Médiapart s’étrangle :
Les débats sur l’immigration réclamés par l’Italie, la Hongrie ou la Pologne, ont dominé le sommet européen jeudi à Bruxelles. Sans décision majeure sur le fond du dossier. Juste une confirmation du glissement toujours plus à droite des équilibres du Conseil.
Durant les années 2010 marquées par la crise des dettes souveraines, les sommets européens étaient souvent précédés de réunions informelles. Une heure avant le début du sommet, les dirigeant·es français et allemand – Nicolas Sarkozy puis François Hollande, avec Angela Merkel – se retrouvaient dans une salle de travail à l’un des étages du Conseil, pour s’entendre sur quelques points clés en amont. Pour Paris et Berlin, c’était une manière, souvent autoritaire, de cadenasser les débats les plus sensibles pour la suite de la journée.
Dix ans plus tard, le couple franco-allemand est en lambeaux, en perte d’influence à Bruxelles. Et c’est la présidente du Conseil italien, issue d’un parti post-fasciste, qui donne le la. En amont du sommet, Giorgia Meloni avait réuni ce jeudi matin, dans la salle de travail de l’Italie au huitième étage du bâtiment, quelques-uns de ses alliés pour leur parler de l’un de ses sujets de prédilection : l’immigration.
Autour de la table siégeaient son allié hongrois Viktor Orbán, et les dirigeant·es d’Autriche, de Chypre, de Grèce, des Pays-Bas, de Slovaquie, du Danemark (la sociale-démocrate Mette Frederiksen), ou encore de Pologne (le libéral Donald Tusk), sans oublier la présidente de la Commission, Ursula von der Leyen, qui vient de plaider pour des « solutions innovantes » afin de contrer l’immigration.
Durant ce mini-sommet avant le sommet, Meloni a présenté les grands axes de l’accord qu’elle a conclu en 2023 avec l’Albanie, petit pays aux frontières de l’UE où viennent de s’ouvrir des centres de traitement des demandes d’asile gérés à distance par l’Italie. « L’ambiance a changé en Europe » sur les questions migratoires, s’est ainsi félicité Dick Schoof, ce Néerlandais sans affiliation partisane, devenu premier ministre après avoir bénéficié du soutien de Geert Wilders, l’allié de Marine Le Pen aux Pays-Bas.
Interrogé dans Le Figaro, François-Xavier Bellamy assume cette alliance des droites :
[…] Nous vivons surtout une nouvelle donne politique en Europe. Au Parlement, le PPE a grandi, et il a gagné une position incontournable, alors que la gauche a beaucoup diminué. Pendant le dernier mandat, une alliance régulière réunissait contre nous des élus allant de Renew (parti macroniste) jusqu’à l’extrême gauche, pour imposer la décroissance environnementale, l’inflation normative, l’impuissance migratoire… Désormais, cette alliance de gauche n’a plus de majorité. Dans cette position de force, nous avons une occasion inédite de permettre enfin un changement profond en Europe.
N’existe-t-il pas un risque pour le PPE de s’allier avec des partis jugés « populistes » ou « extrémistes » ?
Au Parlement, nous défendons simplement notre ligne. J’ai pris des engagements clairs pendant la campagne européenne, et avec les élus de notre délégation, nous allons désormais décliner notre projet. Nous mettrons nos propositions sur la table, et chacun assumera son vote. Ma seule obsession est d’agir et d’obtenir des résultats. Si la gauche refuse encore de voir la réalité du défi migratoire, elle continuera de se couper des classes populaires. Libre à elle de persister dans le déni ; mais personne ne pourra nous reprocher de défendre nos idées, et de tenir parole devant les Français. […]
En 2019, Emmanuel Macron appartenait à une force politique importante en Europe ; elle s’est effondrée en cinq ans. Le groupe Renew est devenu le cinquième au Parlement européen, et le président de la République est désormais très isolé. Cette fin de cycle se paie cher pour la France. C’est plus que jamais sur nous, au sein du PPE, que repose l’influence française en Europe. […]