De Marc Alibert, Architecte du Patrimoine, Prix Renaissance des Arts, pour Le Salon beige :
Tout art chrétien est l’expression de la beauté et de la vérité et reflète en quelque sorte le mystère de l’Incarnation par lequel la visibilité du Christ nous introduit dans le domaine de l’invisible. Ce grand mystère est une source intarissable d’inspiration : les Saintes Ecritures représentent un immense atlas iconographique où les artistes continuent à puiser.
Depuis 2000 ans, Celle qui a mis au monde le Rédempteur, Marie de Nazareth, est connue, aimée, chantée, célébrée sur tous les continents plus qu’aucune autre créature ; Elle est la perle du Créateur ; la beauté, la bonté, la pureté, l’humilité et l’amour qui rayonne de Marie peuvent facilement rejoindre toutes les âmes qui cherchent Dieu et veulent donner un sens à leur vie.
Notre monde souffre de l’absence de Beau.
Mais la beauté dépasse le cadre artistique, elle est liée au Bien et au Vrai. L’art participe à quelque chose de surnaturel puisqu’il a pour objet de créer de la beauté ; ce n’est ni une agression, ni un jeu ni une provocation. C’est la reproduction libre du beau, non de la seule beauté naturelle, mais de la beauté idéale, un lien secret entre des solitudes qui s’ignorent, un vieux langage qui nous parle des choses éternelles. Marie est là, toute proche, pour guider les hommes de l’art dans leurs recherches ; les plus grands génies de l’univers ont mis leurs pinceaux et leurs plumes au service de la Très Sainte Vierge.
« les arts confessent Dieu, et tout en cherchant la Beauté, ils trouvent le plus souvent des motifs pour rencontrer la Vérité. » Jean Paul II
Mais comment tirer l’infini du fini ? comment fonder l’objectivité sur la subjectivité, la transcendance sur l’immanence ?
Là est la difficulté de l’art, mais aussi sa gloire : arriver à l’âme par le corps. Ce que l’artiste réussit à exprimer dans ce qu’il crée n’est qu’une lueur de la splendeur qui lui a traversé l’esprit pendant quelques instants. Il contemple l’œuvre de son inspiration, y percevant comme l’écho du mystère de la création, auquel Dieu, seul Créateur de toutes choses, veut en quelque sorte l’associer. Et s’il y a quelque chose de divin dans tout art, c’est parce que justement l’art est une création : c’est le fruit d’un souffle, une étincelle de divinité qui affecte le cœur et les sens.
Une œuvre d’art qui amène les larmes aux bords des yeux ne provoque pas de jouissance, mais dans notre nature exilée dans l’imparfait, elle évoque déjà sur notre terre un paradis révélé. L’art est avec la religion ce qui nous communique le sentiment de l’éternité, et tout œuvre d’où ressort quelque reflet de beauté chante, sans le savoir bien souvent, la gloire du Père.
Marie est là pour purifier et recentrer notre imaginaire ; il n’y a que sous sa protection que l’inspiration est juste. Confions donc notre travail à celle qui est la porte du ciel et nous conduit à son fils.
Nos œuvres ne seront belles que si elles débordent d’un cœur possédé par la grâce :« pour peindre les choses du Christ, il faut vivre avec le Christ. » s’exclamait le bienheureux Fra Angelico.
Le langage de l’art est un langage d’amour : « Je cherche deux notes qui s’aiment… » disait Mozart. La beauté comme la vérité met la joie dans le cœur de l’homme, c’est le fruit précieux qui résiste à l’usure du temps, suscite l’enthousiasme et unit les générations.
Le beau est ce qui nous réunit le plus facilement et le plus mystérieusement.
Aussi pour qu’une œuvre soit belle et délecte l’intelligence, Saint Thomas d’Aquin énumère trois conditions :
- L’intégrité, car l’intelligence ne goûte pas l’être incomplet.
- La proportion, « ce rien qui est tout et donne le sourire aux choses. »
- Le resplendissement, qui laisse transparaître la splendeur de l’âme, la pensée de l’homme, la pensée divine qui s’y reflètent.
Le bon goût, comme la vérité ne s’impose pas, il persuade ; il possède ce privilège de s’inscrire dans la durée. Eduquer à la beauté, à l’admiration, c’est développer la faculté de contempler mais aussi éveiller le sens critique, créer une passerelle entre représentation et signification, apprendre à communier à l’esprit des choses, s’en nourrir, méditer, comparer pour choisir.
C’est aussi apprendre à maîtriser nos sens : car tout ce qui diminue l’homme, ne peut servir l’art, fruit propre de l’homme. En morale, une très haute vertu rayonne toujours de beauté : ne parlons-nous pas d’une belle âme ?
L’œuvre d’art est donc un pont jeté entre Dieu et les hommes, entre le surnaturel et le matériel ; elle doit manifester les choses invisibles par les visibles, nous conduire à l’adoration, à la méditation et nous permettre d’approfondir notre Foi notre Espérance, notre Charité. En art il faut tout aimer : la nature, la science, son prochain.
Prions Marie pour prendre le chemin par lequel on atteint son amour qui fait pleuvoir sur nous ses grâces et dilater les puissances créatrices. Dans un monde de décomposition du sens esthétique et de tâtonnements des expressions artistiques, où l’individualisme semble rejeter l’objectivité du beau, interrogeons nous sur la finalité de l’art. Celui- ci est d’abord le témoignage d’une quête spirituelle car l’art est le beau surnaturel, et les choses ne sont belles qu’en vue du bien, le beau étant lui-même un bien.
Marc ALIBERT