Les cheveux grisonnants relevés par une simple pince, les habits sombres éclairés par l’unique bijou de cette mère en deuil : un médaillon à l’effigie de son fils disparu, Nizar nous reçoit en sa demeure très modeste. La famille n’est pas riche. Le mobilier est bringuebalant. J’observe cet intérieur et m’étonne même de constater que le vaisselier dont le pied du bas est cassé tient encore debout alors qu’il penche dangereusement vers le sol.
Au mur un portrait d’Haziz, simple maçon dont le visage doux laisse deviner un homme au tempérament calme. Sa mère cherche ses mots, laisse le temps passer entre deux respirations pour décrire son fils qui n’est plus : « il avait bon cœur, il était tendre, toujours prêt à aider les autres ». A peine son service militaire fini, son devoir l’appela à rejoindre la défense nationale.
Eli son plus jeune frère est aussi engagé. Le jour du nouvel an, il a été blessé par une roquette. C’est claudiquant qu’il nous rejoint pour le café. Son seul espoir est de pouvoir vite guérir afin de nouveau combattre avec ses frères d’armes. Il n’a pourtant pas grandi pour cela, lui qui a quitté l’école à douze ans pour travailler au côté de son père en tant qu’ouvrier.
En 2014, Haziz était un militaire engagé auprès de Monsieur Simon. Les attaques terroristes étaient aussi vives qu’aujourd’hui à Mhardeh. Et c’est pour défendre les frontières de sa ville et protéger ses habitants qu’il est tombé sous les balles ennemis. Il avait eu pour mission d’aller retirer les points militaires anciennement occupées par les terroristes non loin de l’est de la ville. Lors de cette échappée, ils se font abattre par des lance-roquettes. Parmi ceux qui ne sont jamais revenus figurait pour l’éternité le prénom d’Haziz.
Le troisième fils de cette famille est soldat de carrière dans l’armée arabe syrienne. Depuis neuf ans, il est en poste aux alentours de Homs. Comment un cœur de mère peut-il endurer de voir ses fils risquer leurs vies à chaque instant alors même que l’un d’entre eux l’a brisé à jamais ? D’un regard timide, Nizar cherche du réconfort dans les yeux de Madame Rima, la seule parole qu’elle pourra nous rendre est que ses fils ont fait, font et feront leur devoir. Il faut défendre le pays. Tout mettre en œuvre pour que leur ville reste chrétienne. « Que Dieu soit avec nous » finit-elle !
La misère palpable de cette famille m’a ému. Chaque meuble de la maison garde une cicatrice du passé à l’image de ces cœurs meurtris mais qui restent debout. Heureusement Dieu donne à ces familles la force de supporter la misère d’une âme blessée par la perte d’un enfant.
Les missiles, les roquettes ne sont pas l’unique malheur de Mhardeh. Chaque enfant perdu, chaque pleur marquent un peu plus l’identité de cette ville, qui n’est pas destinée à souffrir ! Et quand je leur demande s’ils ont confiance en l’avenir, ils se retrouvent dans l’impossibilité de répondre à ma question. Un seul « Inch’Allah » sera entendu et c’est un tir de missile qui clôturera notre échange. Nous sommes bien à Mhardeh où la guerre est visible, vivante et terrifiante.
Le silence tue Mhardeh, votre action la sauvera, faites un don !