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France : Politique en France

« Musulman » : un « must » pour les soldats morts pour la France. Et pour les terroristes ?

« Musulman » : un « must » pour les soldats morts pour la France. Et pour les terroristes ?

C’était sans doute ce qui s’appelle un besoin urgent : à peine nommé ministre de l’Intérieur le 6 juillet, M.Gérald Darmanin rend hommage, le 29 juillet, aux combattants musulmans morts pour la France.

Un hommage de plus, cela n’étonne pas dans la France macronienne, c’est aussi fréquent que l’hélium dans les ballons gonflables. Mais pourquoi donc les soldats musulmans morts pour la France ?

On peut comprendre l’affection personnelle du nouveau ministre de l’Intérieur pour un grand-père, Moussa Ouakid, qui, comme FFI, a participé à la libération de la ville de Saint-Amand-les-Eaux. Par ailleurs, le courage et le sacrifice de ces hommes sont dignes de respect. La question se pose néanmoins de leur instrumentalisation, comme on dit quand on a fait des études.

Car, rappelons-le, le dernier hommage d’un ministre de l’Intérieur aux soldats musulmans morts pour la France ne remontait qu’à neuf mois en arrière, au 7 novembre 2019 pour être précis : un discours de M.Castaner qui d’ailleurs est d’une médiocrité de facture sans doute rarement égalée. C’est une gageure de vouloir égayer un texte sur un sujet de ce type, mais osons quand même : voilà le tout début de l’allocution castanerienne prononcée  à la grande mosquée de Paris, pour rendre hommage à ces soldats morts pour la France lors de la Première Guerre mondiale [NDLR : la précision est d’importance] :

« La Crimée. Le Mexique. Sedan. La France n’était pas encore la République. Mais la Nation était en guerre.

Verdun. L’enfer d’une bataille longue d’un an, où la mort rodait par le feu ennemi, les éclats d’obus ou la violence du froid.

Verdun. L’enfer d’un combat décisif où la République et l’honneur ne cédèrent pas.

La Corse. La Provence. Les débarquements des troupes alliées, des soldats de la libération. Le souffle de la vie retrouvée et de la Liberté rendue.

Mesdames et messieurs,

Les noms de ces batailles résonnent encore aujourd’hui. Ils sont des pages tragiques ou victorieuses de notre Histoire.

Ils sont des instants où la France s’est faite, des moments où la République s’est construite »

Et plus loin, M.Castaner d’expliquer :

« Cette force, cette union qui nous transcende [sic] et nous dépasse [re-sic], c’est la République, c’est la laïcité ».

Aucun poilu n’avait mérité tel traitement.

On ne relèvera pas, ou si peu, une sorte d’hubris géographique qui fait dire à M.Darmanin à propos de ces soldats musulmans morts pendant la deuxième guerre mondiale qu’ils

« venaient souvent du soleil, celui de l’Algérie, de la Tunisie, du Maroc, mais aussi du Sénégal ou du Mali, en fait des quatre coins du monde ».

Néanmoins, ces deux hommages si rapprochés amènent à quelques étonnements :

