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Pays : Arménie

Mgr Vahan Hovhanessian, une parole libre

Mgr Vahan Hovhanessian, une parole libre

Un article d’Antoine Bordier :

Primat du diocèse arménien apostolique de France, depuis 2014, Mgr Vahan Hovhanessian évoque ses années vécues à Bagdad, New York, Londres et Paris. Il parle, également, de l’Arménie et du conflit dans le Haut-Kharabakh avec l’Azerbaïdjan. Il reste « impressionné par la foi de Poutine ». Eclairage sur un homme libre qui parle, également, de la laïcité et de la pandémie.

A Paris, sous la grisaille hivernale, située à quelques centaines de mètres de l’avenue des Champs-Elysées, se trouve la cathédrale Saint Jean Baptiste. C’est là, dans ses bureaux, que nous reçoit Mgr Vahan Hovhanessian. Né à Bagdad, en 1963, il fait partie de la diaspora arménienne. Il a un frère et deux sœurs. Son père, Avedis, et sa maman, Seta, sont nés, également, à Bagdad. Il explique que la communauté arménienne est présente en Irak depuis le 8è siècle. Du côté maternel, l’histoire du génocide est omniprésente. Il raconte :

« mes grands-parents ont été déportés lors du génocide. Le village de ma grand-mère s’appelle Malatia, il se trouve depuis en Turquie. Si vous vous y rendez, vous pourrez voir qu’il existe, encore, des maisons arméniennes. A l’âge de 12 ans, ma grand-mère est partie avec toute sa famille à pied de Malatia. Ils ont mis plusieurs semaines pour rejoindre le nord de l’Irak. Ils risquaient leur vie tous les jours. Le génocide est le résultat d’un monde qui va à sa perdition. Car les Turcs et les Arméniens vivaient en harmonie, il n’y avait aucun problème. Le génocide est, principalement, dû à des intérêts politiques et financiers contre les Arméniens. »

Le massacre des Arméniens dans l’Artsakh

Dans l’Artsakh, le Haut-Kharabakh, de nombreux conflits ont opposé l’Azerbaïdjan et l’Arménie. Ce territoire de 11 435 km2 (équivalent à 2 départements français) s’est auto-proclamé en République en septembre 1991. 20 ans plus tard, lors d’une guerre-éclair, en 45 jours, les soldats arméniens sont laminés. La population est chassée de ses terres ancestrales. Cette guerre a été gagnée grâce à l’utilisation massive de drones, à l’appui de la Turquie, aux renforts de mercenaires et à l’action d’Israël. Mgr Vahan explique que

« la géopolitique est très complexe dans la région du Caucase. La Russie et l’Iran sont proches de l’Arménie, alors qu’Israël soutient l’Azerbaïdjan. De plus, je reste choqué par une certaine apathie des gouvernements occidentaux. Ils n’ont pas bougé le petit doigt. Le seul à avoir bougé est Vladimir Poutine. Mais, il est intervenu tardivement. La France, l’Allemagne, l’Angleterre n’ont rien fait. Ils sont restés attentistes. Il y a eu quand même plusieurs milliers de morts, et, de nombreuses exactions. Des enfants, des familles, des villages entiers ont été bombardés. Nos églises ont été pillées. Après le 1er génocide, celui de 1915, la même barbarie se répète encore aujourd’hui. De plus, on utilise la religion comme bouc-émissaire. On veut opposer les chrétiens aux musulmans. »

Le primat qui a de nombreux amis musulmans en Irak, s’étonne encore que les médias résument ces conflits à des guerres de religion.

