Nicolas Bauer, chercheur associé au Centre européen pour le droit et la justice, a été interrogé par Anne Isabeth dans Présent. Extrait :
Pour commencer, une précision importante et pourtant peu connue : il n’existe pas de droit international à l’avortement. Existe-t-il d’ailleurs un droit français à avorter ?
L’IVG a été « réaffirmée » comme « droit fondamental » par l’Assemblée nationale en 2014, par le biais d’une résolution. Certes, ce texte est une déclaration politique de principe sans réelle valeur juridique, mais il fait pour la première fois de l’avortement l’objet d’un droit hiérarchiquement au-dessus d’autres droits. A part quelques Etats démocrates américains qui avaient voulu provoquer Donald Trump, l’avortement n’est nulle part reconnu en tant que tel comme un « droit fondamental ». En droit international, il existe un « droit à la vie », un « droit de se marier et de fonder une famille » ou encore une protection spéciale accordée aux mères « avant et après la naissance des enfants ». En revanche, aucun droit à l’avortement n’est mentionné dans une convention internationale.
En France, nous assistons à une libéralisation croissante de l’avortement (de simple exception il est considéré comme un droit, permis jusqu’à 10 puis 12 semaines, adoption du délit d’entrave, suppression du délai de réflexion…). Vous qui avez une vision internationale du sujet : comment cela se passe-t-il dans les autres pays ? Assiste-t-on à la même dynamique ?
Deux dynamiques s’entrechoquent. La culture de mort se répand dans certains pays, actuellement à Saint-Marin, au Gabon, au Bénin ou encore au Mexique. Mais la dynamique « pro-vie » est trop rarement soulignée. En octobre 2020, 35 Etats des Nations unies ont signé la « Déclaration de consensus de Genève », visant à rappeler qu’il n’existe aucun droit à l’avortement en droit international. Parmi eux, il y avait alors les Etats-Unis, mais aussi le Brésil, la Pologne, la Hongrie, la Géorgie, la Biélorussie, de nombreux Etats africains, des Etats arabes du Golfe, le Paraguay, l’Indonésie ou encore Nauru (Océanie). Cette alliance d’Etats très variés est exceptionnelle sur le plan géopolitique. Certains Etats signataires sont en effet fortement divisés entre eux sur d’autres sujets. C’est le cas par exemple des Etats-Unis et du Pakistan, du Soudan et du Soudan du Sud, ou encore de l’Arabie Saoudite et du Qatar.
La loi allongeant le délai légal pour avorter doit passer en seconde lecture au Sénat à la mi-janvier. Dans un courrier vous encouragez les Français à écrire à leurs sénateurs disant qu’ils sont sensibles à l’appel des électeurs. Avez-vous eu des retours de sénateurs que des courriers ont fait changer d’avis ou du moins incités à ne pas voter de telles lois ?
Comme d’autres associations, nous avions incité les personnes à écrire et téléphoner d’abord à leurs députés, avant l’examen de cette proposition de loi en deuxième lecture à l’Assemblée nationale. Dans la pratique, il est rare qu’une telle démarche suffise à faire changer d’avis un parlementaire sur l’avortement. En revanche, elle a été une piqûre de rappel pour les députés : l’opposition à l’avortement existe, elle est fondée et solide. C’est une telle opposition qui justifie le fait de n’obliger aucun professionnel de santé à participer à un avortement. Le texte de la proposition de loi a été modifié par l’Assemblée et n’inclut plus la suppression de la clause de conscience des professionnels de santé. C’est une excellente nouvelle et c’est, je crois, le fruit d’une mobilisation efficace. Il faut maintenir notre mobilisation à l’occasion de la deuxième lecture au Sénat, notamment en participant à la Marche pour la vie. […]
RDV dimanche 16 janvier 2022 à Paris (départ proche Montparnasse).