Les journalistes de propagande sont décidément une espèce curieuse. Un dénommé François Krug – dont j'avoue à ma honte que je n'avais jamais entendu parler avant qu'il se mette en tête de faire un "papier" sur moi – vient de publier un article assez farfelu sur votre serviteur, dans ce que l'excellent Serge de Beketch appelait le "vespéral quotidien trotskiste de référence": j'ai nommé "Le Monde" soi-même.
Cet article est bizarrement intitulé: "Jean-Marie Le Pen édité par un catholique ultra". C'est moi, au cas où vous ne m'auriez pas reconnu! Comme je viens de le dire à nos confrères de Délit d'images, je suis bien un peu embarrassé par ce titre. A ma connaissance, Saint Louis ou saint Thomas d'Aquin, les plus belles figures du plus beau siècle de la civilisation, n'ont jamais été qualifiés d'ultra. Ils auraient pourtant un peu plus de titre que moi à ce qualificatif (j'ai beau être à la tête d'un empire médiatique gigantesque, si j'en crois la große presse, je garde encore un vague sens des réalités… à moins que ce ne soit simplement le sens du ridicule!).
"Catholique ultra", ça fait un peu celui qui coche toutes les causes pour la canonisation par acclamation – et, je ne vais pas vous dire ce qui meuble mes confessions, mais enfin, ça me paraît un tantinet prématuré. Donc, oui, à mon grand regret, il va falloir que j'en rabatte, car il n'est pas absolument certain que M. Krug ait le pouvoir de me canoniser de mon vivant. Dommage, ça m'aurait bien plu: la montée au ciel sur un char de feu, pour éviter la mort et la corruption, comme le prophète Elie…
Bref, je suis resté en arrêt devant ce titre loufoque. Mais la suite est de la même eau.
D'abord, il y a "l'angle" de l'article, selon le jargon médiatique. Franchement, il faut être "perché", comme on dit de nos jours, pour faire un article sur les mémoires de Jean-Marie Le Pen… sans rien dire, ou presque, ni de Jean-Marie Le Pen, ni du bouquin – qui vaut le détour, je vous le garantis! Quel intérêt y a-t-il à parler d'un éditeur inconnu qui, dans cette affaire, n'est évidemment qu'un prestataire de service? Il est bien clair, même pour le plus ignorant des usages de l'édition, que ce bouquin ne devra son succès qu'à la signature de l'auteur, à la qualité de son style, et à la vie impressionnante qu'il a vécue. Un demi-siècle d'histoire de France vu par un observateur de premier plan, voilà ce qui est intéressant. Pas que Guillaume de Thieulloy soit l'éditeur.
Mais, naturellement, je comprends que M. Krug ne soit pas pressé de se confronter avec cette histoire, ni avec son auteur. Car peut-être alors devrait-il reconnaître que Jean-Marie Le Pen n'a pas totalement tort sur sa dénonciation des mensonges communistes relatifs à la Seconde Guerre mondiale. Peut-être faudrait-il reconnaître que la droite traditionnelle a toujours défendu le peuple et les "petits" (le récit des années Poujade est particulièrement intéressant à ce point de vue): la défense des libertés économiques n'a jamais empêché de s'opposer à la financiarisation de l'économie, ni à la création de monopoles – tandis que, bien souvent, la gauche s'arrange avec les trusts et les milliardaires. Peut-être aussi faudrait-il reconnaître que la Ve République naissante s'est chargée d'un véritable crime contre l'humanité à l'encontre des musulmans algériens qui nous avaient fait confiance.
En un mot, peut-être M. Krug aurait-il dû reconnaître que l'histoire en noir et blanc que nous racontent ses collègues est purement et simplement le fruit de leur imagination fertile!
Donc il s'occupe de moi. Et il y va de bon coeur. Non seulement "catholique ultra", mais aussi "directeur d'une lettre d'information islamophobe". Manque de chance, les archives du très sérieux quotidien du soir (qui n'en est pas, il est vrai, à sa première "fake news") ne sont pas à jour: la lettre d'information en question ne paraît plus depuis des années. Au demeurant, ça veut dire quoi exactement "islamophobe"? Et cette "phobie" ne jure-t-elle pas de qualifier des "informations"? Soit c'était une lettre d'information et elle ne pouvait pas être "phobique", soit c'était une publication "islamophobe", mais alors ça ne pouvait pas être une "lettre d'information"? D'ailleurs, chers amis lecteurs, j'ai un scoop pour vous. Même si j'ignore tout de M. Krug, je peux vous dire avec certitude qu'il s'agit d'un "islamophobe" convaincu. Quelle horreur! Même au "Monde"? Et oui, même au "Monde". Car figurez-vous que, selon toute vraisemblance, M. Krug considère que l'esclavage, c'est mal. Paf! C'est contre le coran. C'est donc de l'islamophobie, au sens de l'Organisation de la conférence islamique. Il y a, encore aujourd'hui, des fatwas pour préciser que l'on ne peut pas dire que l'esclavage soit un mal, puisque Mahomet, le "bel exemple", l'a abondamment pratiqué. M. Krug pense aussi sans doute que les femmes ne sont pas des bêtes de somme que leurs "mahrams" peuvent exploiter à leur guise. Jackpot! Ca aussi, c'est de l'islamophobie. Peut-être même que M. Krug croit que la terre est ronde. Aïe, aïe, aïe: le cheikh Aziz ibn Baz, ancien grand mufti d'Arabie saoudite, est formel, c'est de l'athéisme, de l'apostasie, et cela se punit de mort. Bienvenue au club des islamophobes, caramade Krug! Vous verrez, on s'y fait: au début, on écoute encore un peu les journalistes "mainstream" réprobateurs et puis on passe à autre chose; la vie est courte.
