Gabriel Privat, enseignant en histoire-géographie, a publié un roman historique sur les polémiques entourant le bicentenaire de la naissance de Napoléon. Il a rédigé ce roman entre 2017 et 2020, bien loin de penser que les polémiques sur le bicentenaire de Napoléon le recouperaient à ce point. Cet ouvrage littéraire politique, réflexion sur l’amitié, l’Etat et la France, peut apporter une pierre utile à la réflexion autour des commémorations historiques, par le prisme de la littérature.
A Paris, au commencement de l’année 2021, le gouvernement s’apprête à commémorer les deux cents ans de la mort de l’Empereur Napoléon. Une avocate quinquagénaire d’origine martiniquaise, Mélanie, ne l’entend pas de cette oreille. Au nom de ses ancêtres, elle compte mener une bataille folle pour l’exhumation des cendres de l’Empereur, considéré comme raciste et esclavagiste. En pointe de ce combat elle pousse son compagnon, le très médiatique journaliste de télévision Léo Goupil, qui aura à affronter d’abord un vieil ami de khâgne, le ministre de la Culture, François Fuchs, puis un autre de ses anciens condisciples de classe préparatoire, l’historien Maurice Vilnasky, marié à Madeleine d’Aiglemont, fille de la noblesse d’empire.
Ces personnages vont s’affronter dans des passe d’armes politiques où leur amitié sera mise à mal. Autour d’eux s’animent les plus hauts commis de l’Etat, des agitateurs politiques et des hommes de médias.
Rapidement, la lutte leur échappe. Du débat d’idées entre représentants d’une haute société parisienne, nous évoluons vers une bataille plus brouillonne où se réveillent tous les communautarismes. La situation devient incontrôlable et l’avenir plus incertain pour le tombeau impérial. Au plus fort de la mêlée se fraie le passage un anonyme, Aimé, jeune lycéen de Châteauroux, originaire lui aussi de La Martinique. Son action sera déterminante.
Le livre met en lumière la façon dont le pays est actuellement gouverné, ou plutôt administré, comme l’explique le ministre de la culture du roman :
Gouverner ? Mon pauvre Maurice, nous ne gouvernons plus. Du moins pas au sens où tu l’entends. Nous administrons le quotidien. Assez bien d’ailleurs, je dois dire. Mais pour ce qui est de réfléchir, concevoir et agir… Non ! Là il n’y a plus personne. Oh ! Bien sûr nous produisons des plans aux titres ronflants. Tiens, par exemple, fit-il en désignant un dossier sur son bureau, là c’est “France 2.0 horizon 2030”. Pas mal ! Hein ? Mais c’est de la technique, de la tambouille. Nous ne réfléchissons plus au cadre, nous nous laissons guider par lui. Les détracteurs du gouvernement en place accusent toujours les ministres de lâcheté et s’exclament : “Le vrai pouvoir est ailleurs.” Il faut entendre par là que le pouvoir serait à Bruxelles, chez les GAFA, à la BCE, et où sais-je encore ? La vérité, c’est qu’il n’y a plus de pouvoir nulle part. Le pouvoir s’est liquéfié, comme la société. Je veux dire par là que les maîtres, les vrais maîtres, ceux qui contemplent, méditent et ordonnent, ont disparu. Ceux qui restent sont immobilisés par l’inertie d’un monde désormais atomisé. Parfois, on croit que ça va bouger, mais rien ne change.