C'est pourquoi Jean-Frédéric Poisson ne votera pas cette révision :
"La révision de la Constitution engagée par le Président de la République passe à côté du sujet. On ne révise pas la Constitution en temps de guerre, ni dans des circonstances troublées, ni soudainement. En lui-même, le choix du calendrier est déjà suspect. D'ailleurs, elle n'est pas faite pour traiter la question centrale de la sécurité des Français en temps de menace terroriste. Elle est conçue comme une espèce de mauvais coup politique, dont la Constitution elle-même devient de ce fait un simple instrument. De la même manière qu'elle instrumentalise scandaleusement les victimes des attentats de novembre dernier.
Mais surtout, cette révision est inutile. Elle n'apportera en elle-même rien de décisif pour la sécurité des français, sur aucun des deux sujets qu'elle entend couvrir: la déchéance de nationalité, et la constitutionnalisation de l'état d'urgence.
En ce qui concerne la déchéance de nationalité, on se moque des français. Certes, cette mesure est d'une portée symbolique réelle: elle confirme qu'une personne coupable de crimes terroristes s'exclut elle-même de la communauté nationale, ce que le droit doit pouvoir constater, fermement. Mais pour être réellement efficace, cette mesure doit s'accompagner de deux autres : d'abord, une condamnation pénale définitive, qui est la condition de son déclenchement. Et ensuite l'expulsion du territoire national du terroriste condamné: comment expliquer qu'une personne exclue de la communauté nationale puisse être encore la bienvenue sur notre territoire? Condamnation, déchéance, expulsion: inscrire dans la Constitution la déchéance de nationalité et la rendre efficace devraient conduire F.Hollande à inventer ensuite la triple peine! Mais puisque les socialistes n'iront pas au terme de l'efficacité en la matière, cette réforme est parfaitement inutile. […]
Au total, la vraie raison de cette révision constitutionnelle est ailleurs: le Président de la République recherche une majorité nouvelle, dont cette révision est censée constituer la première étape. Et il escompte que soixante pour cent des parlementaires lui apporteront leur soutien, à un an de l'élection présidentielle. […]"