Homélie de l’abbé Alexis Garnier, aumônier général de Notre-Dame de Chrétienté, prononcé lors de la messe d’action de grâces du 38e pèlerinage de Chartres, ce jour de la Fête Dieu en l’église Sainte-Odile à Paris :
Deux Séraphins se criaient l’un à l’autre;
Saint, Saint, Saint, le Seigneur, Sabaoth, Seigneur des armées !
Toute la terre est remplie de sa gloire [1].
Pour ce soir, rejoignons les anges, et avec eux soyons adorateurs; Ecce panis angelorum. L’Eucharistie n’a-t-elle pas été nommée « le pain des anges » ?
Pain des anges
donné aux pèlerins,
vrai pain des enfants,
à ne pas donner aux chiens.
Je voudrais d’abord nous fixer sur une attitude et une image de l’ange et de l’homme adorateur.
Puis je rappelerai la mise en garde des bons anges contre l’idolâtrie.
Enfin j’évoquerai ce va et vient de l’adoration à la chrétienté et la mission. Aller du Dieu du ciel et de l’hostie, à l’image de Dieu dans les âmes à servir et sauver, à l’escabeau de Dieu dans la chrétienté à construire et défendre.
Premièrement une attitude et une image de l’ange et de l’homme adorateur.
Tout est dit en un personnage de la sainte liturgie et un chant ; le sous diacre et le Sanctus.
Merveilleux et inutile au premier regard, ce ministre est planté au seuil du Canon, le Saint des Saints… au cœur de la Messe et de l’Eglise, en un milieu entre les hommes et le Seigneur qui vient. Face à face tant redoutable qu’il se voile le visage à l’imitation des anges devant la théophanie, il se protège le regard [2]. Car la gloire de Dieu est infinie comme Lui. Et on ne le voit que de dos, car pour le face à face il faut mourir [3].
Ce sous diacre nous parle des frères d’en haut, qui sont devant le même Seigneur dévoilé. Nous les imitons ici dans un clair obscur de foi, adorant comme en anticipation du ciel. Ils adorent en pleine lumière de gloire. Ils sont irradiés, et ils crient [4]. Ils clament. A l’extrémité de la prédication se trouve l’adoration du Seigneur qui vient. Préface, Sanctus, Canon… Où les paroles ne suffisent plus, le chant de la terre et du ciel prend le relais, comme une clameur de l’âme, avant l’introduction au silence. Ce silence intérieur et extérieur qui semble seul à la mesure du Dieu sans mesure, si proche. Silence devant Dieu, et non pas silence sur Dieu.
Deuxièmement une mise en garde contre l’idolâtrie.
Le démon a pour arme fatale de nous détourner sans cesse du seul Dieu adorable, pour nous prostrer devant des idôles misérables, et nous agenouiller ultimement devant lui. « Tout cela, je te le donnerai si tu tombes à genoux et m’adores [5]».
« Arrière, Satan », soufflent les bons anges, en écho de leur maître. Ils nous redisent de ne pas donner ailleurs ce qu’on ne donne qu’ici, de ne pas donner à d’autre ce qui est privilège du Tout Autre. Ne pas adorer la Terre Mère, les droits de l’homme sans Dieu, les veaux d’or du pouvoir, du sexe, de l’argent, la santé à tout prix, les ténébreux et faux dogmes des médias et de la pensée unique. Ne pas plier le genou devant le Baal des fausses religions et ne pas brûler l’encens de sa vie devant des singes de Dieu ce serait adultère et prostitution d’âme. Combat perpétuel et formidable entre St Michel et Lucifer, où nous sommes, non spectateurs, mais acteurs.
A St Jean ébloui et écrasé, qui veut se prosterner devant l’ange de l’apocalypse, il est répondu ; «Prend garde, ne fais pas cela. Je suis ton compagnon dans le service de Dieu. Adore-le, Lui!»
Les anges nous gardent contre ces idolâtries multiples en nous et autour de nous. Ils nous gardent d’une adoration mensongère, d’une adulation suspecte de soi ou d’un autre.
Gardiens de portes dans les temples antiques, ils sont sentinelles des portes de notre âme et de l’Eglise. Ils sont défenseurs contre les portes de l’Enfer, et elles ne prévaudront pas [6]!
Ils nous rappellent le sens de notre baptême, cette aptitude merveilleuse que le caractère, sceau indélébile, a mis en nous. Aptitude à se tenir en la présence de Dieu, à le servir, à retrouver notre place et notre verité de créature, cette dépendance consentie, cet hommage de soi à plus grand que soi.
Ultimement un va et vient de l’adoration à la tradition, la chrétienté et la mission.
Les séraphins s’exhortent à l’adoration et la louange divine. Et nous, leurs frères de la terre, nous joignons notre voix et notre cri au leur. Nous imitons leur va et vient, allant d’un bout à l’autre de l’échelle qui relie ciel et terre [7].
Nous pouvons proclamer en une langue crédible et audible les merveilles de Dieu [8]. Unique pensée, unique langage, unique cœur dans la solidité et la vérité de la Tradition.
Nous pouvons aussi travailler à la Chrétienté, escabeau de Dieu. Cet ordre de choses temporel propice et facilitant l’adoration et le culte du seul vrai Dieu ; travail par en haut et par en bas, chacun à notre place et selon notre mesure de grâce et de compétence.
Nous pouvons partir en Mission : adorer pour évangéliser, et évangéliser pour amener à l’adoration par le Christ, unique médiateur et seul salut, dans l’Eglise.
Irradiés et brûlés comme eux, nous devenons à notre tour des irradiants et des brûlants.
Deux Séraphins se criaient l’un à l’autre;
Saint, Saint, Saint, le Seigneur, Sabaoth, Seigneur des armées !
Toute la terre est remplie de sa gloire.
Jésus Hostie, pain des anges, pains des forts et des purs,
brûlez-nous au foyer de la communion.
Consumez-nous ensuite dans les combats
de tradition, de chrétienté et de mission.
Placez-nous sous bonne garde des anges,
faites-nous avec eux veilleurs et lutteurs, adorateurs et serviteurs,
amen!