La crise sanitaire a des conséquences beaucoup moins lourdes que sa gestion. D’un côté, une maladie assez peu létale et frappant essentiellement les vieux avec comorbidités (ce qui apparaît plutôt… naturel), une faible surmortalité ; de l’autre, l’emploi généralisé du mensonge, du mépris, de l’infantilisation à l’égard du corps civique. Précisons pour être bien compris : une obligation vaccinale générale pour les personnes à risque (en particulier les personnes de plus de 60 ou 65 ans) aurait sans doute été une décision cohérente, associée à une politique de traitement précoce de la maladie.
Dans le cadre de cette gestion de la crise sanitaire, deux ingrédients sont venus cet été encore ajouter à l’imposture : le passe sanitaire et l’obligation vaccinale pour certaines professions. Le 15 septembre 2021 est la date limite pour la vaccination des personnels soignants.
On se permettra, parce que c’est oublié depuis longtemps, de remonter à l’une des nombreuses déclarations de M.Macron au début de l’épidémie (c’était le 25 mars 2020 à Mulhouse), où il commençait ses gesticulations boursouflées. Ce jour-là, il nous a promis :
« Mes chers compatriotes, je vous ai dit il y a quelques jours que nous étions engagés dans une guerre, une guerre contre un ennemi invisible, ce virus, le Covid-19 et cette ville, ce territoire porte les morsures [sic] de celui-ci… . Le ministre de la Santé reviendra dans les prochains jours, comme il l’a déjà fait et comme il le fait constamment sur les sujets les plus sensibles, en toute transparence….. Je sais les attentes qu’il y a là aussi pour être mieux protégé et le gouvernement fera le maximum pour apporter toutes les réponses avec les contraintes qui sont les nôtres, toujours en transparence ».
La transparence était promise. Pourtant depuis les décisions sont prises en Conseil de défense sanitaire qui offre à ce Président et à ce ministre de la Santé toute possibilité de secret pendant… cinquante ans paraît-il !
L’instauration du passe sanitaire a souvent été rapprochée de la déclaration de M.Macron à la presse quotidienne régionale du 29 avril 2021 : ce passe sanitaire qui
« ne saurait être obligatoire pour accéder aux lieux de la vie de tous les jours comme les restaurants, théâtres et cinémas… Il ne sera jamais un droit d’accès qui différencie les Français ».
En réalité, cette déclaration avait déjà été précédée par une autre, tenue le 3 décembre 2020 lors d’une assemblée générale des Nations Unies sur le covid-19 (et on sait que la posture internationale plaît à M.Macron). M.Macron avait expliqué doctement :
« Les circonstances exceptionnelles engendrées par la pandémie menacent par ailleurs, dans de nombreux pays, l’acquis de plus de 70 ans de combat international en faveur des droits de l’Homme…. La pandémie ne doit pas servir de prétexte aux restrictions de l’espace de la société civile, au recul de l’Etat de droit, aux atteintes à la liberté d’expression ».
Avec de telles bases pourries, les incohérences ne peuvent pas étonner :
- En juillet et août, les divers contrôleurs de passe sanitaire n’avaient pas l’obligation d’avoir un passe sanitaire eux-mêmes.
- Passe sanitaire dans le TGV mais pas dans les TER ni dans le métro
- Passe sanitaire dans les Flixbus mais pas dans les autobus ni dans le métro
- Passe sanitaire chez les gendarmes mais pas dans la police
- Passe sanitaire dans les restaurants sauf les restaurants routiers
- Dans une église, pour les liturgies, pas de passe sanitaire. Dans la même église, avec éventuellement les mêmes personnes, pour un concert de musique sacrée, passe sanitaire exigé.
- Dans un hôpital, le passe sanitaire est exigé mais pas pour un avortement ni pour donner son sang.
- Validité du test de dépistage passé comme par magie de 48h à 72h.
- Absence de contrôle à l’Assemblée nationale au prétexte que, selon son président, « le lieu n’a pas vocation à accueillir du public» (et des citoyens ? Non plus ?)
La liste est incomplète, que chacun d’entre nous pourrait certainement enrichir.
Mais il faut reconnaître que parmi tous ces délires, il y a une sorte de cerise sur le gâteau à propos de l’état sanitaire jugé tellement catastrophique aux Antilles qu’il a amené M.Macron à monter en première ligne pour défendre la vaccination (Le Figaro, 12 août 2021) :
Le sous-titre de l’article principal est « la situation critique en outre-mer est devenue un argument ans la stratégie vaccinale du gouvernement » :
« C’est d’abord la « situation dramatique » en Guadeloupe et en Martinique que le chef de l’État a décrite en Conseil de défense. Des taux de circulation du virus « jamais connus » en France y sont relevés. Dans ces deux départements antillais, à peine 23 % de la population a reçu une première dose de vaccin, contre 67 % en métropole, selon les derniers chiffres de Santé publique France… « C’est la première fois depuis le début de l’épidémie qu’on fait face à un tel embrasement dans les Outre-mer, s’alarme un conseiller de l’exécutif. C’est précisément ce qu’on essayait d’éviter. »… Le chef de l’État a présenté cette flambée épidémique comme « la démonstration cruelle » que « la vaccination est le moyen le plus efficace » pour lutter contre le virus. Si la situation est si inquiétante aux Antilles, c’est parce que la couverture vaccinale n’est pas suffisante », a enchéri le porte-parole du gouvernement, Gabriel Attal ».
Le même article un peu plus loin explique :
« Face aux opposants de ce dispositif, de plus en plus nombreux dans les rues samedi après samedi, Emmanuel Macron continue de faire le pari de la fermeté ».
Et enfin, derniers éléments du décor :
« La tension hospitalière est extrême dans les deux îles, où il est prévu d’ouvrir une centaine de lits de réanimation supplémentaires grâce aux renforts de soignants venus de métropole ».
Au surplus, le conseil départemental de l’ordre des médecins de Martinique a prévenu les médecins exprimant publiquement une opinion anti-vaccins qu’ils seront passibles de sanctions disciplinaires.
Eh bien, vous le savez peut-être, le 26 août le même M.Véran tient un point presse. Il annonce que la date du 15 septembre pour l’obligation vaccinale des soignants est maintenue fermement…. sauf pour les Antilles. Motif : « on n’allait pas leur rajouter cette contrainte » ! Pour eux, l’obligation est reportée pour après la fin de la quatrième vague, que le ministre avoue ne pas connaître.
Bien sûr, cela n’empêche pas le même Véran de déclarer cinq jours après à propos du maire de Montfermeil, auteur d’un éditorial dans sa publication municipale plein de mesure et de bon sens :
« Le doute [sur les vaccins] tue toujours, j’étais en Martinique il y a une dizaine de jours, et j’ai vu ce que le variant Delta fait au sein d’une population qui refuse en partie (…) la vaccination pour de mauvaises raisons. Quand vous allez dans un hôpital, et que vous voyez des patients qui sont parfois jeunes (…). vous vous dîtes que c’est évitable.» (31 août)
Bien sûr, cela n’empêche pas cette information donnée depuis l’Elysée le 1er septembre : la prorogation de l’état d’urgence sanitaire en Outre-mer.
Truqueurs, menteurs, faussaires, bouffons, clowns, pervers : finalement, les qualificatifs nous manquent.