Contrairement aux autres candidats (JMLP, PdV, SR & FB) interrogés par l’hebdomadaire, l’entretien avec Nicolas Sarkozy, qui doit paraître dans le numéro de demain, est accessible librement sur le site de Famille Chrétienne (après inscription gratuite). On notera dans cet entretien le grand écart entre la défense de la famille et la reconnaissance institutionnelle des unions homosexuelles, alors que justement, les deux ne sont pas compatibles. Extraits :
"Vous estimez que la droite s’est trompée en s’opposant au Pacs. Faut-il en conclure que la distinction gauche-droite est périmée sur les questions de mœurs et de société ?
Au contraire ! Si je dis depuis huit ans que la droite s’est trompée en s’opposant au Pacs, c’est parce qu’en niant la réalité des couples homosexuels et la sincérité de l’amour qui les unit, nous avons laissé les autres définir à notre place ce que devait être la famille. La droite doit montrer que les valeurs qu’elle défend pour la famille ne sont pas incompatibles avec les évolutions de la société. C’est ce que je fais en proposant une union civile pour les couples homosexuels, qui n’est ni un mariage, ni un passeport pour l’adoption, mais une forme de reconnaissance sociale de leur désir de vivre ensemble.
Vous êtes opposé aujourd’hui au mariage homosexuel, mais vous proposez une "union civile homosexuelle" […]
Mes convictions sont fondées sur des valeurs ; pour les défendre, je ne peux cependant rester sourd aux évolutions de la société. Je suis attaché à l’institution du mariage, au modèle familial composé d’un père et d’une mère, mais je ne peux nier l’existence de l’amour homosexuel, ni le fait que certains couples homosexuels élèvent déjà des enfants. L’union civile que je propose aux couples homosexuels répond à leur demande de reconnaissance et de protection. Elle ne remet pas en cause l’institution du mariage et n’ouvre pas droit à l’adoption, ni à la filiation qui doit rester fondée, selon moi, sur la différence sexuelle. De même, le statut de beau-parent, qui pourra s’appliquer dans les familles homoparentales et les familles recomposées, a pour objet de protéger juridiquement les liens incontestables qui peuvent s’établir entre un enfant et l’adulte qui l’élève, même s’il n’est pas son parent biologique.[…]
Comptez-vous faire sauter les 20 % de postes accordés au privé qui interdisent à l’école catholique de répondre à sa mission ?
Cette règle est issue d’un accord tacite qui a permis de mettre fin à la guerre scolaire de 1984. Celle-ci n’avait pas été déclenchée par l’école libre, c’est le moins que l’on puisse dire, mais je suis attaché à ce qu’on ne la réveille pas. Je ne remettrai donc pas en cause cet équilibre au niveau national.
Cet "équilibre" est en fait une inégalité, qui empêche aux écoles sous-contrat d’ouvrir de nouvelles classes si le public n’en ouvre pas. De fait, cela s’oppose à la liberté d’éducation.
Pol
Si l’interview de Sarkozy et librement accessible sur le Net pourquoi n’est-ce apparemment pas le cas pour les autres candidats?
une âme
Il n’a jamais lu la Bible, c’est pas possible !
M.
“les deux ne sont pas compatibles”… d’après la Congrégation pour la doctrine de la foi (ex-Saint-Office, ex-Inquisition).
Au vrai, l’avenir le dira.
L’Eglise s’occupe bien trop de moeurs et pas assez de foi (surtout quand on sait que plus de la moitié des soi-disants “catholiques” français déclare ne pas croire en Dieu).
C’est très bien de défendre “la liberté d’éducation”, mais pourquoi diable n’y aurait-il de liberté reconnue aux personnes qu’en la matière ?
[Heu… la foi et les moeurs sont un peu liés ne croyez-vous pas ? MJ]
michel
Le parfait héritier de Giscard d’Estaing, Jacques Chirac et Simone Veil.
RC
J’espère qu’il sautera au yeux des lecteurs de Famille Chrétienne qu’un vote pour lui n’est pas envisageable. Malheureusement, je crois que trop d’entre eux se satisfont assez bien de ces pseudo-positions conservatrices qui s’accordent si bien avec leurs intérêts libéraux (bourgeois, devrais-je dire).
M.
Regardant la foi et les moeurs, la question est ici de savoir lequel des deux est premier, ce qui revient en fait à s’interroger sur l’ordre légitime de leur conditionnement réciproque.
Je crois pour ma part que c’est la foi (et plus généralement le fort interne) qui est ordonnée à déterminer les moeurs (le fort externe), non l’inverse.
Je concède qu’il existe une interaction réciproque, mais penser que les moeurs sociales sont propres à exercer une action irrésistible sur les individus, violant ainsi leur libre-arbitre, revient à voir la liberté reçue par l’homme comme singulièrement limitée, et à mon sens étriquée. Il me semble qu’on le réduit par-là à n’être qu’un animal grégaire, au risque de lui faire ainsi perdre l’essentiel de ce qui fait sa noblesse. Si tel était le cas on éteindrait aussi – dans une certaine mesure et si c’était possible – la gloire de Dieu (que cette liberté manifeste).
[A ceci près que le libre-arbitre a besoin d’être éclairé, car vous n’êtes pas sans ignorer qu’il n’y a pas de liberté sans vérité. Aussi, il faut défendre la vérité, y compris dans les moeurs, notamment et prioritairement sur les sujets qui touchent à la nature de l’homme (sa vie, sa dignité, etc) pour qu’il existe une réelle liberté. Preuve en est de l’avortement : combien considèrent cet acte comme un mal ? Il en va de même avec les unions homosexuelles. MJ]
Nono
@ M.
