Discours du Maire de Béziers, Robert Ménard, au monument aux morts le 11 novembre 2018 :
Mesdames, Messieurs,
Ils sont morts depuis si longtemps. Rendus à la nuit, pour ceux qui ne veulent pas voir au-delà des étoiles. Toujours parmi nous, pour ceux qui continuent à pleurer au pied d’un monument aux morts.
La guerre de 14-18, la « grande guerre », c’estun peuple qui se lève. Un peuple ? Des hommes et des femmes qui partagent des coutumes, un mode de vie, une langue, des paysages, une culture. En un mot, comme on disait jadis, « une terre et des morts ».
Des morts, oui. Ces morts qui nous inscrivent dans une lignée, dans une généalogie, dans le grand livre de notre roman national.
Répondant à une lettre de condoléances de Charles Maurras, le général de Castelnau, qui venait de perdre trois de ses enfants dans les tranchées, lui explique – écoutez bien ces mots : « Je ne puis rien refuser à la France ». Même ses propres enfants, même sa douleur, même un chagrin que l’on sait sans fin.
Ne rien refuser à la France. Cette ligne de conduite, cette exigence, cette morale : qui,aujourd’hui, oserait les faire siennes ?
C’est à cette question qu’une commémoration nous oblige à répondre. Sommes-nous dignes de la France? Que sommes-nous prêts à lui sacrifier ? Quel sens ont, pour nous, les mots, les beaux mots de « nation », de « patrie » ?
On tremble en y pensant. D’un coup, on doute de soi. Serais-je à la hauteur ? Aurais-je la force de me donner à un destin, de choisir ce tragique qui construit, non seulement un pays, une civilisation mais un homme…
Aujourd’hui, notre peuple hurle sa peur de disparaître, dissout dans un universalisme qui ne profite qu’aux profiteurs.
Nos morts seraient-ils morts pour rien ? Pour voir leur pays rendre les armes devant les plus forts de notre temps, ceux qui tiennent le haut du pavé dans les médias ou la finance ? Devant ce qu’un ancien ministre décrit comme le risqued’une « sécession », d’une « partition ».
Au début de cette guerre, les appelés d’une même région étaient regroupés dans les mêmes régiments. À Béziers, il s’agissait du 96ème régiment d’infanterie et du 1er régiment de hussards. Tous deux réunis dans le 16e corps d’armée, que l’on pourrait qualifier de languedocien, lui qui ne rassemblait que des hommes venus de notre région. On lui doit – peus’en souviennent – la première victoire française, lors de la trouée de Charmes, le 26 août 1914, quelques jours avant la bataille de la Marne. Ce sont donc – on peut le dire – des régiments du Languedoc qui ont sauvé la France en Lorraine !
Mais vite, l’hécatombe est telle qu’il faut regrouper les hommes restés vivants. On n’est plus alors de la même ville, on ne partage plus le même accent, on ne vient plus des mêmes collines. Mais on a en commun plus que cela : on a en commun l’enfer des tranchées, la peur de l’assaut, la fraternité des combats, la fierté d’un drapeau. On a en commun d’être français et de se battre pour la France.
Aujourd’hui, certains ne se retrouvent que dans les déserteurs de 1917. Je préfère retenir les héros, nos héros. Leurs noms sont inscrits aucœur de notre hôtel de ville. Comme pour rappeler ce que notre démocratie leur doit. Comme pour nous rappeler le terrible tribut qu’ils ont payé.
Alors gardons-les en mémoire. Chérissons leurs noms. Montrons-nous dignes d’eux. Ils nous obligent. Ils sont un rappel permanent à nos devoirs. Sur leurs tombes, nos blés seront plus verts.
Être français, c’est aimer la France. Être français n’a rien à voir avec la couleur de peau, son lieu de naissance ou ses croyances religieuses. Être français, c’est un tressaillement à la musique de certains mots. Être français, c’est une histoire commune, apprise et partagée. Être français, c’est la conscience qu’il y a plus grand que soi. Et que ce plus grand s’appelle la France.
Il est convenu de finir un discours par un vibrant hommage à la paix, à l’amitié entre les peuples, par un plaidoyer sur le « plus jamais ça ».
Je m’en garderai bien. La paix à tout prix, nous savons où cela peut conduire. Le pacifisme, ce fut parfois l’abandon, l’antichambre de l’abdication.
Pour ma part, je préfère terminer par un éloge du courage, de l’oubli de soi, du don de soi. Pour gagner. Oui, pour une victoire comme celle que nous commémorons aujourd’hui.
Nos soldats ne furent pas des « victimes », comme certains voudraient le faire croire. Ils ont « fait leur devoir », comme on disait autrefois. Réduire leur engagement à une manipulation, à un bourrage de crâne et leurs officiers à des bouchers, c’est leur voler leur victoire et nier les droits qu’à ce titre, ils ont sur nous. C’est, je pèse mes mots, une insulte à leur mémoire, un outrage à leur abnégation.
Mais nous sommes, peut-être, tellement petits quand ils sont tellement grands.
« Les morts n’apprennent rien des vivants ; les vivants ont tout à apprendre des morts. » disait Chateaubriand…
Alors, encore une fois: Vive nos glorieux ancêtres ! Vive la victoire de 1918 ! Vive la République ! Vive la France !
Fan de ...
beau discours, tellement éloigné de ceux qui nous gouvernent.