Voici le communiqué de l’Académie de médecine, doublé d’un rapport, à propos de la crise de la natalité, faisant l’impasse sur le problème de l’avortement :
La France, comme d’autres pays développés, fait face à un recul préoccupant de sa natalité. La population de la France continue d’augmenter lentement (+0,25 %), portée surtout par l’immigration, alors que le taux de fécondité est tombé à 1,59 enfant par femme, son niveau le plus bas depuis la Première Guerre mondiale. Au-delà des chiffres annuels, l’analyse de la descendance finale (nombre d’enfants à la fin de la vie reproductive) révèle une stabilité rassurante : les femmes nées dans les années 1970 et au début des années 80 ont eu en moyenne deux enfants. Les naissances sont plus tardives, mais à ce jour, pas moins nombreuses à l’échelle d’une génération.
Malgré un solde naturel encore positif (+17 000), la baisse continue des naissances suscite cependant une inquiétude croissante, tant pour l’avenir du système social que pour l’équilibre démographique du pays. La natalité n’est pas qu’une affaire de chiffres : elle reflète l’état de santé global d’une société, son optimisme, sa capacité à se projeter dans l’avenir.
L’Académie nationale de médecine a analysé les nombreuses causes de ce phénomène.
Son rapport dresse un état des lieux et propose des pistes concrètes pour inverser la tendance. Le recul de la natalité n’a pas une cause unique. Il résulte d’un ensemble complexe de facteurs :
– Un report des maternités : l’âge moyen du premier enfant est passé de 24 ans en 1980 à près de 29 ans aujourd’hui. Cela peut réduire la probabilité d’avoir plusieurs enfants, surtout si le projet parental est retardé trop longtemps.
– Une fertilité vulnérable : près de 15 % des couples rencontrent des difficultés à concevoir. Le recul de l’âge à la maternité accroît mécaniquement le risque d’infertilité : une grossesse sur deux échoue après 40 ans. D’autres facteurs touchant au mode de vie et à l’environnement peuvent peser sur la fertilité. Le recours à la PMA progresse, mais reste difficile d’accès et insuffisamment soutenu [la PMA n’est pas une solution morale, NDMJ].
– La mortalité infantile augmente : Si l’espérance de vie atteint 85,6 ans pour les femmes et 80,0 ans pour les hommes, cela est dû avant tout aux soins et aux politiques de santé en faveur des adultes. Ce progrès cache une autre réalité : la mortalité infantile remonte, avec 4,1 décès pour 1 000 naissances en 2024, contre 3,5 en 2011. Ces décès surviennent surtout dans les premières semaines de vie. La France, autrefois en tête des pays européens pour la santé des nouveau-nés, est aujourd’hui à la 20ᵉ place. Cette évolution traduit un déséquilibre préoccupant : la santé des enfants ne bénéficie pas des mêmes investissements que celle des adultes.
– Des obstacles sociaux : logement, emploi des femmes, modes de garde peu accessibles… freinent les projets parentaux, en particulier chez les femmes aux revenus moyens.
– Un climat d’incertitude : les jeunes générations, marquées par les crises économiques, sanitaires et environnementales, questionnent davantage la parentalité, non pas par rejet, mais par prudence. L’ »éco-anxiété », sans être une cause directe du déclin des naissances, pèse sur les projets de parentalité chez les jeunes adultes.
La situation n’est pas irréversible et les Françaises souhaitent toujours en moyenne deux enfants, mais rencontrent des obstacles nombreux pour y parvenir. La génération née entre 2000 et 2010, issue d’un mini-baby-boom représenteront une cohorte nombreuse en âge de procréer d’ici 2030–2040. Si les conditions leur sont favorables (logement, emploi, accès à la parentalité, égalité femmes-hommes), la natalité pourrait rebondir. Mais cela exige de lever les freins structurels aujourd’hui identifiés.
L’Académie nationale de médecine propose une stratégie d’action à plusieurs volets :
– Créer une prestation universelle par enfant, simple et accessible dès le premier enfant.
– Développer un droit effectif à la garde d’enfants : créer 100 000 places de crèche, former et mieux rémunérer les professionnels de la petite enfance.
– Réformer le congé parental : instaurer un congé de naissance court, bien indemnisé, partagé entre les deux parents et coordonné avec une solution de garde.
– Faire de l’infertilité une priorité de santé publique : améliorer la prévention, les délais de prise en charge et l’accès à la PMA et à l’autoconservation ovocytaire dans tout le territoire [ce ne sont pas des solutions morales, NDMJ].
– Réduire la mortalité néonatale : renforcer les maternités de niveau 2 et 3, mutualiser les moyens, créer un registre national de la périnatalité.
– Prendre en compte les préoccupations écologiques et sociales : accompagner les jeunes dans leur projet de parentalité, même en période d’incertitude.
– Mettre en place des indicateurs fiables et un observatoire national pour mieux suivre les tendances et agir rapidement.
Mais la baisse de la natalité n’est pas une fatalité. Elle traduit des arbitrages individuels dans un environnement devenu trop peu accueillant pour les projets d’enfants. L’Académie appelle à une vision cohérente, intergénérationnelle et transversale, qui redonne confiance à toute une génération.