Niché sur le flanc escarpé des montagnes rocailleuses du Qalamoun, au nord de Damas, en Syrie, Maaloula est un petit village chrétien de quelques milliers d’habitants dont la plupart parle encore l’Araméen, la langue du Christ.
A l’entrée, un panneau indique : « Maaloula, cité de la culture et de l’histoire, vous souhaite la bienvenue ». Et en franchissant les lourdes portes du village, l’on comprend immédiatement pourquoi.
Maaloula est, depuis les premiers siècles, un emblème du christianisme oriental.
Il doit sa renommée aux grottes troglodytiques où se sont réfugiés les premiers chrétiens persécutés, dont Sainte Thècle, une jeune princesse séleucide, disciple de Saint Paul. Fuyant ses persécuteurs, elle trouva refuge dans une grotte au-dessus de laquelle fut édifié un couvent grec-orthodoxe portant désormais son nom.
Village étape des pèlerins en route pour Jérusalem, il abrite de nombreux édifices religieux multiséculaires, dont le monastère grec-catholique construit au IVème siècle, dédié à Saint-Serge-et-Saint-Bacchus, deux officiers romains martyrisés pour leur foi sous le règne de Galère.
Il dépend de l’ordre Basilien Salvatorien et renferme le plus ancien autel chrétien, daté de l’an 316. On y trouve aussi des icônes datant du IX° siècle.
Maaloula est aussi célèbre, au Proche-Orient, pour la ferveur et la solennité avec lesquelles ses habitants célèbrent, chaque 14 septembre, la fête de l’Exaltation de la Sainte-Croix.
La fête a de quoi dérouter l’Occidental soucieux de bilan carbone et de principe de précaution.
Mais nous sommes en Orient et il est question de la plus grande gloire de Dieu.
Imaginez : Un à un, des pneus montés au sommet des montagnes sont enflammés. Les feux d’artifices illuminent les cieux tandis que les balles traçantes fusent des kalachnikovs et partent zébrer d’éclairs les ténèbres. Puis les soleils de feux entrent dans la danse.
Tout le monde : hommes, femmes, enfants, adolescents, adultes ; chacun veut montrer sa dextérité. Les étincelles forment de magnifiques cercles de flammèches qui entourent d’une auréole les croix dressées au sommet de la montagne.
Le 14 septembre 2013, contrairement aux années passées, personne ne célèbre la Sainte-Croix.
Maaloula est un village fantôme. Sept jours avant, une horde de djihadistes du Front Al-Nosra, en fait des trafiquants, des contrebandiers, des fanatiques, reconvertis en combattants s’emparent de Maaloula en enfonçant les massives portes en bois du village avec une voiture bélier qui se fait exploser avec son conducteur.
De brefs combats font rages dans les petites rues du village chrétien, mais les habitants fuient en masse. Ils sont sommés de se convertir ou de partir.
Deux jeunes, qui refusaient d’abjurer, sont assassinés sous les yeux de leur famille. Treize religieuses du monastère de Sainte-Thècle sont enlevées et finalement libérées trois mois plus tard, dans un échange de prisonniers.
Six jeunes n’auront pas cette chance : enlevés parce qu’ils défendaient leur ville, ils sont égorgés parce qu’ils défendaient leur foi.
Les djihadistes commettent un carnage archéologique.
Ils pillent l’église conventuelle, un des plus vieux édifices chrétiens au monde, datant du IV° siècle. Ils détruisent des icônes exceptionnelles.
Avec un fanatisme méthodique, ils veulent éradiquer toute trace humaine ou matérielle de la présence chrétienne. Les images pieuses qui n’avaient pas été cachées ou recouvertes avec de la chaux sont systématiquement profanées : les statues sont décapitées, des balles sont tirées dans les yeux des portraits de saints, car les islamistes pensent qu’ainsi, ils tuent vraiment la présence réelle du saint…
Quant aux maisons des chrétiens, les pillards y ont dérobé jusqu’aux interrupteurs et aux fils électriques !
A Paris, devant leur poste de télévision de jeunes Français assistent, médusés, à la chute de Maaloula. Ils décident de ne pas rester les bras croisés et se lancent dans une mission humanitaire, sans trop savoir comment, mais armés de leur foi et de leur volonté :
C’est la naissance de SOS Chrétiens d’Orient.
La libération du village, en avril 2014, met un terme définitif à la présence djihadiste à Maaloula. Les habitants peuvent enfin faire le deuil de leurs maris, de leurs frères, de leurs pères tués ou exilés à cause des combats.
Les sourires et les paroles reviennent sur les lèvres. Mais dans la cité martyre, tout est à reconstruire !
