L’essayiste et philosophe Michel Onfray sort un livre dans lequel il dresse une théorie de la dictature en s’appuyant sur l’œuvre de George Orwell. Il y affirme que nous sommes entrés dans un nouveau type de société totalitaire qui détruit la liberté, abolit la vérité ou bien nie la nature. Il explique dans Famille chrétienne :
[…] La dictature a un long passé. Elle tient son nom de Rome où l’on donnait à un homme les pleins pouvoirs afin de résoudre un problème, pleins pouvoirs qu’il rendait d’ailleurs sans coup férir une fois la mission accomplie. La dictature a quitté l’orbe occidental avec l’empereur de Mongolie Gengis Khan au XIIe-XIIIe siècle ou avec Tamerlan, l’émir de Transoxiane au siècle suivant. Elle revient en Europe avec Savonarole au XVe siècle, puis avec Cromwell, Calvin, Robespierre et son Comité de salut public, etc.
Or, la plupart du temps, on pense la dictature en regard des fascismes bruns ou rouge de Hitler, Lénine, Staline, Mao, Pol-Pot. Notre incapacité à envisager la chose à partir des longues durées nous contraint désormais à ne plus savoir penser la question de la dictature en dehors de notre passé le plus récent. Or, Hitler et Staline ne sont pas la mesure éternelle et hors histoire de la dictature.
Pourquoi vous êtes-vous appuyé sur l’œuvre d’Orwell pour théoriser la dictature ?
Je pose l’hypothèse qu’Orwell est un penseur politique à l’égal de Machiavel ou de La Boétie et que 1984 permet de penser les modalités d’une dictature postnazie ou poststalinienne, et ce dans des formes dont j’examine l’existence dans notre époque.
Quand il m’a fallu synthétiser mon travail, j’ai proposé le schéma d’une dictature d’un type nouveau. Elle suppose un certain nombre d’objectifs : détruire la liberté ; appauvrir la langue ; abolir la vérité ; supprimer l’histoire ; nier la nature ; propager la haine ; aspirer à l’Empire.
Comment cela se décline-t-il ?
Pour détruire la liberté, il faut : assurer une surveillance perpétuelle ; ruiner la vie personnelle ; supprimer la solitude ; se réjouir des fêtes obligatoires ; uniformiser l’opinion ; dénoncer le crime par la pensée.
Pour appauvrir la langue, il faut : pratiquer une langue nouvelle ; utiliser le double-langage ; détruire des mots ; oraliser la langue ; parler une langue unique ; supprimer les classiques.
Pour abolir la vérité, il faut : enseigner l’idéologie ; instrumentaliser la presse ; propager de fausses nouvelles ; produire le réel.
Pour supprimer l’histoire, il faut : effacer le passé ; réécrire l’histoire ; inventer la mémoire ; détruire les livres ; industrialiser la littérature.
Pour nier la nature, il faut : détruire la pulsion de vie ; organiser la frustration sexuelle ; hygiéniser la vie ; procréer médicalement.
Pour propager la haine, il faut : se créer un ennemi ; fomenter des guerres ; psychiatriser la pensée critique ; achever le dernier homme.
Pour aspirer à l’Empire, il faut : formater les enfants ; administrer l’opposition ; gouverner avec les élites ; asservir grâce au progrès ; dissimuler le pouvoir.
Qui dira que nous n’y sommes pas ? […]
La théorie du genre est-elle le produit d’une société totalitaire ?
Elle est le produit d’une société dont l’objectif est de mener une guerre totale à la nature afin de faire de telle sorte que tout, absolument tout, devienne artefact, produit, objet, chose, artifice, ustensile, autrement dit : valeur marchande. C’est, à l’horizon centenaire, la possibilité d’un capitalisme intégral dans laquelle tout se produira, donc tout s’achètera et tout se vendra. La théorie du genre est l’une des premières pierres de ce pénitencier planétaire. Elle prépare le transhumain qui est l’objectif final du capitalisme – autrement dit : non pas la suppression du capital, comme le croient les néo-marxistes, mais son affirmation totale, définitive, irréversible.
En ouvrant la PMA aux couples de femmes, la filiation biologique serait remplacée par une “filiation d’intention”. Selon vous, cela participerait-il à l’instauration d’une société totalitaire, comme c’est le cas dans 1984 ?
C’est à intégrer dans ce processus de dénaturation et d’artificialisation du réel. On nie la nature, on la détruit, on la méprise, on la salit, on la ravage, on l’exploite, on la pollue, puis on la remplace par du culturel. Par exemple, avec les corps : plus d’hormones, plus de glandes endocrines, plus de testostérone, mais des perturbateurs endocriniens tout de même ! Allez comprendre… Ou bien encore des injections hormonales pour ceux qui veulent changer de sexe. Cette haine de la nature, cette guerre de destruction déclarée à la nature, est propédeutique au projet transhumaniste. […]
Collapsus
Son analyse est intéressante. Dommage qu’elle soit bridée par son athéisme qui la prive d’une dimension plus eschatologique.