La liberté d’éducation que l’Eglise réclame n’est pas une liberté par rapport à la doctrine catholique, mais la liberté pour les familles par rapport à l’Etat.
Pourquoi en cette matière seulement ? parce qu’il s’agit de la formation de la conscience des enfants. Ce qui est sans prix et d’importance majeure.
M.
@ MJ :
La liberté de chacun s’arrêtant naturellement où commence celle d’autrui l’avortement, en tant que constitutif d’homicide, n’appartient pas au domaine de la liberté légitime de l’homme. On ne peut pas en dire autant de choix de vie, lesquels ne portent pas directement préjudice à autrui.
Pour être plus clair : il y a des vérités qui se défendent d’un point de vue rigoureusement rationnel et dont le respect peut, en conséquence, être très légitimement exigé de la société civile et il y a des convictions qui restent fondamentalement motivées par un sous-bassement religieux et dont il est illusoire de penser pouvoir les imposer à qui n’adhère pas à de tels présupposés.
[A quoi faites-vous allusion ? Il en va en effet de même de l’avortement et de la reconnaissance juridique des unions homosexuelles, puisque cette reconnaissance nuit à la promotion de la famille, cellule de base de la société, ce qui n’est pas une conviction religieuse mais une réalité naturelle, rationnelle que toutes les sociétés antiques savaient. MJ]
@ Nono :
Je me doute bien que l’Eglise ne réclame pas “une liberté par rapport à la doctrine catholique”… et je sais fort bien pourquoi – officiellement – elle réclame celles qu’elle réclame. Je m’interrogeais seulement sur le fait de savoir si elle n’avait pas tendance à ne revendiquer pour l’homme que les “libertés” qui lui conviennent le mieux, celles qui l’arrange.
Si elle n’avait pas, au fond, une conception de la liberté à géométrie variable.
M.
@ MJ :
La “promotion de la famille” est une notion très vague et qui pourrait d’autant plus facilement s’instrumentaliser qu’elle serait a priori considérée comme légitime. De plus, si la famille, telle que vous l’entendez est si naturelle qu’à-t-elle donc besoin d’être tant promue ? Alors qu’elle devrait en bonne logique s’imposer d’elle-même…
Pour le reste, il y a les idées qui s’appuient sur des faits tangibles (des cadavres, par exemple), ce en quoi elles se révèlent sans conteste comme vraies. Et il y a celles qui, ne correspondant à aucun fait positif, relèvent simplement de l’opinion et de la conception particulière du monde qui la sous-tend.
On peut être en droit de penser que l’homosexualité n’est pas un fait social désirable, sans pour autant en faire un crime pour la mettre au niveau de l’avortement. Si on le faisait, non content de diffamer gravement les homosexuels eux-mêmes, on bafouerait en plus les victimes sans nombre de l’infanticide prénatal.
Enfin, les sociétés antiques pensaient aussi que la terre était plate (les religieux musulmans l’affirment toujours). Et oseriez-vous affirmer que l’avortement se contente de “nuire à la promotion de la famille” ?
[Avec votre argument, on pourrait dire qu’il ne sert à rien de promouvoir la dignité de l’homme et de l’embryon, elle devrait s’imposer d’elle-même. Ce n’est pas le cas, vous le savez bien. Et pour la famille, les repères aujourd’hui disparaissent. Depuis le divorce, les familles recomposées, la polygamie institutionnalisée (se marier plusieurs fois est une forme de polygamie) et maintenant les unions homosexuelles. Oui, il faut repromouvoir la famille, cellule de base de la société.
L’homosexualié n’est pas un crime, mais sa reconnaissance achève de brouiller les repères familiaux, l’éducation des enfants, et à ce titre elle déstabilise la société, qui n’a pas besoin de cela aujourd’hui. L’avortement nuit à la famille ET est un crime contre l’enfant. MJ]
M.
@ MJ :
Je pense en effet que le respect de l’enfant non encore né mais déjà conçu et vivant devrait s’imposer de lui-même, étant de simple bon sens. Du moins à qui cherche la vérité avec désintéressement (et je n’y peux rien si cette espèce d’homme est rare).
Je ne suis pas persuadé que des mariages successifs constituent une forme de polygamie (l’Eglise les autorise d’ailleurs bien en cas de veuvage).
[En cas de veuvage justement, car c’est la mort seule qui peut séparer un couple légitimement marié. MJ]
Les unions homosexuelles m’indiffèrent absolument, je ne me sens tout bonnement pas concerné.
Je vous concède volontiers que la reconnaissance de l’homosexualité risque fort d’ajouter du trouble dans l’esprit de certains. Mais la vie de l’homme est toujours au risque de la liberté, sinon elle ne serait pas le temps de l’épreuve.
Les précédentes remarques n’interdisent pas de promouvoir une conception chrétienne de la famille, elles entendent avertir de la prétention qu’il y aurait à vouloir abusivement régenter les consciences et par-delà la société entière.
[Il ne s’agit pas de régenter les consciences et encore moins de faire la chasse aux homosexuels. Il s’agit simplement, pour le bien commun de la société, de ne pas reconnaître ni juridiquement, ni fiscalement les unions homosexuelles. MJ]