Immédiatement, SOS Chrétiens d’Orient apporte son aide pour faire revenir la population et leur permettre de reconstruire sa vie. Ici, l’expression remettre l’église au centre du village n’est pas un vain mot : c’est la première chose que nous demandent les habitants, avant même de reconstruire leurs habitations !
Nous lançons donc aussitôt les chantiers de reconstruction de l’église Saint-Georges et de celle de la paroisse grecque-orthodoxe Saint-Elie. Ensuite, nos volontaires passent aux maisons, qu’ils rénovent en coopération avec des entrepreneurs locaux.
Il faut ensuite redynamiser l’activité économique en mettant l’accent sur l’artisanat et en promouvant la culture syrienne traditionnelle. Maaloula renaît et son savoir-faire avec lui.
Loin de la politique du sac de riz, nous voulons donner aux Maaloulites des ressources durables, qui existeront encore lorsque nous seront partis.
En Syrie, depuis la plus haute antiquité, on cultive la vigne, dont le vin est plusieurs fois mentionné par Pline l’Ancien dans ses écrits. A Maaloula, la viticulture a malheureusement périclité au fil des siècles. Avant la guerre, les Maaloulites ne cultivaient plus que quelques parcelles des vignes éparses réparties sur 30 hectares. Ils produisaient du vin de manière artisanale pour leur consommation personnelle et éventuellement vendaient les surplus.
En accord avec les habitants, SOS Chrétiens d’Orient a décidé de redonner un grand vignoble à Maaloula. Sur les 800 ha disponibles là-bas, 400 sont propices au développement viticole !
Pour réaliser cet ambitieux projet, Julien Dittmar, chef de projet pour SOS Chrétiens d’Orient et ingénieur agronome, s’est entouré d’une équipe d’experts de L’INRA et du Comité interprofessionnel des vins du Languedoc.
En 2017, 5000 m2 de pieds de vigne sont plantés. La première vendange est attendue pour 2022. Le renouveau de la vigne permettra de nourrir durablement 150 familles !
Nous avons également financé la reconstruction d’une famille de débess, une antique mélasse syrienne élaborée à base de raisin, dont la dernière fabrique artisanale se trouvait à Maaloula. La recette traditionnelle du débess est classée au patrimoine mondial de l’UNESCO pour sa rareté, ses qualités gustatives et nutritionnelles.
Hélas, le bâtiment, dans lequel on concoctait ce produit typique, a été ravagé par les djihadistes. Il a fallu tout refaire, du sol au plafond, en passant par les portes et fenêtres, la plomberie, l’installation de l’eau courante et de l’électricité.
SOS Chrétiens d’Orient a également financé le matériel neuf et fourni deux cents grands pots en terre cuite, afin de stocker la mélasse, conformément aux méthodes traditionnelles. Durant six mois, nos volontaires ont participé, avec les ouvriers locaux, à la reconstruction du lieu. La relance de cette entreprise a d’abord permis de faire vivre plusieurs familles maaloulites, dont celle d’un martyr de 2013.
Mais désormais, c’est tout le village qui bénéficie du rayonnement économique et culturel de ce projet.
Parallèlement, les volontaires de SOS Chrétiens d’Orient retroussent leurs manches sur le terrain. Ils initient des chantiers de reconstruction, lancent des activités éducatives avec les enfants et partage le quotidien avec les familles.
Dans les ruelles étroites, des sacs de gravas sont extraits des décombres régulièrement. Des poutres et des pierres de tailles sont acheminées tant bien que mal par les volontaires et quelques ânes courageux, à flanc de montagne. En été, les volontaires s’adaptent aux besoins et aident les agriculteurs en participant aux récoltes des olives et des grenades, ou en surveillant les brûlis.
Maaloula est, à l’image de tout ce pays, un coin du monde que certains ont voulu détruire, mais qui, aujourd’hui, reste plus vivant que jamais.
Aujourd’hui, l’espoir renaît à Maaloula.
Cette renaissance nous la devons, en grande partie, à ceux qui ont cru en nos projets, ceux qui ont accepté d’écouter la détresse d’un peuple et de s’engager concrètement, soit en venant travailler sur place, soit en faisant un don.
En aidant les Maaloulites à relancer leur activité et à reconstruire leurs habitations, vous redonnez espoir et courage à tous ceux qui sont restés malgré la guerre. Des avancées importantes ont eu lieu.
Mais la reconstruction n’est pas terminée !
Aidez-nous à faire connaître les traditions ancestrales de Maaloula et l’histoire de ce village emblématique.