Rod Dreher a été interrogé dans le numéro de juin de La Nef. Extrait :
Nous sommes déjà dans ce que j’appelle un « soft totalitarisme ». Je l’appelle soft ou doux pour plusieurs raisons. Premièrement, comme il ne ressemble pas à la version soviétique, avec les goulags, il est plus difficile à détecter. Deuxièmement, il fait croire qu’il est plein de compassion envers les victimes. Pourtant, c’est toujours du totalitarisme ! Il y a vingt ans, René Girard l’a compris. Il disait : « Le processus actuel de démagogie spirituelle et de surenchère rhétorique a transformé le souci des victimes en un commandement totalitaire et une inquisition permanente. »
Un ordre totalitaire est un ordre dans lequel il n’y a qu’un seul point de vue politique acceptable, un ordre dans lequel toute la vie est politisée. Cet ordre est en train de conquérir les institutions de la vie dans l’Anglosphère à une vitesse stupéfiante. Ce qui est doux aujourd’hui va devenir dur.
Soljénitsyne a dit que le communisme a conquis la Russie parce que « les hommes ont oublié Dieu ». C’est vrai pour nous aussi, à notre époque et dans notre pays. Nous avons tourné le dos à Dieu et constatons qu’il est impossible de construire une civilisation vivifiante sans Lui. Michel Houellebecq est un grand diagnosticien du malaise fatal de l’Occident. Lorsque la dimension transcendante de la vie a été oubliée, ou qu’elle est niée, les gens tentent de combler le vide de Dieu en eux par le sexe, le shopping et l’hédonisme. Et lorsque cela ne fonctionne pas, ils se tournent vers une pseudo-religion politique.
Le livre de Hannah Arendt, Les origines du totalitarisme (1951), étudie la façon dont l’Allemagne et la Russie sont tombées dans le totalitarisme. Tous les signes majeurs identifiés par Arendt sont présents aujourd’hui, en particulier notre profond sentiment d’atomisation sociale, notre amour de la transgression et notre mépris de la vérité. […]
Je crois que les choses vont devenir plus claires avec les moins de quarante ans. Ils sont beaucoup plus anxieux que les générations précédentes. Beaucoup d’entre eux renonceront volontiers à leurs libertés politiques en échange d’une garantie de plaisir personnel et de sécurité. Ils n’accepteront pas seulement un totalitarisme mou, mais l’exigeront. Un professeur m’a raconté qu’il avait cessé d’enseigner le roman d’Aldous Huxley, Le meilleur des mondes (1932), parce qu’aucun de ses étudiants ne reconnaissait qu’il s’agissait d’une dystopie ; ils trouvaient tous que cela ressemblait à un paradis.
Bernard Mitjavile
J’ai eu la même réponse d’un jeune concernant le meilleur des mondes. “Mais les gens sont contents, ce n’est pas si mal avec la drogue en libre service” disait-il.
margot
Alexandre Soljénitsyne nous a avertit depuis son discours d’Harvard en 1968 que nous aurions à faire à un totalitarisme en occident et que nous devrions mobiliser le courage qui manque à notre civilisation contemporaine pour y faire face.
Grégoire
Je dirais que c’est un “Totalitarisme Lent” : Les changements qu’il opère sont lents mais profonds et inexorables (sauf à l’identifier et le contrer, ce qui commence à se faire). Si les changements que nous observons en 50 ans avait eu lieu en 5 ans, tous nos contemporains auraient hurlé : mais là ça passe doucement sous couvert de progressisme matérialiste. (cf analogie de la grenouille dans l’eau qui chauffe).
A.F
Le mot juste est “dictamolle sournoise”.
Collapsus
Aldous Huxley était agnostique (mais assez fasciné par les religions orientales), darwiniste et s’adonnait au LSD. Il n’est pas certain que son Meilleur des Mondes ait été écrit avec la visée satirique qu’on lui prête aujourd’hui et on peut même se demander s’il ne dessinait pas un monde parfait d’inspiration eugéniste où chacun était programmé lors de sa conception artificielle pour tenir sans états d’âme ou jalousie sa fonction sociale pré-déterminée. Ce n’est pas étonnant que certains jeunes soient aujourd’hui attirés par un tel univers concentrationnaire et utopique. Mais c’est très inquiétant.
F. JACQUEL
Pour mémoire, G.Ou.Lag. est l’acronyme de “Главное управление лагерей, Glavnoïé oupravlénié laguéreï, qui signifie « Administration principale des camps »”.
En France, nous appelons cet organisme la “Direction de l’administration pénitentiaire”.
La différence est de plus en plus mince.
philippe paternot
si vous vous en apercevez et que ça ne vous convient pas, allez le dire en votant