M. Darius Rochebin, journaliste nouvellement apparu à LCI, recevait M.Luc Ferry « ancien ministre, essayiste, philosophe » le 4 septembre. M.Luc Ferry est un habitué des exhalaisons distinguées prodiguées souvent en duo avec son « camarade, Daniel Cohn-Bendit » sur cette chaîne qui vient, avec courage à n’en pas douter, d’évincer le rédacteur en chef de Valeurs actuelles de son équipe de chroniqueurs.
Le sujet est l’école et plus particulièrement le baccalauréat. Verbatim :
DR : « Parlons-en du bac. Quand on voit les chiffres de cette année. On va rappeler l’évolution, c’est très spectaculaire. 2020 : 96%. En 1980, 64%. Très franchement, sans être réactionnaire, la question se pose : est-ce que le bac a été bradé ? »
LF : « Mais ça fait des années qu’il est absolument bradé. Hors COVID, dans les filières générales, on était à 92% je crois l’année dernière. De toutes façons, moi je suis pour la quasi-suppression du bac, pour le contrôle continu. Il faut garder deux ou trois épreuves symboliques, car il faut quand même qu’il y ait un examen. Soyons clairs, il y a des questions financière, le bac coûte entre 2 et 4 M€. Si c’est pour le donner à tout le monde, autant le donner au berceau. A 92%, ça sert plus à rien.
Deuxièmement, il y a un vrai enjeu et là je suis sérieux, c’est que si le bac est complètement bradé, les universités ont une pente inévitable, c’est de restaurer un examen d’entrée à l’université, parce qu’ils disent : « les mômes ont pas le niveau » ».
DR : « Quand vous étiez ministre, est-ce qu’il y avait une pression, est-ce que ces chiffres ont un sens politiques ? de dire « il faut pousser, il faut aller… » [NDLR : il est interrompu].
LF : « Non, c’est pas ça, c’est pas du tout ça, c’est une thèse plutôt complotiste. C’est pas vrai, c’est pas ça. C’est simplement qu’au fond, j’aime pas le mot « laxiste », il est très connoté à droite, mais comme ces gamins qu’on voit là, ce sont nos enfants, on n’a pas envie de les coller, on n’a pas envie de les empêcher d’aller à l’université, tout simplement. On se dit : « bon, allez, vas-y, va » ; et puis ils sont mignons, ils sont gentils, on les aime bien, c’est nos enfants. Alors on a laissé filer le bac.
Le gros inconvénient encore une fois, c’est qu’on voit arriver des enfants en première année d’université qui ont absolument pas le niveau. C’est pas leur rendre service. Du coup, vous avez 40 ou 45% d’échec dans les premières années, ce qui n’est pas leur rendre service.
On ferait mieux de remettre du contrôle continu puis deux ou trois épreuves un peu dures et leur dire : « c’est pas grave ; tu redoubleras, ou même tu tripleras mais il faut que tu aies le niveau avant d’entrer à l’université ; sinon, tu perds ton temps, tu fais perdre leur temps aux autres et en plus tu seras collé en première année ou en deuxième année ».
Donc, je pense qu’il faut rétablr une vraie sélection au niveau du bac, un bac à 60/65% [de taux de réussite], quitte à ce que dans le redoublement, on organise les choses plus intelligemment qu’aujourd’hui. »
Voilà sans doute un exemple assez représentatif de ce qu’une partie des intellectuels (quoique M.Ferry récuse ce mot à son endroit, car « il n’est pas de gauche » [sic], tout en refusant le mot laxisme trop connoté à droite….) de cette génération des soixante-huitards [M.Ferry est né en 1951], élevée dans des structures françaises et républicaines encore exigeantes, ayant acquis [car ils sont capables de travail et d’une forme certaine d’intelligence] prébendes et droits à la retraite confortables, a contribué à faire naître : un monde où les « gamins sont mignons », où « on a laissé filer le bac », et où on ne s’étonne donc même pas des effets désastreux sur le niveau académique des jeunes générations.
Bien évidemment, quand M.Ferry dit « ce sont nos enfants », il faut comprendre : ce sont les enfants des autres. Gageons que pour les siens, il sait trouver les cursus sélectifs et personnalisés qui leur éviteront ce naufrage.
Rappelons que M.Ferry a été ministre de la Jeunesse [peut-être même bénéficiait-il déjà du support technique de son camarade M.Cohn-Bendit, qui, après tout, pouvait exciper d’une expérience d’aide-éducateur dans un jardin d’enfants comme on se le rappelle] et de l’Education nationale pendant près de deux ans, de 2002 à 2004.
Or, d’après la courbe présentée pendant l’émission, en 2000 le taux de réussite au baccalauréat était déjà de 79%, et rien n’indique, dans sa courbe, une quelconque inflexion au moment où M.Ferry était ministre : il a continué de monter.
Formidable capacité à l’auto-satisfaction (de se savoir si clairvoyant), à la morgue exprimée de cette façon « peuple » qui rend le dédain presque chic, « Les mômes ont pas le niveau », de repus gonflés de bienveillance. Tant de sentiment d’irresponsabilité provoque comme un léger dégoût. Mais c’est peut-être trop connoté à droite….