DUPORT
Oui c’est bien une dictature et nous attendons la libération.
France Fougère
On a incité à trouver n ‘importe quel nom – ou mot – comme prénom, alors qu’il y avait une cohésion autour des Saints.
D ‘ailleurs, dans certains éphémérides, l ‘indication “saint ” est supprimée.
Ainsi : Jean Paul II – et non : Saint Jean Paul II.
Rectifions, protestons chaque fois qu’il le faut.
Magistro78
Belle démonstration M. Onfray mais quelle solution ?
A part la philosophie chrétienne, j’ai du mal à voir.
Il est vrai qu’avec notre Pape qui s’est lancé dans l’élevage de loups dans un coin de la bergerie il y a de quoi être inquiet.
François 1er est bien le premier roi chrétien à avoir fait l’alliance de revers avec le Grand Turc. A chaque époque son François 1er mais vivement qu’on retrouve un Pie XIII.
chrisfree
Devient il de plus en plus sage ? P.P.L.
Pitch
Onfray est sur la bonne voie, comme le scribe auquel le Christ confie : “tu n’es pas loin du royaume de Dieu”. Qui sait, il s’est peut-être secrètement converti ?
CB
Michel Onfray fait partie du comité d’honneur de l’ADMD qui propose une loi visant à “légaliser l’euthanasie et le suicide assisté”.
https://www.admd.net/qui-sommes-nous/une-association-humaniste/comite-dhonneur-de-ladmd.html
Remy
Remarquable analyse et propos très pertinents de Michel ONFRAY, qui met des mots précis sur ces maux que nous subissons.
Il aurait pu ajouter dans les objectifs déclinés :
Détruire la famille, donc les premiers liens biologiques et naturels de tout humain
Détruire la Patrie, donc l’appartenance à un groupe culturel, les liens sociaux, …
Détruire la religion, principalement chrétienne, donc ce qui peut rassembler des cultures différentes, et ce qui coupe l’humain de sa dimension spirituelle, son questionnement sur l’au-delà, caractéristique principale qui le distingue des animaux.
mouette
@magistro18 : magistral en effet “l’élevage de loups dans un coin de la bergerie”, très bien trouvé !
Heracles
Oui dans son résumé, fort lucide par ailleurs, il est obligé de faire pas mal de contorsions pour éviter de parler de chrétienté…
Mais avec l’âge, la souplesse de M. Onfray sera amenée à décliner… se rendra-t-il un jour, enfin, à l’évidence chrétienne ?
Chantal de Thoury
Il y a une oeuvre en 2 tomes que je conseille vivement de lire que j’ai offert a Noël a mon dernier petit fils de 16 ans lisible de 15 à 95 ans et plus.
Il s’agit des livres “Louis et le drole de genre” et ” Louis et le bonheur pour tous” de Christine Voegel Docteur en genie chimique qui les a ecrits en lanceur d’alerte en faisant des projections vers le futur en evaluant toutes les consequences perverses et effrayantes que genereront toutes les decouvertes de laboratoire dans le domaine de la procreation et de la recherche d’une vie prolongee outre mesure par des greffes regulieres d’organes generant des pratiques profondements mortiferes dans la Société pour se fournir en organes a greffer.
Je vous invites fortement a lire ses deux romans pastionnants et remplis malgre tout d’espoir….l’Auteur est profondement chretienne et l’Esperance est cultivée tout au long de ses deux livres.
A mettre entre toutes les mains de nos jeunes et moins jeunes.ces livres rejoignent une partie des analyses de Onfray.
Grégoire
Une des caractéristiques de ce totalitarisme est sa lenteur : habitué aux régimes durs qui se mettent en place en quelques mois ou quelques années, nous relativisons les petits signaux qui sont les symptômes d’un processus qui prends plusieurs dizaines d’années, piloté par des volontés qui ne mettent en œuvre, à chaque génération qu’une fraction du plan nihiliste. La grande leçon des totalitarisme païens du XXème est qu’ils ont été combattus car démasqués par la partie du monde qu’ils ne dominaient pas encore.
Dès lors, par son nouveau visage, le TOTALITARISME LENT se joue de notre mémoire car il avance au rythme du progrès technique, laissant croire qu’il en est le moteur et préférant progresser lentement partout que rapidement mais partiellement.
philippe paternot
merci michel onfray
Collapsus
@Grégoire
Vous connaissez sûrement l’expérience de la grenouille que l’on essaie de tuer soit dans de l’eau bouillante (dans ce cas, elle jaillit hors de l’eau) soit dans de l’eau tiède qu’on porte doucement à ébullition (et là, elle se laisse lentement mourir).
Nous sommes sans aucun doute dans la 2°alternative, la plus redoutable.
Morin
J’ai trouvé cette entrevue très positive, oubliant que Michel Onfray est membre d’honneur de l’ADMD et très favorable à l’euthanasie.
Cela aurait été important de le préciser de la part de Famille Chrétienne afin de ne pas risquer d’induire en erreur.