Suite à aux propos surprenants de M. Macron sur la fécondité des femmes africaines (7 ou 8 enfants par femme…), Ilyes Zouari, spécialiste du Monde francophone, auteur du "Petit dictionnaire du Monde francophone" (L'Harmattan, avril 2015), x-Administrateur de l'association Paris-Québec, nous a envoyé les trois premiers paragraphes d’un article – bien plus long – rédigé en 2016 pour la revue Géopolitique africaine.
Ces quelques lignes démontrent bien que les propos de M. Macron n’ont pas lieu d’être. Intéressons-nous plutôt à la catastrophe démographique et écologique du sous-continent indien (où l’Inde continue encore à gagner près 20 millions d’habitants par an), et laissons les Africains tranquilles, au nom de nos intérêts communs sur le long terme. Les irrationnelles idées malthusiennes ont déjà coûté terriblement cher à la France, qui en fut, de loin, la première victime. Quant aux questions migratoires, c'est à nous d'avoir le courage de prendre les mesures qui s'imposent, en s'inspirant, par exemple, du Japon, du Brésil, des pays du Golfe ou encore des pays du Maghreb…
Les grands défis de l’Afrique francophone (revue Géopolitique africaine, n°58/59, novembre 2016)
Tirée par une double mutation démographique et économique, l’Afrique francophone s’affiche désormais comme l’un de principaux relais de croissance dans le monde. Certaines menaces fragilisent toutefois ce vaste ensemble, qui souffre, par ailleurs, d’une perception encore injustement négative et handicapante.
Une mutation démographique considérable
Depuis le milieu du 20e siècle, les 25 pays d’Afrique francophone ont connu un formidable essor démographique, passant d’un total de 73 millions d’habitants en 1950 à 370 millions début 2016. Cet ensemble croît à un rythme annuel de 2,5%, désormais essentiellement dû à sa partie subsaharienne (2,8%). S’étendant sur 14 millions de km2 (soit 3,1 fois l’Union européenne – UE – tout entière), il commence donc à compter sur la scène internationale, lui qui dépassait à peine la population de l’Allemagne en 1950 (69 millions) (1).
Par ailleurs, l’Afrique subsaharienne (ASS) francophone a globalement entamé sa transition démographique, puisque seuls 4 des 22 pays de la zone n’ont pas encore connu de baisse significative de leur natalité depuis 1970 (Niger, Tchad, République centrafricaine, et République démocratique du Congo – RDC (2)). Ailleurs, la baisse est d’environ 20%, et même de près de 40% en Côte d’Ivoire (passée d’un taux de fécondité de 7,9 enfants par femme à 4,9) et à Madagascar (de 7,3 à 4,4).
Toutefois, l’Afrique demeure dans son ensemble un continent relativement peu peuplé, comparée, par exemple, à l’Inde. Celle dernière, qui parvient à nourrir sa population, est plus populeuse alors qu’elle est 6,6 fois moins étendue que l’Afrique hors Sahara. Sur le continent, le Nigéria est un des très rares pays à être assez surpeuplé, avec 210 hab./km2, soit exactement deux fois plus que le Bénin limitrophe. La pression migratoire grandissante en provenance de l’hinterland francophone sur les pays francophones côtiers sera donc accentuée par celle venant du Nigeria, qui pourrait compter une diaspora de 40 millions de personnes dans les pays de la sous-région d’ici 2050, soit 10% de sa population à cette date (taux atteint ou dépassé par de nombreux pays en voie de développement et non surpeuplés). Certains pays de la CEDEAO devraient donc peut-être songer à revoir certaines clauses de leur accords, et en particulier celle relative à la liberté de résidence.
(1) commençant à atteindre, ainsi, une masse critique nécessaire au développement de l'industrie et de nombreuses activités économiques.
(2) de ces quatre pays, seul le Niger franchit la barre des 7 enfants par femme (les trois autres: entre 6,2 et 6,6).