De Stéphane Audeguy dans La Croix :
"(…) Comme en 2002, on va nous répéter que les deux candidats ne se valent pas. Nous voterons probablement non pas pour M. Macron, mais contre la xénophobie, contre une certaine bêtise, et pour la démocratie.
J’arrête ici le « nous » : si c’est une infamie d’ignorer leur existence, il y a une indignité à parler pour les autres. Pour moi, tout est facile, puisque j’ai un métier valorisant, de bonnes conditions de travail, des conditions de vie plaisantes. J’irai voter. Mais pour toute une France sinistrée, sera-ce aussi aisé ? Personne ne parle plus de classes sociales : mais enfin, qui ne voit que l’électorat de Mme Le Pen ne vit pas dans le même monde que celui de M. Macron ?
Pour la première fois, un parti d’extrême droite peut véritablement accéder à la présidence de la République. Il ne suffit pas d’appeler à voter pour le candidat qui se présente comme démocrate, et qui, comme « Marine », navigue à vue, sans autre boussole que sa petite personne. La France de Macron, on la connaît : c’est celle qui a voté pour ce traité européen que jadis les Français, dans leur majorité, refusaient ; et qu’on leur imposa !
Je me rappelle avoir été invité, le soir du « non », chez de bons bourgeois libéraux (aux deux sens du terme). Je me souviens de leur colère arrogante contre tous ces pauvres qui votaient si mal, qui ne comprenaient rien… Je me souviens, donc, d’avoir vu le visage de cette Europe libérale et égoïste dont je ne veux pas : si dans dix jours Mme Le Pen est élue, c’est à eux que nous devrons cette catastrophe ; et non à tous ces malheureux dont on dénie depuis si longtemps l’existence, les souffrances, le désespoir."