"Le 11 septembre prochain, Shuhei Hirayama visitera, en famille, le château de Versailles. La date est fixée depuis de longs mois. Ce séjour en France, ce cadre moyen de Kyoto en chérit l’idée depuis longtemps. Sur les six jours que Shuhei passera en France, il a décidé d’en consacrer un entier à Versailles. Fasciné de longue date par le Roi- Soleil, il piaffe d’impatience de déambuler parmi les salles du palais de Louis XIV. Et là, stupéfaction : au salon de Mars, il ne verra qu’une seule chose […] : un homard gonflable géant, en aluminium, pendu au plafond au centre de la salle. Plus loin, dans la galerie des Glaces, c’est un immense pouf en Inox qui monopolisera l’attention. Dans le salon de l’Abondance, un lapin, toujours gonflable et toujours en Inox, parasitera le décor de l’appartement de la reine. Consterné, Shuhei n’échappera à aucune des dixsept oeuvres de l’exposition “Jeff Koons-Versailles” […]. De ce château qu’il ne reverra peut-être jamais, Shuhei repartira avec l’image d’un bestiaire gonflable et bariolé, ineffaçablement accolé dans sa mémoire à ces lieux où il imaginait retrouver intacte l’image d’une splendeur royale disparue. […]
[S]i on laisse Koons envahir Versailles avec la bénédiction des plus hautes autorités culturelles et la sanctification des médias, qui se sentira le courage de lui dénier la qualité d’artiste, quand bien même dans son for intérieur il ne verrait dans ses oeuvres qu’un enfantillage de mauvais goût ? Cette canonisation par capillarité explique que l’art contemporain ne veuille plus se cantonner aux lieux d’exposition qui lui sont propres,mais vienne traquer le spectateur n’importe où, jusque dans les refuges où celui qui ne le goûte pas pensait en être préservé. Mais a-t-on encore le droit de ne pas l’aimer ? […]
Dominateur par nature, « totalitaire » ose même Christine Sourgins dans les Mirages de l’art contemporain (La Table ronde) – puisque, par le label “contemporain”, il prétend être tout l’art de son époque, écartant de facto les artistes qui ne partagent pas ses lubies –, l’art contemporain ne veut plus se contenter des innombrables musées qui lui sont consacrés, de trôner dans les bâtiments publics, les places ou les jardins de nos villes et de nos villages : dernier stade de la métamorphose de cet art qui se voulait révolutionnaire en art officiel, il faut qu’il s’impose encore là où l’on aurait cru pouvoir lui échapper, à Versailles, au Louvre, à Chambord – demain à Notre-Dame ? […] Puisque Versailles ne peut pas se défendre contre ces vampires, à nous de le faire avec les armes indémodables de l’indignation et du bon sens."
On a le droit de vouloir que Versailles demeure Versailles.
furgole
Lors de quelques jours de vacances aux Etats-Unis, j’ai pu m’entretenir avec des propriétaires de quelques galeries de bon niveau. Tous ont eu la même réaction à propos de l’art officiel conceptuel que l’on dénomme par abus de langage “art contemporain”. Tous ces galeristes sont unanimes: cet art qui sévit encore chez nous avec un quasi-monopole est chez eux “a thing of the past”. Il ne s’agirait dès lors que d’une bulle soigneusement maintenue par des pseudo-élites et des spéculateurs véreux, d’une forme de “création” qui ne peut faire parler d’elle que par la provocation et le blasphème, qui ne peut attirer du monde à ses expositions qu’en y drainant de force les enfants des écoles
Henri
Il y a quelques mois, les versaillais avaient empêché une exposition iconoclaste de C. Lacroix dans la chapelle du château de Versailles avec des arguments plus musclés que l’indignation et le bon sens. J’ai peur que de nouveau les “armes indémodables” que vous proposez ne suffisent pas devant la grosse artillerie déployée par les “contemporains”.
Réccarède
On attend Alexandre Simonnot pour crever ces objets gonflables.