En tout cas, je dois des remerciements à mon nouvel agent publicitaire: grâce à lui, les lecteurs du "Monde" savent désormais qu'ils peuvent aussi acquérir chez nous le fameux "petit livre rose" des amis Dozoul et d'Aumale: "10 (très) bonnes raisons de restaurer la monarchie". Prenez tout de suite vos tickets pour la cérémonie du sacre à Reims, tant qu'ils sont encore à un prix abordable: si la presse "mainstream" se met à parler de restauration, ça risque d'être l'embouteillage et quand on parlera, dans quelques années, de restauration rapide, plus personne ne se souviendra que, dans les années 2018, c'était synonyme de "mal bouffe"!
Dans cette vaste rigolade journalistique, la seule chose qui m'ait peiné, ce sont les citations du colonel Muller qui m'a vendu sa maison d'édition: catholique pratiquant, ancien d'Algérie, chef d'entreprise, c'est peu dire que je pense partager davantage avec lui qu'avec M. Krug et ses petits camarades. Mais j'entends l'entretien d'ici: Alors vous connaissez Thieulloy? Vous aussi, vous êtes nazi? Islamophobe? Avez-vous financé des ratonnades? Non? Alors dites-moi tout le mal que vous pensez de cet obscurantiste nauséabond… Quand on n'a pas eu affaire avec cette profession de voyous, ni avec ces méthodes de petit flic de la pensée, on n'imagine pas avec quelle facilité déconcertante, ils vous font d'un silence, d'une hésitation, un acte d'accusation.
Mais cette ombre est rapidement évacuée à la lecture – involontairement désopilante – de la phrase accusatrice: "Guillaume de Thieulloy n'a pas souhaité répondre à nos questions". Ben tiens! Un adversaire politique m'envoie un courriel comminatoire (après avoir essayé tous les moyens de me "cueillir" à l'oral où, évidemment, il est moins risqué de me faire dire éventuellement l'inverse de ce que j'ai dit) avec une vingtaine de questions pressantes. Et il s'étonne que je ne défère pas séance tenante à ses désirs! Un peu comme si, moi, j'envoyais une liste de questions à Mélenchon en le sommant de me dire tout de suite combien il gagne, d'où vient l'argent et quels sont les numéros de compte de ses mécènes et que je m'étonne ensuite de me faire envoyer aux pelotes! Et je dis bien: adversaire politique pour désigner M. Krug. Car les journalistes de la presse de propagande sont des narrateurs distants de la vie contemporaine; non ils sont bel et bien des militants politiques – ou des collabos pour ceux qui ont moins de convictions. Plus ou moins assumés: il y a certes une gradation entre François Krug et Caroline Fourest, mais, bien sûr qu'il s'agit de militants politiques. Et ce n'est pas moi qui leur jetterais la pierre s'ils assumaient. Ce que je ne supporte pas, c'est leur hypocrisie (et, de ce point de vue, bien que Mme Fourest soit évidemment une adversaire, elle me semble considérablement plus honnête que ses confrères).
Eh bien non, camarade Krug, navré de vous l'apprendre: je ne vois aucune raison de vous répondre. Et l'aura du "Monde", qui fait peut-être rêver les midinettes dans les écoles de journalisme, me laisse de marbre (figurez-vous qu'ayant lu quelques bouquins sur votre "canard", de celui de Péan à celui de Madiran, j'ai quelques idées sur votre "neutralité"). Oui, aussi scandaleux que cela puisse vous paraître, j'ai préféré répondre à un autre quotidien du soir: "Présent". Comme "Le Monde", "Présent" a une idéologie, mais au moins ils l'assument et ils ne prétendent pas être neutres, ni, moins encore, être les arbitres de toutes les élégances culturelles et morales de la place de Paris.
Mais, en un sens, il y a plus grave et M. Krug le sent confusément: il est de l'ancien monde, celui où "Le Monde", précisément, pouvait faire et défaire les réputations et les carrières. Aujourd'hui, en dehors de quelques fonctionnaires, plus personne ne lit cette feuille de chou et cela, manifestement, perturbe notre journaliste. Au passage, petite leçon de choses: dans le nouveau monde, quand on veut s'opposer à quelque chose ou à quelqu'un, comme M. Krug voulait manifestement le faire pour moi, le mieux est de n'en point parler. Car être attaqué par la presse "mainstream", sur internet, est un gage de fiabilité. Un peu comme avoir les discutables honneurs du Decodex est la preuve qu'on n'est pas vendu à l'oligarchie. Merci, camarade, pour votre coup de pouce à ce joli coup éditorial et bienvenue dans le nouveau monde!
Guillaume de Thieulloy
Directeur du Salon beige