A l'approche de la canonisation de Jean-Paul II, Laurent de Woillemont nous propose de redécouvrir cette ouvrage du pape Jean-Paul II, ouvrage personnel que nous avions déjà évoqué ici :
Ce livre a la particularité d’être le Testament personnel de Jean-Paul II et d'avoir été publié environ 2 mois avant sa mort. Est-ce pour ne pas perturber son pontificat, ni troubler l’Église qu'il a préféré attendre sa fin avant de rendre publique cet ultime témoignage, qui pourtant n'a rien de secret ou de très surprenant. Pas de confession publique, pas de révélation croustillante, désolé, cela il faut le chercher ailleurs. Pas de secret d'Etat révélé ou de tractation secrète mise au grand jour, non rien de tout cela pas plus que de dénonciation millimétrée, non, pas davantage.
Alors pourquoi ne pas l'avoir publié plus tôt ? Peut-être parce que le pape s'exprime à titre privé et qu'il ne veut pas engager les catholiques par un texte très personnel mais parfaitement catholique au demeurant ?
Peu importe. Ce livre a été dicté dans les derniers mois de l'existence de Jean Paul II et le pape n'avait sans doute pas l’énergie pour le présenter et en débattre. Il estimait sans doute aussi que son son appréciation personnelle ne devait pas porter de trouble quant à sa fonction.
Le titre est énorme et il montre là encore le caractère prophétique de cet homme. Car de quoi meurt l’Occident si ce n'est d'avoir perdu sa mémoire et donc de ne plus être en mesure de définir son identité. Ce qui a généré en lui cette effrayante mauvaise conscience, qui permet à tous ses prédateurs de le dépecer sans trop de difficultés, ainsi que l'a rappelé Alexandre Del Valle dans «Le complexe occidental» (que votre blog évoquera prochainement).
On sait la rage antichrétienne qui règne à Bruxelles mais aussi à Paris de Valls à Taubira, la mémoire volée de nos peuples d'Europe au profit d'un consumérisme obligatoire et nihiliste, et l’identité bafouée, moquée, voire «extrême-droitisée», l'assassinat en règle de nos traditions. Et le pape, tranquillement, indique combien cela est mauvais pour nous. Avec beaucoup de calme de force et de certitude. Certes, il voit cela de son point de vue catholique, normal pour le Pape. Mais on sait que sa vision du monde est un peu plus large que celle tous les éclairés, fils de la Lumière ou de la Veuve et qu'elle s'inscrit dans la durée et l’histoire des peuples comme dans le destin surnaturel de chacun.
Sa confrontation avec le Mal, tout au long de sa vie l’amène à le dénoncer clairement tout en nous rappelant : N'ayez pas peur ! Il ne faut pas avoir peur du mal, du péché, des idéologies du mal et ne pas hésiter à lutter contre cette civilisation du mal, une vraie culture de mort.
Ce qui est très émouvant c'est le témoignage de son secrétaire particulier Stanislas Dziwisz qui l'a reçu dans ses bras au moment de l'attentat de la place de Saint Pierre. Il rappelle qu'Ali Agca est un tueur professionnel, qui ne s'est jamais expliqué comment il avait pu rater sa mission. Le pape a longtemps voulu lier cet événement avec les apparitions de Fatima, extraordinaire épiphanie mariale avec la vision de l’enfer par les jeunes enfants et qui se termine par la danse du soleil. Devant 70 000 personnes, dont de nombreux francs-maçons qui ne purent le nier, l'astre lumineux exerça une extraordinaire volte dans l'espace que tout le monde pu constater. Pour le pape, une main avait tiré et une autre avait dévié la balle. De peu. Car le pape, en arrivant à la clinique Gemmeli, avait perdu tout son sang. Une première perfusion s’avéra désastreuse et fut à l'origine des très nombreux problèmes de santé du pape par la suite. Ce que l'on sait moins c'est que devant l'urgence, ce sont les médecins eux mêmes qui donnèrent leur sang pour sauver le pape. Quant à Ali Agça, personne n'entendit de lui cette phrase «Je demande pardon». Il cherchait du coté du secret de Fatima la raison de son échec (p 197) …
Les grands thèmes de ce livre sont la limite imposée au mal, la liberté et la responsabilité, la patrie, l'Europe et les possibilités et risques de la démocratie. Chacun de ces sujet sont abordés sous l'angle de la liberté et du bien des peuples comme du salut personnel des hommes ; on est loin des calculs d’apothicaire de nos irresponsables «politiques».
« A ceux qui sont soumis à l'action programmée du mal il ne reste que le Christ et sa croix comme source d’autodéfense spirituelle comme promesse de victoire». Face au Mal, il reconnaît que « le mal dont on a fait une expérience directe ne s'oublie pas facilement. On peut seulement le pardonner. Et que signifie pardonner sinon en appeler au bien, qui est plus grand que n'importe quel mal.» Pour cela, le pape observe (p 19) que
« l'homme n'est pas capable de se remettre debout tout seul; il a besoin de l'aide de l'Esprit saint. S'il refuse cette aide il commet le péché que le Christ a appelé «blasphème contre l'Esprit» le déclarant en même temps irrémissible (cf Matthieu 12,31). Pourquoi irrémissible ? Parce qu'il exclut en l'homme le désir même du pardon.»
Le pape développe une vision très «orientale» du catholicisme ce qui ne manque pas de nous surprendre. C'est un patriote polonais intraitable ! Il rappelle, par exemple, qu'en Pologne il n'y a pas eu de guerre de religion et il admirait chez ses petits camarades juifs un vrai patriotisme polonais. Il ne peut oublier, en outre, que c'est bien «Jean III Sobiesky qui sauva l'Europe du danger ottoman à la bataille de Vienne (1683)» (p168). Le pape du dialogue avec les musulmans savait aussi dire la vérité.
S'il rappelle l'importance des laïcs c'est aussi pour réitérer l'impératif missionnaire et affirmer à nouveau qu'«il n'a pas été donné sous le ciel d'autre nom que celui du Christ par lequel les hommes puissent être sauvés» (p 141).
Le pape indique enfin que «le risque principal que court l'Europe de l'Est me semble être un obscurcissement de son identité». La tentative de déstabilisation de l'Ukraine par les forces obscures de l’Occident semble bien le confirmer. Mais le drame est que c'est bien plutôt la partie occidentale de l'Europe à qui s’adresse cette inquiétude.
Voilà un livre qui pourrait s'intituler «bréviaire pour une Europe déracinée». Un livre d'une cruelle actualité et qu'un éditeur intelligent se devrait de rééditer en urgence. Avec la certitude de trouver beaucoup de lecteur.