Stéphane Bern a été longuement interrogé dans Ouest-France. Extraits :
L’argent restant récupéré pour Notre-Dame pourrait-il servir à d’autres églises ?
Non, mais ça va servir à Notre-Dame. Depuis 2015 et 2016, je me bats pour qu’on sauve ses pinacles, ses arcs-boutants. On va les refaire ainsi que tous les contreforts de la voûte. On va s’occuper de l’extérieur et du parvis. Je plaide pour un musée de l’œuvre, déjà préfiguré par Charles Personnaz, pour raconter les coulisses, les œuvres, ou exposer le coq miraculeusement retrouvé. L’argent serait mieux utilisé ainsi que dans des vitraux contemporains à la place de ceux de Viollet-Le-Duc. Mais bon, c’est un souhait du Président. Donc ce que le Président veut, Dieu le veut, j’ai l’impression !
Vous êtes opposé aux six vitraux contemporains, pour lesquels l’artiste Claire Tabouret vient d’être choisie ?
Je n’ai rien ni contre Claire Tabouret ni contre les vitraux contemporains. Il y en a à la cathédrale de Chartres (Eure-et-Loir) et j’ai participé à la collecte. Mais je leur suis favorable quand les anciens sont détruits ou détériorés. On ne peut pas enlever des vitraux classés Monument historique. Sinon, je vais faire la même chose pour mon musée : enlever ce qui est monument historique et faire des choses contemporaines que j’aime beaucoup. Soyez sûr que la Direction régionale des affaires culturelles me mettrait une amende.
Ça vous agace ?
Ah oui. Pourquoi l’État s’affranchit-il des règles qu’il impose aux autres ? Juste parce que le Président le veut ? La Commission nationale du patrimoine et de l’architecture a voté unanimement contre. S’opposer à cela, avec l’aval de la ministre de la Culture, ça veut dire qu’il y aura des recours. Je pense qu’on n’est pas près de voir ces vitraux. Et puis 4 millions d’euros, est-ce que la France les a maintenant ?
Quelle est votre position sur le fait de faire payer l’entrée à Notre-Dame pour les touristes – et non pour les fidèles?
D’abord, Notre-Dame est déjà partiellement payante. Vous voulez voir le trésor, les tours, la crypte ? Vous payez. Mais je ne suis pas pour qu’on fasse payer l’entrée. Je comprends la position de l’Église.
Vous avez changé de position…
J’ai changé parce que je considère que toute personne qui veut entrer dans Notre-Dame, doit le pouvoir. Même si partout dans le monde, il y a une file pour ceux qui visitent et une pour les fidèles. Mais vous savez ce que l’Église m’a avoué ? Au fond, ils ne sont pas contre le fait que les gens payent, mais contre le fait que les gens payent à l’État. Autre exemple : qui va bénéficier des revenus des boutiques ? C’est l’Église. J’espère qu’elle reversera quelque chose à l’État, qui est propriétaire de la cathédrale. Car l’État, c’est nous.
Que faire ?
Je veux mettre à plat toutes les dérogations qui existent sur les financements. Je fais un double constat. D’une part, on trouve 850 millions pour Notre-Dame de Paris, et je ne trouve pas les 85 premiers euros pour n’importe quelle petite église de campagne, alors qu’elles s’effondrent les unes après les autres. Est-ce normal alors qu’elles sont aussi anciennes que Notre-Dame ? D’autre part, on s’arc-boute sur la loi de 1905, mais personne ne la respecte. Elle dispose qu’en échange de la confiscation des biens de l’Église, les cathédrales appartiennent à l’État et les églises aux communes. Est-ce que les communes entretiennent les églises ? Non. Donc la loi de 1905 est caduque. Elle n’est pas respectée, donc elle n’existe plus. C’est un jeu de dupes, tout ça.
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La France souffre-t-elle de son centralisme ?
Oui, mon point de vue a encore plus changé depuis que je vis à la campagne. Même si j’en ai pris conscience depuis une dizaine d’années avec le Village préféré des Français par exemple. Je ne tourne quasiment rien à Paris à part les grands événements, mes émissions se font dans les territoires. Où chaque restauration de monument peut faire revivre un village.
C’est le cas ici, à Thiron-Gardais ?
Ici, on restaure le collège royal, l’église, et immédiatement les touristes viennent. Il y a trois restaurants dans ce village de 980 habitants. Le patrimoine fait la richesse et la vie des villages. J’ai un angle de vue purement rural et, je le reconnais, il y a un mépris des élites parisiennes envers les campagnes. Beaucoup nous regardent comme des bouseux.
Et les décideurs politiques parisiens ?
J’en parle au Président, mais j’ai l’impression qu’il m’écoute sans m’entendre.
Et beaucoup l’accusent d’être déconnecté…
Je crains qu’il le soit vraiment. Ce n’est pas faute de lui expliquer la ruralité. Mais vous savez, tout est pensé, dirigé depuis Paris. Un exemple : les grands médias sont faits à Paris, sans ancrage local. Aussi, la boboïsation de l’élite intellectuelle créé une déconnexion.
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Certains reprochent au Président une attitude de monarque. Ça pourrait vous séduire.
Oui, ça peut me séduire, mais dans ce cas-là, il faut rester au-dessus des partis et non pas rentrer dans l’arène politique. Présider, c’est incarner. Gouverner, c’est le rôle du Premier ministre. En France, le Président se prend pour le Premier ministre et le Premier ministre rêve d’être Président. Emmanuel Macron avait les meilleures intentions quand il est arrivé, mais, tout de suite, il a mis les mains dans le cambouis de la politique politicienne et c’était foutu. […]