« Il s’agit d’une manipulation des religions. Mais l’objectif est de conquérir des territoires et d’unifier l’Azerbaïdjan et la Turquie. »

L’Arménie, l’Irak, les Etats-Unis, l’Angleterre, et la France

Mgr Vahan Hovhanessian connaît ces pays par cœur. A Bagdad, alors qu’il n’a pas encore la vocation, il continue ses études à la Faculté d’Electrotechnique de l’Université de Bagdad. Il en sort avec un diplôme d’ingénieur en poche. Ses années d’études lui ont permis de faire germer sa vocation. En 1986, il quitte l’Irak pour les Etats-Unis. Il rentre au Séminaire Saint-Nersèss de New-York et commence un master en théologie à l’Institut saint Vladimir. En 1989, il rentre à Bagdad. Il est ordonné les 2 et 3 juillet 1990 dans la cathédrale Saint-Grégoire l’Illuminateur. Son rêve ? Fonder une communauté monastique. Après son ordination, il retourne à New-York et commence une nouvelle thèse de doctorat en théologie, après avoir soutenu celle sur l’Eglise arménienne. En 1999, il devient doyen du Séminaire saint Nersèss, et, recteur de la paroisse des Saints Martyrs de New-York. En 2009, il est élu primat d’Angleterre. Puis, en 2014 primat de France. Il aime comparer ces pays sur le sujet de la laïcité.

« En Angleterre, il n’y a pas de laïcité. Il n’y a pas de séparation entre l’Etat et l’Eglise anglicane. En même temps le pouvoir religieux influence peu sur la vie politique, même si des évêques siègent à la Chambre des Lords. Aux Etats-Unis, il y a une laïcité. La séparation est très claire. Cependant, les politiciens sont très impliqués dans les églises. Et, par ce biais, il existe une vraie influence du religieux, notamment, sur les questions d’avortement. En France, la laïcité est plus dogmatique, idéologique. La religion est strictement limitée à la vie privée. Et, les responsables religieux n’ont pas le droit de parler, de s’exprimer, d’influencer sur la vie politique. En Arménie, la religion est omniprésente, même si l’Etat est laïque. Les deux vivent en harmonie ».

« Je suis impressionné par la foi de Poutine »

Homme visionnaire, il comprend, aussi, les enjeux géopolitiques. Il reparle du conflit.

« Je suis impressionné par la foi de Poutine, même s’il a ménagé l’Azerbaïdjan, il a permis un cessez-le-feu. Il respecte les religions et l’orthodoxie. Il y a un an, en novembre 2019, il a rencontré le patriarche de Jérusalem, Théophile III, et le patriarche de Moscou, Cyrille. Je ne sais pas si nous pouvons parler de conversion. Mais, il est clair qu’il souhaite garder une véritable proximité avec la religion orthodoxe. Je ne pense pas qu’il souhaite que la Turquie et l’Azerbaïdjan se réunissent lors d’une prochaine guerre-éclair. Face à cette expansion possible, l’Arménie reste le verrou qu’il tient fermé. »

Mgr Hovhanessian nous fait visiter sa cathédrale. Nous prions ensemble, c’est la semaine de l’unité entre les chrétiens. Il conclut nos échanges en parlant de la pandémie :

« Le virus a tout séparé. Dans notre communauté, dans les familles, dans la société nous ne nous embrassons plus. La charité et la vie fraternelle sont figées. C’est un signe de notre temps qui touche le monde entier et que nous devons prendre en compte. Le Seigneur est toujours-là. Il frappe de nouveau à notre porte. Nous nous pensions à l’abri de tout danger. Et, pourtant nous sommes vulnérables. Nous avons besoin de revenir à la source. En France, il existe une réelle déchristianisation. Nos mœurs émancipées nous ont détourné de Dieu, de nos frères et sœurs. Nos familles sont éclatées, les couples se déchirent et ne prient plus. Nos églises se vident au rythme de nos divisions, de nos reniements, de nos trahisons. Nous devons revenir à Dieu de tout notre cœur. Lui seul peut nous sauver. Il est la vie. Et, Il nous demande de la transmettre avec foi, dans la vérité, en étant charitable. »

Texte et photos réalisés par Antoine BORDIER

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