Réaction d’une lectrice, aînée de 8 enfants, suite aux propos d’Emmanuel Macron à Washington :
«Present me the woman who decided, being perfectly educated, to have seven, eight or nine children » : voilà ce que vous avez déclaré ce 26 septembre en marge de l’Assemblée générale à l’ONU. Et vous avez ensuite fait de la famille nombreuse l’équivalent du mariage forcé.
Monsieur le Président, vous avez insulté nos mères qui se donnent chaque jour pour nous, pour leurs sept, huit ou neuf enfants. Vous avez insulté des femmes qui ont choisi de donner la vie sans compter et sans s’économiser en se dévouant à une large famille.
Vous avez aussi insulté leurs enfants.
Monsieur le Président, on pourrait, pour vous défendre, rappeler que ce discours ne concernait que les femmes africaines et se voulait féministe, mais vous avez vous-même précisé que ces mots s’adressaient aussi à nos sociétés dans le cadre des inégalités hommes-femmes. La famille nombreuse serait donc, selon vous, le symbole du patriarcat masculin, et la maternité, qui plus est multiple, non seulement un fardeau pour toutes ces femmes, mais une oppression. Ayez des diplômes, pas des enfants !
Contrairement à ce que vous dites, on peut être une femme instruite, éduquée et faire le choix de la famille nombreuse. Certaines mamans allient même carrière et enfants du mieux qu’elles le peuvent, d’autres s’en occupent à temps plein de la maison. Ces femmes sont ouvrières, femmes de ménage, universitaires, institutrices, médecins, chef d’entreprises, secrétaires, polytechniciennes, ne vous en déplaise, Monsieur le Président ! Et pour être à la hauteur quelle mère de famille n’a pas été pour ses enfants à la fois infirmière, cuisinière, professeur et psychologue ? Ces femmes sont riches ou pauvres, travaillent à l’extérieur ou au sein du foyer, sont minces ou grosses, laides ou belles, mais toutes, Monsieur le Président, toutes, sont des êtres humains qui aspirent au respect.
La famille nombreuse n’est pas un système idéal, elle a ses difficultés, en particulier dans notre société française où elle est désormais traquée comme un obstacle au développement durable, une source d’appauvrissement pour le pays, ou au mieux montrée du doigt comme une espèce en voie de disparition dans les émissions télévisées. La politique familiale du gouvernement, qui, il y a encore quelques années, lui accordait un ministère et une médaille , en a fait progressivement la cible d’attaques d’une violence fiscale sans nom : baisse de 50 à 75 % des allocations familiales pour les familles françaises, augmentation de l’impôt sur le revenu par la baisse du quotient familial que vous aviez pourtant promis de remonter dans votre programme, suppression du supplément pour famille nombreuse des pères retraités, menaces de dé-conjugalisation fiscale.
Aujourd’hui, en affirmant qu’une femme « éduquée » ne peut pas sciemment décider ou espérer avoir de nombreux enfants, vous faites pression sur les femmes en leur dictant leur comportement, et vous vous faites le complice d’un monde du travail déjà cruel pour les mères de familles, d’une société où la rentabilité a pris le pas sur la générosité, et l’argent sur la démographie, et dans lequel les enfants rêvent, comme vous nous le dites si bien, de devenir des milliardaires plutôt que des héros.
Alors face à toutes ces insultes, je voudrais remercier ma mère, et à travers elle, toutes les mamans de familles nombreuses.
Merci Maman de nous avoir portés et accueillis. Merci de nous avoir torchés, nourris, grondés, câlinés, et conduits aux urgences lorsque nous avions 40° de fièvre.
Merci Maman d’avoir séché nos larmes avant de corriger tes copies, d’être allée sans faiblir à nos spectacles de fin d’année plutôt qu’au cinéma, à nos réunions de parents d’élèves (et tu en as beaucoup) au lieu d’avancer tes cours ou de finir tes articles et d’avoir veillé tard souvent pour que copies, articles, et cours soient prêts à temps avant de filer au matin à l’université.
Merci de nous avoir montré que l’on pouvait être femme, mère et s’accomplir en même temps dans son travail. Merci de nous avoir dit qu’il fallait admirer toutes ces femmes qui se consacraient entièrement à leurs enfants, sans même le bénéfice d’un salaire ou le secours d’une retraite.
Et que ce n’était pas parce qu’elles manquaient d’éducation, d’intelligence ou d’ambition, mais parce qu’elles n’avaient pas le cœur à l’étroit et qu’elles étaient prêtes à se donner par amour entièrement à leur nombreuse progéniture qui constitue, elle aussi, l’avenir de notre pays.
Si nous avoir élevé et t’être parfois sacrifiée fait de toi une idiote, alors merci, vraiment, Maman, d’avoir été aussi conne.
Quant à vous Monsieur le Président, sachez qu’il en existe ! Vous faut-il quelques cartes postales ? Les Américaines par leur hashtag postcards for Macronvous l’ont bien prouvé, et si vous le souhaitez, nous pouvons, nous, Français, vous en fournir quelques clichés, qui au lieu de subir votre mépris, devraient faire l’objet de votre admiration.