dans cette idéologie d’unification européenne une volonté de briser les réalités humaines et sociales qui rappelle étrangement mais invinciblement l’Union soviétique. Ce n’est pas un hasard si elle a été portée à ses débuts par la démocratie chrétienne, autrement dit par des hommes qui situent l’essence du pouvoir à Rome, au-dessus de la Nation. Ce n’est pas un hasard non plus si ce projet de dépassement des Nations est repris aujourd’hui par des libéraux-libertaire issus du gauchisme, qui, tel Daniel Cohn-Bendit, n’ont que méfiance pour le peuple et le suffrage universel. S'il n'est pas révisé dans un sens résolument démocratique et plus respectueux des réalités humaines, il pourrait bien connaître le sort de l'URSS… avec la Grèce des «Indignés» dans la fonction de détonateur qu'a précédemment jouée la Pologne de Solidarnosc. […]
En ce qui concerne la démocratie, elle s’éteint en Europe et c’est évident depuis le détournement des référendums français et hollandais sur le traité constitutionnel en 2005. […] Mais je ne me suis pas pessimiste ! Je crois à une refondation prochaine de la démocratie sur de nouvelles bases. La crise financière, qui est aussi une crise des élites, en fournit l’opportunité : la fin de l'euro pourrait se conjuguer avec la fin de la dette et le retour à la démocratie."
drazig
Emmanuel Todd est d’autant plus crédible qu’il avait publié en 1976, un livre: “La chute finale” – Essai de décomposition de la sphère communiste. En 1976, l’apogée ou presque de l’URSS!
YannH
Eh oui ! Comment voulez-vous faire vivre de la même manière et selon les mêmes règles un Léthon et un Andalou, un Sicilien et un Suédois. Pour faire un grand pays comme les USA, il faut unité de territoire, unité de langue et unité de culture et de religion (tout au moins de religions proches, “soeurs”). Si la première règle semble faisable, pour les autres….. L’Europe fédérale n’est pas prête d’exister ou, si elle est imposée (obligatoirement par une dictature qui ne dira pas son nom), elle éclatera à nouveau. C’est vrai, l’URSS a éclaté et cela pend au nez des Chinois (tôt ou tard ils auront ce problème). Et si on la veut démocratique, comment voulez-vous qu’un Français soit tenté de voter pour un Tchèque ou un Danois sur la base de la traduction de son discours. Chacun votera pour “le sien”, point …..
Pas besoin d’être économiste, démographe ou sociologue pour comprendre cela.
PK
C’est amusant tous ces gens qui croient dur comme du fer à la démocratie en pensant que demain, ce sera forcément meilleur qu’aujourd’hui…
Pourtant, avec deux cents d’expérience (au moins en France), on pourrait penser qu’on a du recul…
Mais non.
Ils n’ont pas fini de rigoler les frères trois-points…
francis De Ville Souchet
Emmanuel Todd,souvent invité dans l’émission “ce soir ou jamais” de F.Taddeï, propose des analyses souvent intéressantes sur de nombreux sujets qui font débat.Sera-t-il entendu concernant la “crise” actuelle en europe? Là,E.Todd met en relation directe ce qu’il nomme les “élites” et la “crise financière”;par contre,je trouve inquiétant que dans la tourmente actuelle l’on se fixe toujours en annonçant “la fin de l’Euro”:l’Euro n’est qu’une monnaie d’échange commune et très récente…par rapport au dollard ! Et pourquoi pas la construction européenne ne pourrait-elle pas s’orienter différemment?Une Europe fédérale, moins directive est peut-être une voie à creuser?Reculer, ne veut pas dire tout arrêter; pour construire de quelle manière ?Et sur quelles bases? Balayer l’Euro pour servir de prétexte comme rejet de l’Europe me semble périlleux.
Sancenay
S’il y avait autant d’hommes aussi pertinents courageux, et lucides dans ce qui se présente comme de “droite”, il n’y aurait pas besoin de la gauche, la gauche un peu dé…poussiérée, j’entends.