De Jean de Saint-Jouin sur L’Homme nouveau :
[…] Le vêtement n’est pas neutre et entretient une très complexe relation avec notre être. En effet, s’il constitue une sorte de médiation entre la personne et le monde qui l’entoure en projetant l’image d’une partie intégrante de qui nous sommes, il a aussi une autre fonction, qui semble avoir été complètement oubliée. En effet, le vêtement structure notre être en lui rappelant de manière sensible quelle attitude nous nous devons d’entretenir avec le monde qui nous entoure. Le vêtement est maitre des âmes.
1er mouvement : Dire qui nous sommes
Le policier a son képi. Le moine son habit. L’employé de la grande chaine son uniforme. Le roi sa couronne. Le businessman sa cravate. L’avocat sa toge. Le prisonnier ses rayures. Le mécanicien son bleu de travail. La mariée sa robe immaculée. Le dormeur son pyjama. Se vêtir annonce, d’une façon ou d’une autre, quel rapport nous entretenons avec les autres, c’est-à-dire le rôle que nous jouons. Il s’agit de l’actualisation de codes sociaux complexes, propres à chaque époque civilisée, et qui ont un rôle très importants. On cherche pourtant aujourd’hui à renoncer à cette médiation en dissociant le vêtement du rôle politique (au sens le plus large) de chacun. Ironiquement, la nature reprenant ces droits, nous n’avons fait que raffermir le lien de manière plus solide encore. Représentants d’une génération insipide et sans culture, nous en avons pris l’habit. Du coup, le mauvais goût est devenu la référence et le vulgaire, tout naturel.
On habille les femmes en hommes et les hommes en singe. C’est Darwin fait couturier. De toute façon, quand les professeurs se fringuent en fermier on récolte des générations de navets.
2e mouvement : Structurer le soi
Le mot habit a la même racine qu’habitus, cette disposition morale stable, soit vice, soit vertu. Et l’effet dudit vêtement sur l’homme interne est étonnant. Observez ce jeune homme, habitué aux guenilles, et déambulant avec une démarche toute néandertalienne. N’est-ce pas miracle de le voir soudain quasi homo erectus par l’effet d’un probable « veston manquant » ?
N’avons-nous pas tous l’expérience de cet effet d’uniforme qui modifie nos actions ? Qui nous rappelle à ce que nous devons être ? À comment nous devons nous comporter? […]