  • Le premier est tout simple : alors que l’hommage de M.Darmanin se déroule dans le cadre d’un mémorial aux soldats musulmans à Douaumont inauguré en 2006 par M.Chirac et construit non loin d’une chapelle catholique et d’un mémorial israélite, on ne se rappelle aucune cérémonie identique (et d’ailleurs on se serait bien demandé à quel titre elle aurait eu lieu) pour les soldats chrétiens ni les soldats juifs.
  • Le deuxième tient à l’assimilation implicite dans les deux discours entre soldats d’Afrique d’une part et noirs ou maghrébins d’autre part. Or, d’après Wikipedia (qui n’est pas parole d’Evangile, certes), au cours de la Première Guerre mondiale, l’Armée d’Afrique envoie près de 300 000 soldats combattre en Europe dont 190 000 Maghrébins et 150 000 Européens juifs et chrétiens. Quant à l’armée qui débarque en Provence à partir du 15 août 1944 sous les ordres du général de Lattre de Tassigny (260 000 hommes), elle était composée pour 82 % de soldats provenant d’unités de l’Armée d’Afrique (50 % de Maghrébins, 32 % de Pieds-Noirs, 10 % d’Africains noirs et 8 % de Français de métropole).
  • Le troisième étonnement tient à l’enrôlement implicite de tous les noirs et maghrébins comme musulmans. Pour arriver à la comptabilité de M.Castaner de plus de 100 000 soldats musulmans morts pour la France depuis plus d’un siècle, il faut en effet inclure tous les maghrébins et les Africains noirs sans distinction. Aucune chance pour eux d’avoir été animistes ou chrétiens ; voire athées.
  • Le quatrième étonnement tient à une incohérence majeure. Alors même que les ministres honorent spécifiquement les soldats musulmans, ils expliquent en même temps que ça n’a aucun sens. Relisons M.Castaner en novembre 2019 : « Si quelqu’un pouvait en douter,  je retiens des récits de l’enfer des tranchées et de la dureté de la guerre, un enseignement. Un enseignement, comme une leçon républicaine : dans les rangs de nos Armées, face à l’ennemi et face à la mort, il n’y avait pas de chrétiens, de musulmans, de juifs ou d’athées. Il  n’y avait que la bravoure et l’honneur. Il n’y avait que des frères d’armes, unis et déterminés». Et Mme Darrieussecq en juillet 2020 : « La France honore ses morts quelle que soit leur origine. À Verdun, le sang avait la même couleur ». 

Ce qualificatif « musulman » est utilisé avec beaucoup plus de pudeur dans d’autres circonstances. A une question sur la menace terroriste actuelle, le même M.Gérald Darmanin, au même moment, répond dans Le Point du 6 août 2020 :

« On assiste aussi à une sorte d’ubérisation du terrorisme. Des gens se réclament d’organisations terroristes et envoient d’eux-mêmes des allégeances pour ensuite d’emparer d’un couteau de cuisine, entrer dans un lieu public et passer à l’acte. La menace est donc toujours très présente ».

Des gens ? On n’en saura pas plus.

D’ailleurs, sur le même sujet de la menace terroriste, M.Darmanin explique aussi

« Quand quelqu’un commet une attaque terroriste et qu’on dit qu’il est simplement déséquilibré, et qu’on n’ose pas dire que c’est aussi un terroriste islamiste, il y a un problème de perception de la réalité. Je pourrais en dire autant de ceux qui lient l’immigration et l’insécurité. Ils ne rendent pas service à leur pays. D’abord parce que c’est faux ».

Faux ? Une étude de l’IFRI (Institut français des relations internationales, institut de recherche et de débat indépendant, consacré à l’analyse des questions internationales et de gouvernance mondiale) sur tous les terroristes (137) pour lesquels l’auteur a pu avoir accès à l’intégralité des jugements entre 2004 et 2017 (Marc Hecker  « 137 nuances de terrorisme. Les djihadistes de France face à la justice, IFRI Focus stratégique, n°79 d’avril 2018), conclut ainsi :

« le facteur migratoire joue un rôle important dans le phénomène djihadiste ».

Seuls 18% des parents de ces terroristes avaient la nationalité française. Et tous étaient musulmans (74% nés dans des familles musulmanes, 26% convertis). A tel point que l’étude consacrée aux terroristes conclut sur les djihadistes.

Et encore, M.Darmanin ambitionne de passer pour un adepte du parler cash (« Si le combat veut être gagné, il commence par les mots »  dit-il au Point). En réalité, d’un côté la mise en exergue d’un caractère musulman au risque du séparatisme que l’on croit ainsi circonscrire ou amadouer, de l’autre l’omission du caractère musulman au moment où il a le plus de sens : c’est normal, c’est la Macronie.

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