Jean
A Mulhouse,je passais parfois devant des colonnes auxquelles je n’avais jamais prêté attention. Aussi quand une amie catholique (la précision a son importance : le dégoût de l’art contemporain est comme la foi chrétiene, assimilé par les contemporains au fascisme) m’a parlé de son dégoût pour ces oeuvres d’arts, j’ai cherché en vain dans ma mémoire ces constructions. C’est en repassant devant, que j’ai remarqué les colonnes de Jean-Pierre Raynaud, sans les chercher du regard ! Mulhouse a aussi du “Buren”…
Et, à propos de Buren, l’éminent et inventif artiste a créé des arches disposées sur le passage du tram. On a ainsi fait entrer une “vile ville ouvrière” dans la magie de la connaissance du beau.
http://www.art-et-voyage.com/blog/index.php?2006/02/20/16-artistes-en-ligne-buren-et-tobias-rehberger-pour-le-tram-a-mulhouse
http://mulhouseleblues.over-blog.com/categorie-268966.html
A Strasbourg, j’ai eu le bonheur de découvrir des oeuvres d’arts particulièrement denses : des sachets poubelles accrorchés à un carton. Et surtout, une boîte rouge mise à la disposition du public par un étudiant en Art, lequel public était invité à la recouvrir de grafitis durant quelques mois (toutefois, il ne faut pas pousser l’abstraction trop loin : le quidam émerveillé était invité à ne pas subtiliser l’oeuvre !) : “non à la réserve !”, etc., tels étaient les messages apposés sur l’oeuvre en vue de lui apporter une plus value.
Et que dire de cet artiste dont la propriété est une pollution visuelle permanente pour qui n’y connaît rien à l’art sacré ! Sacré est le mot puisque l’heureux possesseur a intenté un procès à Présent et au cardinal Barbarin, franchement vexé qu’ils aient parlé de “négation de l’art ” ! Ces fameux défenseurs du relativisme, il ne faut surtut pas les vexer !
Mais que voulez-vous : on nomme le bien mal et le mal bien, le beau devient le laid et inversément ; et marcher sur la tête est la preuve (nec plus ultra gogo) de l’évolution ! Cette nouvelle conception de l’art n’est pas anodine, elle trahit un renversement de valeurs même spirituelles…
“Les arts sortent du temple” disait Lamenais… de quel temple, là est la question.
mme
Qui décide : qui a le droit d’aller exposer ses soi-disant oeuvres dans un chateau si prestigieux et qui coûte si cher à restaurer ?
Et combien a payé cet “artiste” ?
A t-on pensé aux touristes qui auront ces “choses” sur leur photos ?
On a tout de même le droit de visiter un chateau sans avoir à souffrir ces sal….ries qui n’ont rien à faire là !
De qui se moque-t-on ?
A notre époque, il faut vraiment tout supporter !!!
amdg
Hélas, je ne suis pas sûre qu’on ait encore le droit de ne pas aimer l’art contemporain. En tout cas, on a peut-être encore le droit de ne pas l’aimer en silence et au fond de son coeur et en très petit comité (toutes portes fermées en se méfiant des oreilles qui traînent) parce que, si mes souvenirs sont bons, le Cardinal Barbarin fait actuellement l’objet d’une plainte en justice pour avoir critiqué des oeuvres d’art dit Contemporain. On en est déjà là. L’Art dit Contemporain, avec l’antiracisme, la discrimination positive, l’homosexualité, l’Islam etc.. fait partie des nouveaux tabous imposés à tout en peuple pour réduire sa liberté de penser et d’agir et l’asservir à un nouvel ordre mondial qui est une sorte de religion laïque aux dogmes intouchables.
mme
@ amdg
Bien dit, je suis d’accord avec vous.
La dictature s’installe et tout le monde se trouve anesthésié par tant de lois. Je crois que notre époque bat des reccords.
zazie
le 6 juin (sic!) 2007, Monsieur Aillagon a été nommé par décret “patron” du Château de Versailles ; ce monsieur est “un proche” de Chirac, et si j’en juge par la date de nomination, c’est aussi un “protégé” de Sarkozy….Etonnez vous après cela que celui qui a succédé à Madame Albanel, je crois, ne se contente plus d’occuper la chapelle pour un défilé profane quand même créé par un véritable artiste…Avez vous entendu parler des bottes de paille qu’il a fait installer dans le parc du château pour le “picnic” du 14 juillet ? Je me demande combien le nettoyage a coûté aux contribuables….
J’ai bien aimé l’article de VA qui montre bien qu’il y a “prise de territoire” ; c’est le même processus que pour les tags sur nos murs et….pour le monde animal ai-je entendu dire ; on laisse ses déjections sur la propriété d’autrui, puis on s’installe!
pestacide
Il doit bien y avoir un(e) directeur (trice) pour gouverner ce monument ! Qui a bien pu décider, voire solliciter, une telle exposition ?