Partager cet article

France : Société

“On prépare les esprits à l’holocauste familial au moment même où l’État a cessé d’être une patrie, où la France n’a plus de frontières”

“On prépare les esprits à l’holocauste familial au moment même où l’État a cessé d’être une patrie, où la France n’a plus de frontières”

De François Vannesson, avocat, suite au discours du chef d’État-major des armées Fabien Mandon au congrès des maires de France :

On a vu un homme droit. L’uniforme impeccable, la mâchoire ferme, la voix grave, posée, modulée comme un clairon au matin d’une levée de corps.

Il parlait d’ennemis, de volontés, de pays qui meurent quand ils refusent de mourir. Il convoquait la grandeur, la patrie, les mânes du sacrifice. Il appelait à se tenir prêt, à consentir à ce que les fils tombent pour que la nation tienne.

Cependant, ce discours-là, qu’on voudrait nous vendre comme un sursaut, n’est que le masque tragique d’un renoncement ancien.

Ce qu’on a vu, ce n’est pas un chef, c’est un homme de devoir tenté de prêter sa noblesse à un pouvoir qui n’en a plus.

Ce n’est pas la voix de la France éternelle, c’est l’écho martial d’une République en bout de souffle qui cherche dans la mort ce qu’elle ne sait plus exiger dans la vie.

Qu’un général rappelle que les guerres coûtent du sang n’a rien d’indécent.

Ce qui l’est, c’est le contexte.

Ce qui l’est, c’est le fond moral dans lequel s’inscrit cet appel au sacrifice.

Ce qui l’est, c’est qu’on prépare les esprits à l’holocauste familial au moment même où l’État a cessé d’être une patrie, où la France n’a plus de frontières, plus de repères, plus de souveraineté, plus d’âme.

On veut des enfants prêts à mourir pour des lignes rouges qu’on efface en coulisses, pour des alliances qu’on subit, pour des intérêts qu’on n’assume pas.

Mais mourir pour quoi, exactement ?

Pour l’Ukraine ? Pour une Europe sans contour, sans volonté, sans épine dorsale ?

Pour le droit de faire la guerre à distance tout en évitant les mots qui fâchent, les responsabilités qui pèsent, et les finalités qui obligent ?

Moi, je n’ai pas élevé mes enfants pour qu’ils meurent dans des conflits que je ne comprends pas, sur des théâtres dont les maîtres mots sont opacité, duplicité, compromission.

Je ne les ai pas aimés pour qu’un président sans cap les transforme en chair à dissuasion. Je ne les ai pas protégés pour les livrer à un storytelling militarisé, bardé de valeurs en toc, de rhétorique du tragique plaquée sur l’indigence stratégique.

Je suis prêt à mourir, oui.

Mais d’abord pour eux.

Et s’il faut un jour verser le sang, ce ne sera pas pour réparer l’impuissance diplomatique de Bruxelles ou masquer l’effondrement moral d’un pouvoir qui a troqué la patrie contre le pacte budgétaire.

Je ne me bats pas contre l’armée, je me bats pour qu’elle ne soit jamais l’instrument d’un pouvoir qui n’a plus le droit de commander au nom du pays.

Je ne me bats pas contre le chef d’état-major, je me bats contre le mensonge qui consiste à faire porter sur les pères le poids des abandons du politique.

Je ne me bats pas contre l’idée de sacrifice, je me bats contre sa confiscation par ceux qui n’ont jamais assumé un seul des leurs.

Ce n’est pas à la nation de se mettre au service d’un appareil politique en faillite. C’est à l’État de redevenir digne de ses soldats, de ses familles, de ses morts, de ses serments.

Et tant que cette condition ne sera pas remplie, tant que l’on ne défendra pas d’abord nos intérêts véritables – ceux de la France, de son peuple, de son territoire, de son héritage – je refuserai de m’agenouiller devant la statue creuse du sacrifice.

On ne redresse pas une nation par le pathos.

Ce n’est pas en exaltant la mort qu’on ressuscite une volonté politique.

Ce n’est pas en convoquant Thucydide devant les maires qu’on fait oublier que depuis quarante ans et encore plus depuis 7 ans, on a déserté le réel, trahi la souveraineté, renoncé à tout ce qui fonde une autorité légitime.

La puissance ne se décrète pas à coups de slogans martiaux : elle s’enracine dans la vérité. Et la vérité, c’est que ce pays n’est pas prêt à faire mourir ses enfants parce qu’il n’a même plus le courage d’être lui-même.

Qu’on m’entende, je ne nie pas les menaces. Je vois le chaos du monde, les fractures géopolitiques, les tensions systémiques, les périls qui s’accumulent. Mais je refuse que l’on instrumentalise ces périls pour faire avaler au peuple l’échec de ceux qui devaient le protéger. Je refuse que l’on camoufle sous l’uniforme la lâcheté des civils qui nous gouvernent. Je refuse qu’on habille d’héroïsme ce qui n’est, pour beaucoup, qu’un déficit de lucidité stratégique.

