Extrait d'une réflexion d'Henri Hude parue dans le dernier numéro (743, Octobre 2011) de la Revue de la Défense Nationale :
"Quand un système financier menace ruine, la première menace pour la sécurité nationale, c’est la difficulté prévisible de son financement. Et la première façon de défendre la nation, c’est alors de préparer son redressement financier. L’argent est le nerf de la guerre. La désunion que provoquent les crises économiques est de nature à miner la défense de n’importe quel pays. Et le spectacle d’un État en déconfiture n’inspire plus aucun respect et attise les appétits.
Mais pour faire face au problème central, il faut de l’honnêteté intellectuelle, qui oblige à des remises en cause nombreuses et fondamentales. Faute de telles réorganisations mentales en temps utile, la principale menace prévisible contre la sécurité nationale, ce sont la faillite et la révolution sociale. Il est d’usage de dénoncer les spéculateurs. C’est entendu, ils sont sordides. Dire qu’ils sont la cause de tout, c’est participer à un mensonge collectif. Les investisseurs économiques à long terme peuvent battre les spéculateurs, à partir du moment où les fondamentaux sont sains. Dans le cas contraire, les spéculateurs peuvent mettre par terre un État. […]
Des facteurs productifs qui s’en vont, pas de croissance, une économie portée par la consommation et une consommation portée par la dépense publique, elle-même financée par des impôts sur le travail et par la dette : un tel système n’est pas durable et se rapproche donc constamment du moment où ça casse. Il y a des fois où les spéculateurs sont tout simplement ceux qui posent au bon moment la question qui fait mal, en ayant pris les positions pour en profiter. Et on les déteste alors comme on déteste un principe de réalité. Un jour vient où on ne peut plus fuir en avant. Alors, pour pouvoir continuer à s’endetter, ou pour payer simplement les intérêts de la dette, il faut diminuer les dépenses publiques. […]
Ne pas reconnaître une telle situation, et tirer ses dernières cartouches en traitant en urgence des crises de liquidités à répétition, c’est aussi absurde que de faire une seconde offensive des Ardennes en 1944. Cette absurdité a pour unique avantage de hâter le dénouement. Si des dirigeants d’entreprise mentaient aux marchés comme les classes politiques mentent aux corps électoraux, ils se retrouveraient tous en prison. On peut mentir au peuple, on ne peut pas mentir aux marchés. La corruption politique fondamentale est de ne pas poser les bonnes questions. Elle est de traiter comme des crises de liquidités des problèmes de solvabilité à terme, et de ne pas vouloir voir derrière ces problèmes de solvabilité le problème de rentabilité, ou de compétitivité du travail, des Français – et les autres problèmes fondamentaux du système."
HV
Bien vu – avec des reserves sur le “ils sont sordides”. Les “speculateurs” ont souvent une utilite sociale: si j’estime – apres des analyses poussees, fondees sur des annees d’etudes, et avec une sanction sonnante et trebuchante si je me trompe – qu’il y a une distortion dans le marche, ma “speculation” tablant sur son retablissement tendra a limiter cette distortion, et a hater sa resorbtion, ce qui contribue au bien commun.
Noe
Les spéculateurs sont souvent les mêmes personnes que les bailleurs de fonds de l’Etat. Il faudrait mettre un nom derrière les turpitudes ici dénoncées. En l’occurrence nous arrivons à la fin d’un cycle marqué par la libéralisation des marchés financiers et l’obligation faite aux états membres de la zone euro de se financer auprès des banques privées. Dans un premier temps, l’Etat a pris le risque crédit des banques insolvables à sa charge en acceptant de financer les plans de sauvetage, de manière à ce que les banquiers continuent à exercer leur fonction de financement de l’économie et de l’Etat. Maintenant que le risque crédit s’est transformé en risque souverain, c’est aux Etats eux-mêmes de se retrouver en état de faillite, dans un contexte où les banques n’ont pas fini d’épurer leurs bilans des instruments financiers financés par les bons du trésor émis par elles. On se retrouve donc dans cette situation ubuesque de faillis se finançant l’un l’autre à coups de création de monnaie fictive, en espérant que la croissance revienne pour éponger une partie des mauvaises dettes en excédent. Malheureusement la croissance elle-même est compromise du fait de l’effondrement de la consommation, du fait des restrictions apportées par l’Etat à ses déficits budgétaires et des augmentations fiscales. Dans ces conditions, on ne s’étonnera pas que les spéculateurs, ie investisseurs du marché, jouent le marché à la baisse, dans la mesure où le niveau actuel ne reflète plus la réalité économique. Certes il est possible de fermer la bourse, mais cela ne changera rien à l’affaire, à savoir que plus personne n’est en mesure de financer des états insolvables en période de stagflation généralisée. Jusqu’à présent c’était le travailleur chinois qui payait pour le rentier occidental grâce aux gains de productivité. Avec la hausse du niveau de vie en Asie et le transfert de nos actifs dans cette région du monde, un réajustement des niveaux de rémunération s’impose entre l’Est et l’Ouest. la période d’adaptation risque d’être pénible, d’une part à cause des mauvaises habitudes prises de vivre à crédit et d’autre part à cause de la perversité du système monétaire qui crée de la monnaie sous la forme de dette, ce qui peut paraître très profitable un moment à l’Etat et aux multinationales qui l’utilise comme moyen de financement, mais qui s’avère catastrophique quand il faut il faut éponger l’endettement excédentaire sans pouvoir compter sur des forces économiques alternatives qui ont été asphyxiées par la dette et la pression fiscale.
[Il n’y a pas d’obligation des Etats de se financer auprès des banques, de même qu’il n’y a pas d’obligation des Etats d’avoir un budget en déséquilibre.
MJ]