Message de l’évêque de Bayonne :
Dimanche 16 janvier, aura lieu à Paris la « Marche pour la Vie », qui mobilise chaque année de nombreuses personnes, dont beaucoup de jeunes, soucieuses de défendre la valeur et l’inviolabilité de la vie humaine depuis sa conception jusqu’à sa mort naturelle. Je serai empêché d’y participer cette année, mais j’encourage volontiers les fidèles du diocèse de Bayonne, qui le souhaiteront et pourront se rendre à Paris, à les rejoindre. J’en profite pour remercier les organisateurs pour la fermeté de leur engagement et je ne doute pas que le Seigneur bénira leur fidélité et leur persévérance.
Les offensives contre la vie
Les offensives contre la vie à naître se sont accélérées au cours du présent quinquennat : adoption de la loi de bioéthique qui prévoit la PMA sans père, au mépris du droit de l’enfant à avoir un père et une mère, l’élargissement de l’autorisation des expérimentations sur les embryons humains, la fabrication d’embryons transgéniques et chimériques… Aujourd’hui, le principal enjeu, c’est la proposition de loi Gaillot, déjà approuvée en seconde lecture à l’Assemblée Nationale, qui revient au Sénat et qui prévoit l’allongement du délai d’accès à l’avortement de 12 à 14 semaines : même des médecins favorables à l’IVG s’insurgent devant cet acte odieux où il faudra écraser le crâne déjà ossifié de l’enfant pour l’extraire ! Il reste que dès la conception, cet embryon est déjà un être humain, comme les progrès de la génétique moderne, dont le Vénérable Jérôme Lejeune fut un pionnier, en apportent la démonstration. Cette proposition de loi ajoute encore la possibilité pour les sages-femmes, dont la vocation est d’aider les femmes à accoucher, de procéder à un avortement chirurgical. Et on entend déjà dire que la GPA et l’Euthanasie reviendront sur le devant de la scène, à l’occasion de la prochaine campagne électorale…
Le drame de l’avortement
Quand l’OMS dénombre 3,5 millions de décès attribués au COVID en 2021 dans le monde (5,4 millions depuis février 2020), que l’on mobilise la société tout entière et que l’on dépense des sommes colossales pour stopper l’épidémie, l’ONU avance le chiffre mondial de 42,6 millions d’avortements pour la seule année 2021 (222 000 en France) ! Quel programme est-il mis en œuvre pour freiner ce qui pourrait s’apparenter à un véritable génocide, quand tous s’accordent pour déplorer le « drame de l’avortement » ? Quelle aide est proposée aux nombreuses femmes qui sont contraintes à interrompre leur grossesse pour des raisons d’ordre économique ou de détresse psychosociale ?
Pour justifier le recours à l’avortement, on en appelle à la liberté individuelle, à travers le fallacieux « mon corps, mon choix », comme si l’embryon n’était pas un « corps étranger » au corps de sa mère dès le premier instant de sa conception et n’avait pas un droit fondamental à naître. Il est bien surprenant, par ailleurs, que ceux qui prétendent bâtir une société libérale libertaire, où le maître-mot demeure depuis les années 60, « jouissons sans entraves », s’insurgent contre la liberté individuelle quand leur programme en est contrarié. Qui ne verrait l’actualité de ces paroles du Pape saint Jean Paul II dans son encyclique Eangelium vitae (1995) :
« De larges couches de l’opinion publique justifient certains crimes contre la vie au nom des droits de la liberté individuelle, et, à partir de ce présupposé, elles prétendent avoir non seulement l’impunité, mais même l’autorisation de la part de l’Etat, afin de les pratiquer dans une liberté absolue et, plus encore, avec l’intervention gratuite des services de santé » (n. 4).
