Frédéric Rouvillois, professeur de droit public et écrivain, répond au Figarovox :
"Le couronnement du nouveau roi d'Espagne Felipe semble exercer une certaine fascination en France, où la visite de la reine d'Angleterre il y a deux semaines a connu également un grand succès. Existe-t-il une nostalgie monarchiste en France?
Effectivement, il existe une nostalgie consubstantielle à la dimension sentimentale que possède la monarchie. Les rois et les reines exercent un pouvoir de fascination, ils font rêver: les enfants ne se déguisent pas en président et première dame, mais en princes et en princesses!
Mais au-delà d'une nostalgie teintée d'onirisme, il existe un attachement plus profond, qui tient à la nature même de la monarchie, pouvoir fondamentalement incarné. Les monarques sont à la fois éloignés et tout proches. La dimension familiale de la monarchie permet aux sujets de s'identifier profondément à leurs dirigeants, dont ils se perçoivent comme des parents éloignés. On appelait ainsi la famille royale la «famille de France». On a pu le constater notamment l'été dernier avec la naissance du «royal baby» qui a suscité des réactions de familiarité et d'affection au Royaume-Uni, mais aussi en France. Le régime monarchique est composé de deux principes contraires: un éloignement fantastique, qui inscrit le monarque dans une continuité historique, et une familiarité qui permet l'incarnation du pouvoir dans une famille.
Cette familiarité et cette continuité sont garants de certitudes et de repères solides qui manquent dans un régime républicain où personne n'est capable de savoir qui gouvernera dans 10 ans! La République est un régime abstrait ou personne ne gouverne puisque tout le monde gouverne.
L'instinct monarchique du peuple n'est donc pas simplement une nostalgie mais l'intuition fondamentale de la nécessité de bornes. […]"