Le patriarche syro-catholique Youssef III Younan est interrogé sur Terra Santa. Extraits :
"L'un des paradoxes de la crise syrienne est que les monarchies du
Golfe, qui sont majoritairement sunnites, cherchent à renverser le
régime syrien pour des raisons religieuses. Et les pays occidentaux, au
lieu de refuser le sectarisme et de tenter une médiation, soutiennent
les pays de Golfe à cause du pétrole. Nous devons nous demander pourquoi
l'Occident – une communauté de pays qui se disent laïcs, composée de
sociétés fondées sur les droits de l'homme et qui fait fi de la foi des
citoyens – accepte sans réserve qu’au XXIe siècle, l'Organisation de la
Conférence Islamique – composée de 57 pays musulmans ayant la même
appartenance à une religion commune – tienne un sommet en Arabie
Saoudite pour prendre des décisions politiques!Vous avez parlé d' «opportunisme économique» …
Bien sûr, parce que le langage de l'Occident est politiquement
correct alors que les grandes puissances ne veulent pas affronter les
contradictions des pays qui siègent à l'ONU et qui refusent de donner
les mêmes droits à tous les citoyens, quelle que soit la religion à
laquelle ils appartiennent. On critique par exemple la Chine pour les
traitements réservés aux dissidents politiques, mais pas un mot sur les
dépenses de l'Arabie Saoudite, à cause du pétrole. C'est une attitude
que je n'hésite pas à définir d’économiquement opportuniste.Les chefs religieux des chrétiens de Syrie n'ont pas
immédiatement soutenu la révolte. Que répondre à ceux qui vous accusent
de soutenir une dictature?En tant que chefs religieux, nous devons redire encore une fois: nous
ne sommes ni pour une personne, ni pour une famille, ni pour une secte,
ni pour un système politique contre un autre. Au contraire, nous sommes
soucieux du sort de la population syrienne, nous vivons attentivement
le déroulement de cette crise. Et tous ces derniers mois nous n'avons
rien fait d'autres que de demander à tous ceux qui sont impliqués dans
le conflit de déposer les armes et de s'asseoir autour de la table avec
un médiateur international, principalement les Nations-Unies en
collaboration avec l'Union européenne et d'autres pays tels que la
Russie. […] Nous, chrétiens du Moyen-Orient, en
particulier en Syrie, en Irak et au Liban, nous nous sentons abandonnés
par l'Occident connu pour être un monde civilisé, parce que les
politiciens ne font que des promesses et ne poursuivent que leurs
propres intérêts économiques.[…] Que va
devenir le christianisme dans cette région dans 20 ou 30 ans? C'est le
plus grand défi que nous vivons aujourd'hui, en ayant en tête les
massacres d’il y a un siècle en Turquie, le conflit en Terre Sainte, la
crise sanglante en Irak après l'invasion de 2003 et les terribles
combats qui dévastent la Syrie."