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L'Eglise : Le Vatican

“L’utilisation du titre de Co-rédemptrice pour définir la coopération de Marie est toujours inopportune”

“L’utilisation du titre de Co-rédemptrice pour définir la coopération de Marie est toujours inopportune”

Le Dicastère pour la doctrine de la foi a publié une Note doctrinale sur certains titres mariaux qui se réfèrent à la coopération de Marie à l’œuvre du salut, Mater Populi fidelis. Ce texte, assez long, signé par le cardinal Víctor Manuel Card. Fernández, Préfet, Mgr Armando Matteo, Secrétaire pour la Section doctrinale, et le pape Léon XIV le 7 octobre, est destiné, comme l’indique la présentation, à répondre

à de nombreuses questions et propositions parvenues au cours des dernières décennies au Saint-Siège – en particulier à ce Dicastère – sur des questions liées à la dévotion mariale et à certains titres mariaux. Ce sont des questions qui ont préoccupé les derniers Pontifes et qui ont été abordées à plusieurs reprises au cours des trente dernières années dans les différentes instances du Dicastère, tels que les Congrès, les Assemblées ordinaires, etc. Cela a permis à ce Dicastère de disposer d’un matériel abondant et riche, fondement de cette réflexion.

Tout en clarifiant le sens selon lequel certains titres et expressions qui se réfèrent à Marie sont acceptables ou non, ce texte se propose également d’approfondir les justes fondements de la dévotion mariale, en précisant la place de Marie dans sa relation avec les croyants, à la lumière du mystère du Christ, unique Médiateur et Rédempteur. Cela implique une profonde fidélité à l’identité catholique et, en même temps, un effort œcuménique particulier.

L’axe qui traverse toutes ces pages est la maternité de Marie à l’égard des croyants, une question qui revient à plusieurs reprises, avec des affirmations sans cesse reprises, en les enrichissant et en les complétant, telle une spirale, de considérations nouvelles.

La dévotion mariale, suscitée par la maternité de Marie, est ici présentée comme un trésor de l’Église. Il ne s’agit pas de corriger, mais bien de valoriser, d’admirer et d’encourager la piété du peuple de Dieu fidèle qui, en Marie, trouve refuge, force, tendresse et espérance parce qu’elle est une expression mystagogique et symbolique d’une attitude évangélique de confiance dans le Seigneur que l’Esprit-Saint lui-même inspire librement aux croyants. En effet, les pauvres trouvent « la tendresse et l’amour de Dieu dans le visage de Marie. En elle, ils voient se refléter le message essentiel de l’Évangile »[1].

En même temps, il existe des groupes de réflexion mariale, des publications, de nouvelles dévotions ainsi que des demandes de dogmes mariaux qui ne présentent pas les mêmes caractéristiques de dévotion populaire, mais qui, en définitive, proposent un certain développement dogmatique et s’expriment fortement à travers les réseaux sociaux, soulevant souvent des doutes chez des fidèles plus simples. Il s’agit parfois de réinterprétations d’expressions utilisées par le passé avec des significations diverses. Le présent document tient compte de ces propositions afin d’indiquer en quelle mesure certaines répondent à une dévotion mariale authentique et inspirée par l’Évangile, ou en dans quelle mesure d’autres doivent être évitées parce qu’elles ne favorisent pas une contemplation adéquate de l’harmonie du message chrétien dans son ensemble.

D’autre part, divers passages de cette Note offrent un large développement biblique qui aide à montrer comment l’authentique dévotion mariale n’apparaît pas seulement dans la riche Tradition de l’Église mais déjà dans la Sainte Écriture. Cette empreinte biblique exceptionnelle est accompagnée de textes des Pères, des Docteurs de l’Église et des derniers Pontifes. De cette façon, plutôt que de proposer des limites, la Note cherche à accompagner et à soutenir l’amour envers Marie et la confiance en sa maternelle intercession.

Ainsi, cette note revient notamment sur le titre de Marie co-Rédemptrice :

16. Parmi les titres sous lesquels Marie a été invoquée (Mère de la Miséricorde, Espérance des pauvres, Aide des chrétiens, Secours, Avocate, etc.), certains se réfèrent davantage à sa collaboration à l’œuvre rédemptrice du Christ, comme par exemple Co-rédemptrice et Médiatrice.

Co-rédemptrice

17. Le titre de Co-rédemptrice apparaît au XVe siècle comme une correction à l’invocation de Rédemptrice (comme abréviation de Mère du Rédempteur) que Marie recevait depuis le Xe siècle. Saint Bernard attribue à Marie un rôle au pied de la Croix qui donne naissance au titre de Co-rédemptrice, qui apparaît pour la première fois dans un hymne anonyme du XVe siècle à Salzbourg[31]. Bien que le nom de Rédemptrice ait été maintenu aux XVIe et XVIIe siècles, il disparut complètement au XVIIIe siècle pour être remplacé par Co-rédemptrice. La recherche théologique sur la coopération de Marie à la Rédemption, au cours de la première moitié du XXe siècle, a conduit à approfondir le contenu du titre de Co-rédemptrice[32].

18. Certains Pontifes ont utilisé ce titre sans trop s’attarder à l’expliquer[33]. D’une manière générale, ils l’ont présenté de deux manières précises: par rapport à la maternité divine, dans la mesure où Marie, en tant que mère, a rendu possible la Rédemption accomplie dans le Christ[34], ou en référence à son union avec le Christ près de la Croix rédemptrice[35]. Le Concile Vatican II a évité d’utiliser le titre de Co-rédemptrice pour des raisons dogmatiques, pastorales et œcuméniques. Saint Jean Paul II l’a utilisé à sept reprises au moins, en le rapportant en particulier à la valeur salvifique de nos souffrances offertes avec celles du Christ à qui Marie est unie avant tout sur la Croix[36].