Oui, la guerre est tragique. Mais elle ne devient juste qu’à la condition d’être inévitable, claire dans ses buts, cohérente dans ses moyens.

Ce n’est pas le cas aujourd’hui.

Et ce n’est pas en pleurant des enfants qui ne sont pas encore tombés qu’on construit une nation résiliente. C’est en relevant les vivants, en redonnant du sens, en réarmant les âmes avant de songer aux armes.

Or, tout ce que le macronisme a détruit et les politiques depuis quarante ans, il ne suffit pas d’un discours de général pour le réparer.

Il faut du temps, du souffle, une colonne vertébrale. Il faut une vision du bien commun. Pas une fuite en avant dans un tragique de pacotille. Pas une sommation sacrificielle sans qu’aucune hiérarchie claire des intérêts ne soit exposée. Pas une scène de théâtre destinée à recouvrir d’un suaire émotionnel les 26 milliards d’euros versés sans contrôle à un État ukrainien miné par la corruption.

Et puisque le tragique semble être redevenu tendance dans les allées du pouvoir, qu’on me permette d’en rappeler la loi première : ce n’est jamais l’innocent qui doit payer pour les fautes du roi.

Le tragique, le vrai, c’est quand les enfants tombent parce que les pères ont baissé les yeux. Le tragique, le vrai, c’est quand le sang lave l’incurie. Le tragique, le vrai, c’est quand la nation pleure ceux qu’elle a elle-même exposés par son inconséquence, son relativisme, son reniement des limites.

Je ne suis pas pacifiste. Je ne suis pas défaitiste.

Je suis héritier. Et je sais ce que cela implique :

Se battre pour transmettre, non pour compenser des errements idéologiques.

Aimer assez la paix pour ne jamais jouer à la guerre. Aimer assez la France pour ne pas la sacrifier à des intérêts qui ne sont pas les siens. Aimer assez ses enfants pour refuser qu’ils soient les otages d’un pouvoir qui n’assume plus rien.

Car il faut le dire, ce n’est pas la Russie qui menace la France, c’est le vide stratégique dans lequel nous dérivons depuis trop longtemps. Ce n’est pas Moscou qui gangrène nos cités. Ce n’est pas Poutine qui désagrège notre école, notre autorité, notre langue, notre contrat social. Ce n’est pas le Kremlin qui a vidé l’État de son ossature, remplacé la nation par un agrégat de clientèles, ni défait l’idée même de continuité historique. Et ce n’est pas en envoyant des bataillons mourir pour l’Ukraine qu’on refera une nation.

Une nation, on la refonde en lui donnant un projet. Un ancrage. Une exigence. Un souffle. Pas une logorrhée funèbre pour enfants absents.

Mais comment en est-on arrivé là ?

Comment une nation naguère fière de ses clochers, de ses casernes, de ses écoles, de ses lois gravées dans le marbre, en vient-elle à supplier qu’on lui inocule un peu de peur pour retrouver la sensation du réel ?

Il aura donc fallu que le tragique soit réquisitionné par un président désincarné, qu’on repeigne les cercueils aux couleurs de l’Europe, qu’on convoque la mort pour justifier l’impuissance des vivants.

Le macronisme n’a rien d’un régime martial. C’est un désordre liquide, une mise en scène perpétuelle de gravité sans poids. Un théâtre de figures molles qui s’excusent d’être nées françaises tout en rêvant de mourir européennes.

Ce pouvoir n’aime ni l’ordre, ni l’autorité, ni la patrie. Il aime l’émotion, le bruissement médiatique, l’adrénaline du désastre feint. Il gouverne par effroi, administre par soubresauts, pense par slogan. Il a transformé la République en startup de la sidération permanente.

Et voici que l’on s’invente un épouvantail russe pour maquiller vingt ans d’incurie africaine, un chantage aux cercueils pour dissimuler les renoncements budgétaires, une rhétorique sacrificielle pour masquer l’abandon des frontières, des églises, des campagnes.

L’ennemi est peut-être réel, mais la guerre qu’on nous prépare est fausse, car son mobile est faux. Ce n’est pas la survie de la France qu’on défend, c’est la fuite en avant d’un régime discrédité.

Mais le vrai scandale n’est pas là. Le vrai scandale, c’est cette confiscation du mot sacrifice par ceux qui ne se sont jamais sacrifiés pour rien.

Le sacrifice n’est pas un outil de communication. Ce n’est pas une posture de communicant sur fond de drapeau européen. C’est un acte éminemment personnel, enraciné dans la conscience d’un bien supérieur.

