Editorial d'Aymeric Pourbaix :
"« Nous ne sommes pas à la messe à faire des prières, nous sommes dans l’action », déclarait il y a quelques mois à la radio l’actuel ministre des Finances, à propos de la lutte contre le chômage. Dieu n’aurait-il donc pas sa place en économie ? Pourtant, la seule action n’a pas fait la preuve de son efficacité : le collègue de M. Sapin au ministère du Travail vient même de reconnaître « l’échec » du gouvernement à redresser la courbe de l’emploi. Voilà qui n’a rien de rassurant. Mais reconnaissons surtout les faits, plus positifs : les régions marquées par le catholicisme sont également celles où chômage et inégalités sont les plus bas, comme le montre la récente analyse géographique d’Emmanuel Todd et Hervé Le Bras (Le Mystère français, Seuil).
Le chômage coûte environ 30 milliards par an à la collectivité. Dès lors, il serait temps de sortir des vieux schémas de pensée matérialiste dans lesquels nos politiques sont enfermés. Et de réhabiliter tout ce que la sagesse chrétienne peut apporter à la réflexion. En commençant par dire, avec saint Ignace, que prière et action sont étroitement mêlées, plutôt que de les opposer. Et constituent un formidable levier pour sortir du fatalisme ambiant : contrairement à ce que disait François Mitterrand, il n’est pas sûr qu’on ait vraiment tout essayé dans la lutte contre le chômage… La bonne santé de l’emploi en Allemagne et en Grande-Bretagne prouve assez qu’il existe des solutions.
Car Dieu serait-il subitement devenu anglais ou allemand ? Ou bien faut-il reconnaître notre responsabilité collective dans la « préférence française pour le chômage », selon l’expression toujours actuelle d’un patron (de gauche) ? Conception qui dévalorise le travail moins qualifié, et compense par l’indemnisation des chômeurs. Changer de culture impliquerait aussi, en retour, de mettre en place une véritable éducation permanente. Non pas simple « recyclage », mais moyen d’acquérir des connaissances nouvelles et d’affronter les nouveaux défis de la vie professionnelle.
Allons plus loin. Dans une société qui survalorise les loisirs, l’Église rappelle l’éminente dignité du travail, comme instrument de sanctification et de participation à la Création. C’est la fameuse devise bénédictine, « Prie et travaille », qui a été l’une des matrices de la civilisation chrétienne. Mais ce savant équilibre marque aussi les limites imposées au travail, celles – religieuses, familiales – qui font que l’économie est au service de l’homme, et non l’inverse. L’extension du travail dominical, outre que son efficacité n’est pas prouvée, viendrait déséquilibrer un peu plus notre économie. Au contraire, pour le pape François, c’est en s’ouvrant à la transcendance que « pourrait naître une nouvelle mentalité politique et économique » (La Joie de l’Évangile § 204)."