19. Lors de la Feria IV du 21 février 1996, le Préfet de ce qu’on appelait alors la Congrégation pour la Doctrine de la Foi, le Cardinal Joseph Ratzinger, en réponse à la question de savoir si la demande du mouvement Vox Populi Mariae Mediatrici d’une définition du dogme de Marie comme co-rédemptrice ou médiatrice de toutes grâces était acceptable, a répondu dans son votum personnel : « Négatif. La signification précise des titres n’est pas claire et la doctrine qu’ils contiennent n’est pas mûre. Une doctrine définie de foi divine appartient au dépôt de la foi, c’est-à-dire à la révélation divine véhiculée dans l’Écriture et dans la tradition apostolique. Or, on ne voit pas clairement comment la doctrine exprimée dans les titres est présente dans l’Écriture et dans la tradition apostolique »[37]. Plus tard, en 2002, il s’est exprimé publiquement contre l’utilisation de ce titre : « La formule “Co-rédemptrice” est trop éloignée du langage de l’Écriture et de la patristique et provoque ainsi des malentendus… Tout procède de Lui, comme le disent surtout les Lettres aux Éphésiens et aux Colossiens. Marie est ce qu’elle est grâce à Lui. Le mot “co-rédemptrice” éclipserait cette origine ». Le Cardinal Ratzinger ne niait pas qu’il y aurait de bonnes intentions et des aspects valables dans la proposition d’utiliser ce titre, mais il soutenait qu’il s’agissait d’un « terme erroné »[38]

20. Le Cardinal de l’époque mentionnait les Lettres aux Éphésiens et aux Colossiens, où le vocabulaire utilisé et le dynamisme théologique des hymnes présentent de telle manière la centralité rédemptrice unique et la fontalité du Fils incarné que la possibilité d’y ajouter d’autres médiations est exclue, parce que « toutes sortes de bénédictions spirituelles » nous sont données « dans le Christ » (Ep 1, 3) ; parceque nous sommes pour Lui des fils adoptifs (cf. Ep 1, 5) et en Lui nous avons été comblés de grâce (cf. Ep 1, 6), « En Lui nous trouvons la rédemption, par son sang » (Ep 1, 7) et « Il nous a prodigués » (Ep 1, 8) sa grace. En Lui, « nous avons été mis à part » (Ep 1, 11) et nous avons été prédestinés. Et Dieu a voulu « faire habiter en Lui toute la Plénitude» (Col 1, 19) et, « par Lui, réconcilier tous les êtres pour Lui » (Col 1, 20). Une telle louange sur la place unique du Christ nous invite à mettre chaque créature en situation clairement réceptive, et à une prudence religieuse et délicate lorsque nous envisageons toute forme de coopération possible dans le domaine de la Rédemption.

21. Le Pape François a clairement exprimé sa position au moins trois fois contre l’utilisation du titre de Co-rédemptrice, alléguant que Marie « n’a jamais voulu prendre pour elle quelque chose de son Fils. Elle ne s’est jamais présentée comme co-rédemptrice. Non, disciple »[39]. L’œuvre rédemptrice a été parfaite et n’a besoin d’aucun ajout. C’est pourquoi « la Vierge n’a voulu obtenir aucun titre de Jésus […]. Elle n’a pas demandé d’être elle-même une quasi-rédemptrice ou une co-rédemptrice: non. Il n’y a qu’un seul Rédempteur et ce titre ne se dédouble pas »[40]. Le Christ « est l’unique Rédempteur : il n’y a pas de co-rédempteurs avec le Christ »[41]. Parce que « le sacrifice de la Croix, offert avec un cœur aimant et obéissant, présente une satisfaction surabondante et infinie »[42]. Bien que nous puissions prolonger ses effets dans le monde (cf. Col 1 :24), ni l’Église ni Marie ne peuvent remplacer, ni perfectionner, l’œuvre rédemptrice du Fils de Dieu incarné, qui a été parfaite et n’a pas besoin d’ajouts.

22. Compte tenu de la nécessité d’expliquer le rôle subordonné de Marie au Christ dans l’œuvre de la Rédemption, l’utilisation du titre de Co-rédemptrice pour définir la coopération de Marie est toujours inopportune. Ce titre risque d’obscurcir l’unique médiation salvifique du Christ et peut donc générer une confusion et un déséquilibre dans l’harmonie des vérités de la foi chrétienne, parce qu’« il n’y a de salut en personne d’autre », car « il n’y a pas sous le ciel d’autre nom donné aux hommes par lequel nous devions être sauvés » (Ac 4, 12). Lorsqu’une expression nécessite des explications nombreuses et constantes, afin d’éviter qu’elle ne s’écarte d’un sens correct, elle ne rend pas service à la foi du Peuple de Dieu et devient gènante. Dans ce cas, elle n’aide pas à exhalter Marie comme la première et la plus grande collaboratrice dans l’œuvre de la Rédemption et de la grâce, parce que le danger d’obscurcir la place exclusive de Jésus-Christ, Fils de Dieu fait homme pour notre salut, le seul capable d’offrir au Père un sacrifice d’une valeur infinie, ne serait pas un véritable honneur pour la Mère. En effet, en tant que « servante du Seigneur » (Lc 1, 38), elle nous indique le Christ et nous demande : « Tout ce qu’Il vous dira, faites-le » (Jn 2, 5).

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