Et ce bien supérieur, ce n’est pas l’Ukraine, ce n’est pas l’OTAN, ce n’est pas l’Union européenne.

Ce bien supérieur, c’est ce que la France a cessé d’énoncer : sa foi en elle-même. Sa mission. Son mystère. Cette chose inaltérable qui fit qu’on se battit pour elle même quand elle n’existait plus, même quand elle était dépecée, trahie, occupée. Et aujourd’hui, elle est livrée nue, sans colonne, sans nerf, sans volonté.

Le réarmement moral est nécessaire, oui. Mais il ne peut être conduit par ceux qui ont désarmé les âmes.

On ne prépare pas la guerre avec des cours de drag queen dans les écoles. On ne bâtit pas une défense nationale avec des injonctions à la repentance. On ne lève pas une armée quand l’autorité est suspecte, la transmission criminalisée, et l’héritage jugé toxique.

Une nation qui n’assume plus sa civilisation ne peut pas faire mourir ses enfants pour elle.

J’ai cinq enfants. cinq visages, cinq souffles, cinq joies profondes. Je donnerais ma vie pour eux et mon épouse sans hésiter. Je donnerais ma vie pour que cette terre demeure assez ferme pour qu’ils y prennent racine. Je donnerais ma vie pour que la France redevienne digne d’être aimée au point de mourir pour elle. Mais je ne les laisserai pas mourir pour un storytelling d’État. Je ne les offrirai pas à la stratégie d’un président illégitime, à un tragique de cabinet ministériel, à une « politique de l’honneur » bricolée par ceux qui ont méthodiquement détruit tout ce qui fonde l’honneur.

Je refuse de faire de mes enfants des variables d’ajustement de la politique étrangère d’un pouvoir qui a cédé l’Afrique, méprisé le Maghreb, abandonné les chrétiens d’Orient, et pactisé avec toutes les dissolutions.

Ce n’est pas Poutine que je crains. C’est l’oubli de qui nous sommes.

Qu’ils aillent donc mourir seuls, ceux qui n’ont plus rien à défendre. Qu’ils dressent leurs bilans comptables en guise de testament, qu’ils éructent leurs discours de mobilisation en tailleur Dior, qu’ils agitent leurs décorations comme des grelots pour noël technocratique.

Moi, je veux qu’on me rende la France. Pas l’image, pas la marque, pas la startup, pas le QR code patriotique.

La France.

Je veux qu’on me rende une terre à aimer. Une langue à transmettre. Un ciel à contempler. Une Histoire à continuer. Un nom qu’on porte et qu’on honore. Je ne veux pas d’une armée qui parade pour masquer le vide, je veux une nation qui se tienne debout parce qu’elle a quelque chose à dire. Et d’abord, à elle-même.

Car l’enjeu n’est pas la guerre, mais ce qu’elle révèle. Et ce qu’elle révèle, c’est l’état de putréfaction avancée d’une société qui n’a plus de bornes, plus de boussole, plus de colonne vertébrale.

Le tragique ne suffit pas à faire un peuple. Il faut un enracinement. Une foi. Une fidélité. Et cette fidélité-là, jamais vous ne l’obtiendrez par décret.

On peut commander à des corps, pas à des âmes. On peut fabriquer la peur, pas l’amour. On peut simuler le deuil, pas le sacrifice. On peut acheter des armes, pas le courage.

Oui, nous aurons à nous battre.

Mais pas pour l’Ukraine, ni pour Bruxelles, ni pour les comptes de campagne de Volodymyr Zelensky. Nous aurons à nous battre pour que nos enfants ne deviennent pas des otages. Pour qu’ils puissent grandir en paix, dans un pays souverain, enraciné, lucide. Un pays qui ne les dressera pas à mourir pour dissimuler ses erreurs, mais qui leur apprendra à vivre pleinement, librement, avec assez de verticalité pour faire face au tragique quand il surgira pour de bon.

Alors non.

Non. Ce ne sont pas mes enfants que je suis prêt à perdre.

C’est moi. Moi, s’il le faut. Moi, parce que c’est cela, être un homme.

Mais eux, jamais pour masquer nos démissions.

Partager cet article

Nous utilisons des cookies pour vous offrir la meilleure expérience en ligne. En acceptant, vous acceptez l'utilisation de cookies conformément à notre politique de confidentialité des cookies.

Paramètres de confidentialité sauvegardés !
Paramètres de confidentialité

Lorsque vous visitez un site Web, il peut stocker ou récupérer des informations sur votre navigateur, principalement sous la forme de cookies. Contrôlez vos services de cookies personnels ici.


Le Salon Beige a choisi de n'afficher uniquement de la publicité à des sites partenaires !

Refuser tous les services
Accepter tous les services