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Scoutisme

Messager du meilleur

Messager du meilleur

Chronique scoute d’Hermine parue dans la revue “Europa scouts” de juin 2024, par Rémi Fontaine :

« Comme ils sont beaux sur les montagnes, les pas du messager, celui qui annonce la paix, qui apporte la paix, qui apporte la bonne nouvelle, qui annonce le salut, et vient dire à Sion : “Il règne ton Dieu !”»  (Is 52, 7)

Dans Parole de scout (éditions Sainte-Madeleine, 2007), au chapitre « Au moins 5% de bon » (p. 45), je relatais cet échange émouvant de correspondance entre un prêtre et un aumônier de prison. Le premier demandait au second de visiter un jeune détenu de 17 ans en transit à Fresnes pour lui donner une missive et lui dire combien il le portait dans sa prière et aurait souhaité le rejoindre avant Noël, le comprendre sans haine… malgré le fait horrible qu’il avait tué sa propre sœur et son fils de 16 ans.

On ne sait pas pourquoi, le prêtre ne reçut pourtant pas la réponse de l’aumônier. Je le sus bien des années plus tard par sa petite nièce, Florence, qu’il avait baptisée et préparée à la première Communion, comme il avait reçu sa Promesse puis deviendra son aumônier lorsqu’elle sera cheftaine de Compagnie. On avait bien sûr raconté à Florence cette dramatique histoire familiale de sa grand’ tante Marinette, assassinée en 1978 avec son fils de seize ans par une relation de ce fils à qui des calomnies terribles avaient été contées. Le grand oncle en question, l’abbé Maurice Bolze, avait une profonde affection pour sa sœur cadette et son neveu qui étaient d’honnêtes personnes, sans histoires. Il confiera lui-même à sa petite nièce, lorsqu’elle eut une vingtaine d’années, qu’il avait écrit à leur assassin pour lui dire qu’il lui pardonnait et peut-être davantage, car elle n’a pas eu le contenu de cette lettre et sa mémoire fait défaut. La démarche du prêtre alors encore relativement jeune avait dû être faite vers 1980. Mais il lui dit aussi qu’il n’avait jamais eu de nouvelles de cet envoi et de son destinataire…

Ce n’est que plus tard, alors qu’elle est cheftaine de Compagnie que Florence lit Parole de scout. Bien qu’aucun nom ne soit cité, elle reconnaît le récit familial. Mais elle découvre aussi avec émotion la réponse de l’aumônier de Fresnes et l’impact qu’avait eu la lettre de son grand oncle sur le jeune criminel (j’avais eu moi-même connaissance de cette correspondance parce qu’elle était rapportée par l’évêque du lieu dans son bulletin diocésain d’après sans doute le témoignage de l’aumônier de prison). Alors âgé de plus de 80 ans, l’abbé Bolze n’en savait toujours rien ! Avec quelle joie Florence se hâta-t-elle de partager avec lui cette heureuse découverte : « Je crois que pour lui cela a été un cadeau et une bénédiction. » Relisons-là ensemble :

« Mon frère prêtre, tu m’as demandé d’être le messager de ton pardon auprès du jeune qui a tué ta sœur et son enfant. Moi, qui, en ce carrefour de la dégradation humaine, suis tou­jours le témoin du pire, tu m’as demandé d’être le messager du meilleur… Je lui ai lu ton message… Il a pleuré. Il a tant san­gloté que j’en étais bouleversé. Ton pardon venait de l’Évan­gile, il venait de Dieu… On ne résiste pas au pardon de Dieu.

« Ce pauvre garçon n’a jamais été éveillé à aimer, mais il est capable d’aimer. Peut-être l’as-tu fait naître à l’amour en l’aimant assez pour ne pas le rejeter… Lui qui n’a connu com­me père que les amants successifs de sa mère. Figure-toi que l’autre jour, en parlant de toi, il m’a dit : “Mon père qui m’a pardonné.”

« Tu ne l’as pas enfermé dans la mort de la douleur. Tu l’as aimé au-delà de ta douleur. L’amour est générateur de vie. Dans le milieu de pourrissement qu’il connaîtra, tes sentiments exprimés seront le rayon qui l’empêchera de sombrer dans le désespoir. »

Voici donc les circonstances et la suite de cette chronique d’Hermine tels qu’ils m’ont été rapportés par Florence bien des années après comme un clin d’œil de la Providence, un clin-Dieu comme on dit ! En lui portant cette bonne nouvelle dans sa vieillesse, elle-même avait été pour son oncle la messagère du meilleur. Elle ne cache pas combien il a marqué sa vie de chrétienne, depuis sa première communion – « ne me laissant, du haut de mes six ans, aucun doute sur la Présence réelle du Christ dans l’hostie » – en passant par la bénédiction de ses fiançailles, ainsi jusqu’à sa mort : « Il s’attristait un jour, alors qu’il était alité à plus de 90 ans, de ne pouvoir dire sa Messe quotidienne (fidélité à laquelle, je pense, il n’a jamais dérogé) en présence d’une personne au moins. » Avec son frère Louis Bolze, routier scout fidèle jusqu’à la mort à sa Promesse et à la Route, ces deux éclaireurs ont profondément marqué la guide, la cheftaine et la mère de famille : « Ils étaient chrétiens et fidèles et j’espère les suivre sur ce chemin et transmettre cela à mes enfants. »

Le père Maurice Bolze s’est endormi dans l’espérance de la résurrection le dimanche 20 janvier 2019 à l’âge de 93 ans dans la 69ème année de son ordination. Il « était un homme de caractère, de prière, un peu “bourru”, mais aussi de bonté de cœur et de grand investissement pastoral », précise sobrement le communiqué de son diocèse. « Il a également été un aumônier scout qui a marqué des générations de jeunes grenoblois. » Honneur à ce messager scout du meilleur !

Hermine

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