L’Homme Nouveau a organisé une table ronde sur le thème de la notion chrétienne du pouvoir face à la laïcité. L’un des intervenants, Thibaud Collin, déclare :
"Dans une société postchrétienne, la nature, telle que la philosophie classique l’entend, ne veut plus rien dire. La nature est animée par la grâce. Il faut revenir à la racine. Il faut revenir à l’évangélisation, mais une évangélisation qui intègre l’ordre de la nature et donc la question politique. Il faut parvenir à sortir de l’alternative dans laquelle on s’est enfermé depuis longtemps et qui oppose la tradition maurassienne du politique d’abord à la version spiritualiste qui ne s’intéresse ni au politique ni à la société. Il y a quelque chose à creuser du côté des États-Unis, où l’on constate une certaine résurgence de la conscience politique par le biais des communautés."
Stéphen de Petiville ajoute :
"On voit dans les milieux catholiques des modes d’agir très différents. Dans l’ensemble, ce qui manque, c’est la conscience du but ultime à atteindre. Les gens sont choqués par l’un ou l’autre aspect de ce qui fait l’horreur postmoderne (l’avortement, l’euthanasie, le rejet du handicap, le développement des violences, la corruption par l’école, etc.) et s’engagent à fond dans une action particulière, persuadés que c’est la seule chose importante à faire. Il manque parfois la largeur de vue et la conscience que cette action doit s’insérer dans un plan plus large qui vise à changer de système. Ce passage du réformisme au projet politique plus global doit faire l’objet d’une pédagogie très éclairée, car il est loin d’être évident."
sancenay
Défendre la Vie cependant ne revient-il pas nécessairement à proposer de révolutionner le système au sens physique du terme, conformément à l’ordre naturel défini par le Créateur Lui-même ? Puisqu’en effet, le “système”, fruit plus que mûr, à tant d’égards, des ténébreuses “philosophies” des Lumières est une inversion quasi géométrique de cet ordre naturel, avec comme infernal aboutissement d’avoir fait de l’homme , car ne nous voilons pas la face, nous y sommes, un matériau utilisable de sa conception à sa mort.
Il me semble justement qu’il apparaît un nombre croissant de personnes pas forcément guidées par par “une pédagogie très éclairée” qui ont compris cette réalité au fond de leur coeur,illuminé par la seule Lumière qui vaille et dont les chemins sont souvent si mystérieux.
Les éléments évoqués ici comme des “aspects” par Monsieur de Petitville me semblent être par essence , nécessairement des moyens indissociables de domination de l’homme par l’homme, cohérents entre eux dans ce détestable ordre inversé.Dès lors s’opposer à chacun d’entre eux revient à s’opposer à tous.
Et s’il peut être vrai que des esprits égarés par la propagande, que ce soit celle de l’éducation, ou du journal,peuvent n’avoir pas perçu le lien au départ, il me semble certain que la foi qui leur a ouvert les yeux sur l’essentiel les conduira très vite à la vérité toute entière, fût-ce et peut-être grâce à la persécution à laquelle leur fidélité les exposera nécessairement.
Pour l’enseignement “durable” si j’ose dire, pour retourner un autre terme de la propagande, rien n’a jamais mieux valu que “la pédagogie” , si j’ose dire dans le même esprit, de nos saints et martyrs.
Si tel n’était pas le cas on continuerait de les enseigner dans les officines plus ou moins laïcs du “système”.
Ma conclusion serait de dire que la “Parole”
qu’il nous est demandé de porter, ne saurait reposer sur la seule pédagogie, même “éclairée. C’est bien la Croix que le Saint-Père est venu nous transmettre.Ne l’a-til pas clairement dit à nos jeunes sur le parvis de Notre-Dame?
lesloups
Le fondement de toute action, c’est que chaque Homme est aimé de Dieu et appelé au salut éternel. Ceci commande, pour le chrétien, les visions individuelles (les membres de notre famille, de notre entreprise, de notre ville, etc …) et la vision collective (qui doit permettre à chaque Homme d’accomplir sa vocation éternelle, en faisant en sorte que les institutions le permettent).
C’est en ce sens que la liberté est, à mon avis, un bien relatif : l’homme marié qui s’est engagé pour le vie, le religieux qui a prononcé des voeux, ont volontairement aliéné leur liberté pour accomplir leur vocation ; les interdictions sociales et légales (qui devraient comprendre celle de l’avortement), qui sont des aliénations involontaires de la liberté individuelle, sont justifiées par cette vision supérieure et par les moyens politiques pris pour que ces aliénations involontaires soient vécues heureusement par chacun (par exemple, une bonne politique familiale). Voilà la responsabilité du politique …
Cà me paraît tellement simple … que seul le Démon peut y trouver à redire !
Pascal G.
Ce que veut dire T. COLLIN, c’est qu’entre le ”politique d’abord”, souvent interprétée par ”de l’action politique” d’abord, ou ”des réformes institutionnelles” d’abord, et une vision qui se veut purement ”spirituelle” de l’homme social, il existe une réappropriation de la politique par la vision chrétienne de l’homme selon la DSE.
Mais ainsi il rend hommage au ”politique d’abord” de Maurras qui a toujours dit que la politique naturelle, fondée sur la nature de l’homme créé, est la seule qui permette de construire une ordre politique conforme aux besoins de l’homme social. Le positivisme repris de COMTE et défendu par MAURRAS, son ”empirisme organisateur” se fondait certes plus sur l’observation de l’histoire comme laboratoire que sur la philosophie antique et surtout thomiste, et chrétienne en général, ce que lui reprochera MARITAIN.
Mais c’est MARITAIN qui en voulant réaffirmer la prééminence du spirituel, a coupé (sans doute involontairement) les catholiques de l’action politique, parce qu’il demandait une conversion des âmes avant une refondation politique : or la réévangélisation de la société au travers de communautés catholiques fortes ne supprime pas le devoir de charité du politique. Parce que chaque génération de chrétiens depuis 2000 ans a du vivre cette contradiction entre une aspiration à un ordre social parfait fondé sur des hommes parfaitement imprégnés du message évangélique, et la société de leur temps qui appelait leur témoignange et leur action concrète.