Parler à la conscience des gens
Et si le plus grave n’était pas l’anesthésie des consciences dans la société, voire dans l’Eglise, comme le soulignait encore saint Jean Paul II : « Il n’est pas moins grave et inquiétant que la conscience elle-même, comme obscurcie par d’aussi profonds conditionnements, ait toujours plus de difficulté à percevoir la distinction entre le bien et le mal sur les points qui concernent la valeur fondamentale de la vie humaine » (n. 4) ? Le monde a bien du mal à entendre ce message, car comme l’écrit saint Jean : « Eux, ils sont du monde ; voilà pourquoi ils parlent le langage du monde, et le monde les écoute ; celui qui connait Dieu nous écoute ; celui qui n’est pas de Dieu ne nous écoute pas. C’est ainsi que nous reconnaissons l’esprit de la vérité et l’esprit de l’erreur » (1 Jn 4, 5-6). Nous devons parler à la conscience des gens, car
« Au fond de sa conscience, l’homme découvre la présence d’une loi qu’il ne s’est pas donnée lui-même, mais à laquelle il est tenu d’obéir […] c’est une loi inscrite par Dieu au cœur de l’homme ; sa dignité est de lui obéir, et c’est elle qui le jugera. La conscience est le centre le plus secret de l’homme, le sanctuaire où il est seul avec Dieu et où sa voix se fait entendre » (Gaudium et Spes n. 16).
Comme l’écrit encore saint Jean Paul II :
« Cependant, toutes les influences et les efforts pour imposer le silence n’arrivent pas à faire taire la voix du Seigneur qui retentit dans la conscience de tout homme ; car c’est toujours à partir de ce sanctuaire intime de la conscience que l’on peut reprendre un nouveau cheminement d’amour, d’accueil et de service de la vie humaine » (Evangelium vitae n. 24).
La culture du silence
A juste titre, on a beaucoup reproché aux évêques, dans le passé, de n’avoir pas assez brisé le silence qui entourait, dans l’Eglise comme dans la société, les abus sexuels sur mineurs, parce qu’on n’avait pas assez entendu ni reconnu la souffrance des victimes. Mais les générations futures risquent de nous reprocher notre silence face à ces multiples attentats contre la dignité de la vie humaine ; et le Seigneur pourrait bien nous traiter, avec le prophète Isaïe fustigeant les mauvais pasteurs de son Peuple, de « chiens muets, incapables d’aboyer » (Is 56, 10). Nous ne saurions nous taire quand « la voix du sang de ton frère crie de la terre vers moi » (Gn 4, 10), dit Dieu à Caïn après le meurtre de son frère Abel (cf. Evangelium vitae nn. 7-9). Si nous nous taisons, les pierres crieront (cf. Lc 19, 40).
Un combat spirituel
Ayons bien conscience que l’enjeu n’est pas seulement sociétal mais qu’il est de l’ordre du combat spirituel.
« Nous ne luttons pas contre des êtres de sang et de chair, mais contre les dominateurs de ce monde de ténèbres, les principautés, les souverainetés, les esprits du mal qui sont dans les régions célestes » (Eph 6, 12).
Lorsqu’il y a mensonge et attentat à la vie, c’est toujours le diable qui est à la manœuvre. Jésus le dit très explicitement aux chefs du Peuple juif qui le rejettent :
« Pourquoi ne comprenez-vous pas mon langage ? C’est que vous n’êtes pas capables d’entendre ma parole. Vous, vous êtes du diable, c’est lui votre père, et vous cherchez à réaliser les convoitises de votre père. Depuis le commencement, il a été un meurtrier. Il ne s’est pas tenu dans la vérité, parce qu’il n’y a pas en lui de vérité. Quand il dit le mensonge, il le tire de lui-même, parce qu’il est le père du mensonge » (Jn 8, 43-44).
Aussi, suivons les recommandations de l’Apôtre Paul :
« Puisez votre énergie dans le Seigneur et dans la vigueur de sa force. Revêtez l’équipement de combat donné par Dieu, afin de pouvoir tenir contre les manœuvres du diable […] En toute circonstance que l’Esprit vous donne de prier et de supplier : restez éveillés, soyez assidus à la supplication pour tous les fidèles » (Eph 6, 10-11.18).
Nous sommes dans la main de Dieu, c’est lui qui conduit l’histoire et si nous devons traverser bien des turbulences, soyons sans crainte et dans l’espérance, le Seigneur viendra à notre secours. Prions avec confiance la Vierge Marie : elle est victorieuse de ce combat eschatologique contre la vie mené par le grand dragon, car « Il est rejeté, le grand dragon, le serpent des origines, celui que l’on nomme diable ou satan, le séducteur du monde entier » (Ap 12, 9).
+ Marc Aillet, évêque de Bayonne, Lescar et Oloron